La Liberté

Fusion en sous-sol: inimitable Mike Stern

Le Montreux Jazz s’évertue à rester tout à la fois patrimonial et contemporain. Tant mieux. Alors que les stars du moment brillent au Stravinsky, les légendes prolongent l'histoire du jazz en sous-sol. Lundi soir, Mike Stern n’a pas fait faux bond.

Lundi soir au Montreux Jazz Festival, Mike Stern a prouvé qu'il restait l’un des plus grands guitaristes fusion. © Marc Ducrest
Lundi soir au Montreux Jazz Festival, Mike Stern a prouvé qu'il restait l’un des plus grands guitaristes fusion. © Marc Ducrest


Thierry Raboud

Publié le 11.07.2017

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Ça cognait fort là-haut. L’âpreté travaillée de The Kills puis la joyeuse déferlante rock de Kasabian. Pendant ce temps, quelques étages plus bas, loin des foules défoulées, le Club offrait ses tentures veloutées aux orfèvres. De ceux qui, en artisans autant qu’en artistes, continuent de nourrir l’histoire du lieu. Lorsque le Montreux Jazz s’évertue à prouver qu’il mérite son nom et son renom, il le fait bien. Dans ce sous-sol apprêté en écrin de prestige aux places chèrement assises, il convie des légendes.

Lundi soir, la soirée fut une nuit, à vrai dire. Après la virtuosité du Finlandais Olli Hirvonen, révélation du concours de guitare 2016, c’est Dave Liebman qui est entré en scène avec son Sax Summit. Humilité, virtuosité. L’ombre du Coltrane tardif planait dans ces immenses morceaux en lisière du free, où la batterie du septuagénaire Billy Hart et la contrebasse de l’octogénaire Cecil McBee convoquaient des pans entiers de l’histoire du jazz. Silence et intimité, recueillement presque, face à ces grands invoquant le plus grand d’entre eux, disparu il y a un demi-siècle exactement.

Et Mike Stern a allumé ses deux amplis Fender. L’an passé, on l'attendait en ce même Club mais il avait fait faux bond – deux clavicules brisées. Lundi soir, il a pris le jazz à bras le corps et on l’a très vite reconnu. Ces longues glissades mélodiques, cette distorsion enclenchée à mi-chemin de chaque solo, ce hard-bop déroulé avec une éloquente souplesse, rien n’est plus inimitable. Sinon peut-être cette coiffe au crin flavescent qui encadre son sourire sincère.

Après Out of the blue, il a dit son plaisir d’être là, aux côtés de Randy Brecker. Le trompettiste, moitié des mythiques Brecker Brothers, jouait assis et rapide, laissant le guitariste occuper le devant de la scène. Les deux ont alterné les compositions, accompagnés du charleston dansant du batteur Lenny White et des six cordes généreuses du bassiste Teymur Phell. Thèmes chuchotés, solos échevelés, interactions complices. Dans la pure tradition fusion, les riffs sont dévalés à pleine vitesse, enrobés d’effets: un subtil octaver pour le souffleur tandis que le guitariste ne départit jamais de son légendaire chorus.

Un son parfait, des thèmes connus. Oui, Mike Stern a fait du Mike Stern. Personne n'était venu pour être surpris, plutôt pour le plaisir de s’assurer que l'Américain reste l’un des plus grands guitaristes fusion. D’hier mais aussi d’aujourd’hui. Autour de minuit, tandis qu’il lançait les premières notes du très funky Tipatina's tiré de son fameux album Play, plus personne ne songea à aller se coucher. Le Stravinsky s’était tu depuis longtemps, le Club s’enfonçait dans la nuit, prolongeant avec un concert surprise du jeune homme orchestre Jacob Collier. Puis avec une jam.

Puis le matin devait bien finir par arriver.

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Extrait du concert:

 

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