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Décès de Michel Butor, dernière grande figure du Nouveau Roman

Michel Butor avait enseigné à la faculté des lettres de l'université de Genève (archives). © KEYSTONE/SALVATORE DI NOLFI
Michel Butor avait enseigné  à la faculté des lettres de l'université de Genève (archives). © KEYSTONE/SALVATORE DI NOLFI


Publié le 25.08.2016


L'écrivain, poète et essayiste français Michel Butor, dernière grande figure du Nouveau Roman, est décédé mercredi à l'âge de 89 ans. Lauréat du prix Renaudot de 1957 pour "La Modification", il laisse derrière lui une oeuvre prolixe et inclassable.

Michel Butor, qui n'avait jamais cessé d'écrire et de publier, s'est éteint à l'hôpital de Contamine-sur-Arve, dans le sud-est de la France, selon le quotidien français Le Monde qui a annoncé son décès, citant sa famille.

Au milieu des années 1950, l'écrivain tente de casser les codes de la littérature traditionnelle aux côtés d'auteurs comme Alain Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute et Claude Simon. L'intrigue perd de son importance au profit de tout ce qui entoure l'histoire principale. Un mouvement littéraire, surnommé le Nouveau Roman, est né.

Oeuvre inclassable

L'oeuvre de Michel Butor, prix Renaudot en 1957 pour "La Modification", était immense et inclassable, allant bien au-delà des seuls quatre romans qu'il n'a jamais écrits, le dernier en 1960. Dans "La Modification", il emploie notamment la deuxième personne du pluriel, un procédé stylistique qui force le lecteur à s'impliquer dans le récit et sera beaucoup imité.

Poète, essayiste, il était familier de Baudelaire, Rimbaud, Balzac. Il venait de publier une anthologie de Victor Hugo qu'il considérait comme "un oncle", qui "m'a mis la main sur l'épaule et m'a beaucoup aidé pendant toute ma vie parce qu'il a pratiqué des formes très variées d'écriture".

Outre la littérature, il était tout aussi passionné par la musique et la peinture. Il avait notamment publié de nombreux livres d'artiste, dont Alechinsky ou Jiri Kolar. Fasciné par les langues, il s'est également essayé à la traduction.

Nombreux voyages

Né le 14 septembre 1926 à Mons-en-Baroeul, dans le nord de la France, il fut tout autant écrivain que professeur. Il a sillonné les continents donnant en Europe, aux Etats-Unis, en Asie ou en Australie de multiples cours et conférences, qui seront réunis en plusieurs séries de recueils. Ses voyages l'ont amené jusqu'à Genève, où il a enseigné à la faculté des lettres de l'université.

De ces incessants va-et-vient naît une oeuvre protéiforme et abondante, qui compte plus de mille titres (toujours en cours de publication aux Editions de la Différence). Il restera comme l'un des plus grands expérimentateurs de la littérature. Des écrivains, comme le prix Nobel Jean-Gustave Le Clézio, se sont inspirés de son oeuvre.

En 2013, il avait reçu le grand prix de littérature de l'Académie française pour l'ensemble de son oeuvre.

Interrogé par le magazine français Lire en juin dernier, l'écrivain confiait avoir "plusieurs livres d'artiste en gestation". "J'ai envie de raconter l'histoire de Jack et le haricot magique à ma manière. Et un autre texte pour un concert avec un ami pianiste, Jean-François Heisser", le directeur musical de l'orchestre Poitou-Charentes, disait-il.

Parmi ses titres les plus marquants de ces dernières années, il y a "Description de San Marco" (à propos de Venise), "Portrait de l'artiste en jeune singe", un ensemble d'essais baptisé "Répertoire", où il se penche notamment sur La Princesse de Clèves, Rabelais, un de ses auteurs de prédilection, mais aussi Ezra Pound, Chateaubriand, Giacometti, Hokusaï et les paysages japonais.

En 1996, il confiait au journal français Libération: "Mes livres ont, je le vois bien, un côté médusant; les gens ont peur de rentrer dans ce labyrinthe de plus en plus énorme. Moi-même, j'ai du mal à les ranger. Je ne parviens pas toujours à m'y orienter".

ats, afp

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