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De vieux documents prouvent que Crypto AG a collaboré avec la NSA

Le fondateur de Crypto AG a conclu un accord avec un analyste de la NSA en février 1955 dont les termes exacts sont inconnus (image symbolique). © KEYSTONE/URS FLUEELER
Le fondateur de Crypto AG a conclu un accord avec un analyste de la NSA en février 1955 dont les termes exacts sont inconnus (image symbolique). © KEYSTONE/URS FLUEELER


Publié le 30.07.2015


A l'époque du rideau de fer, l'entreprise zougoise Crypto AG a vendu des machines de codage dans le monde entier, profitant de la neutralité de la Suisse. Des documents de la NSA rendus publics récemment prouvent que la firme s'était entendue avec un de ses agents.

Le contenu exact de l'accord conclu entre Boris Hagelin, son fils et William F. Friedman, un cryptoanalyste de la NSA ne figure pas dans les 23 pages du rapport de ce dernier, dont l'ats a obtenu une copie. Les passages croustillants ont été retirés par le service de renseignement américain avant la déclassification du document.

Mais ce texte prouve qu'une entente a bien eu lieu en février 1955 au domicile des Hagelin. De l'aveu de William Friedman, un ami de la famille, le but réel du voyage était de faire une "sorte de proposition" au patron de Crypto AG, "qui nous contenterait et serait éventuellement acceptable pour lui (Hagelin)". Car l'entreprise suisse était à la pointe de la technologie en matière de chiffrement et de codage des communications.

L'entrepreneur suédois d’origine russe Boris Hagelin n'a pas hésité à accepter "sans réserve et sans désir de modification" les termes de cet accord, peut-on lire dans le texte de l'Américain. Il aurait même refusé d'être rémunéré pour sa contribution, "car celle-ci correspondait à sa conception d'une conduite appropriée". En contrepartie toutefois, la famille de l'entrepreneur a bénéficié des contacts de la NSA pour trouver du travail.

Aperçu des aspects techniques

Le rapport, relayé par les médias suisses et britanniques, prouve par contre que la société zougoise a communiqué aux Américains les spécificités technologiques des machines qu'elle livrait en détail, leur nombre et à quels pays. Le texte laisse également entendre que des modèles plus anciens et donc plus faciles à décrypter étaient livrés à certains pays. Le compte-rendu note également que la durée de l'"entente" entre les deux hommes n'est pas précisée.

Ainsi, la Jordanie avait fait l'acquisition d'environ 30 machines, tandis que la Syrie s'est procuré quelque 50 pièces "d'un ancien modèle". Belgique, France, Grande-Bretagne ou Irlande étaient clients de la société suisse. Tout comme l'Egypte, l'Irak, le Brésil et l'Inde, mais aussi la Pologne et la Hongrie, soit des pays de l'autre côté du rideau de fer.

Une raison qui avait poussé Boris Hagelin, à cette époque en train de déménager son entreprise de Stockholm à Zoug, à préférer la Suisse aux Etats-Unis. L'homme d'affaires ne voyant pas les avantages qu'il gagnerait à s'installer dans ce dernier pays, puisqu'il souhaitait livrer qui il voulait. Or, en pleine Guerre Froide, les Etats-Unis "m'auraient sans doute imposé des restrictions".

Soupçons relayés

Depuis les années 1980, des rumeurs colportées par les médias racontent que Crypto aurait collaboré avec les services de renseignement allemand, américain et britannique. Ceux-ci disposant des bonnes clés de lectures, ils auraient pu décrypter plus facilement les messages codés des autres pays qui se fournissaient à Zoug.

La société suisse a déjà rejeté ces accusations à plusieurs reprises et aucune preuve de ces accointances ne figure clairement dans cette archive. Aujourd'hui, "60 ans plus tard", Crypto AG ne souhaite pas commenter ces documents déclassifiés, a-t-elle indiqué à l'ats.

ats

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