La Liberté

Un petit lapin, ça vous tient chaud

Une belle en promenade avec son petit lapin, dont elle parle comme d’un animal  sensible...   © DR
Une belle en promenade avec son petit lapin, dont elle parle comme d’un animal sensible... © DR


angélique eggenschiler

Publié le 26.05.2017

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Le mot de la fin

C’est bête les amoureux. Ils ont l’air cloche quand ils se donnent la becquée en public, des mots doux en privé et des baisers en cachette. Ils affichent un sourire niais assorti au rire jaune des célibataires jaloux, mal à l’aise ou mal lunés. Les amoureux dégoulinent de fadaises, sentent les phéromones à plein nez.

Ils prennent de la place dans le bus et sur la liste d’invités; ils comptent double, parfois triple selon la fertilité de Madame ou la fidélité de Monsieur. Et tout ça généralement fois deux.

Parce que l’amour rebaptise les amoureux. Eux se dédoublent, lui se décline en surnoms doucereux qui vous piquent la langue et collent à la peau. Les «chouchou» ou «pitchoune» envahissent vos téléphones portables, ringardisés par un audacieux «ma couille», bientôt remplacé par un explicite «couillon». De mon côté, j’ai hérité de l’original «p’tit cul». Et pour compléter la paire, j’ai adopté un «petit lapin».

C’est chouette un petit lapin. Autonome et facile d’entretien. Ça s’apprivoise avec des carottes et un peu de tendresse.

Il faut dire que j’en ai à revendre, de la tendresse, pour qui sait la croquer au revers d’une fane de carottes. Que voulez-vous, c’est bête les sentiments, ça rend bête voire un peu crétin. Et ce sont souvent des petites bêtes qui partagent notre salle de bains. Des chatons, des crevettes et des poussins, des canards et des loulous qui vous filent des coups de bec dans le cou.

On s’y attache. Le mien est tout doux, du poil aux caresses; il glisse des «bonne nuit» dans ma messagerie et des baisers au saut du lit. Il a les pattes arrière qui dépassent de la couette, et la truffe qui déborde sur mon oreiller, juste là, entre la carotide et les bras de Morphée. Il a souvent la truffe mouillée. Parce que c’est un sensible mon lapin, un tendre avec les oreilles en épis et le cœur sur la main.

Il me fait rire aussi. Il a les canines qui frétillent et le pompon qui se trémousse. Ça me chatouille les zygomatiques quand les moustaches dépassent ou ses jeux de mots débordent. Il s’aiguise les dents sur la langue française; il mord dedans, mastique les tournures et s’en met plein les bajoues. Je le retrouve avec les pommettes gonflées de boutades qu’il sème entre deux fanes de carottes.

C’est mon lapin. Affectueux, propre et câlin. Il me colle des papillons dans le ventre et des pattes-d’oie sur les tempes. Une vraie ménagerie: ça attire les cafards quand il quitte le clapier. Je le retrouve quelques jours plus tard les bajoues pleines de baisers. Mon lapin je l’ai dans la peau. A me dresser les poils des avant-bras quand il glisse son museau dans mon cou. Les animaux ça vous tient chaud sous la couette. Le mien me tient le cœur au chaud.

Décidément, c’est sympa les petites bêtes.


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