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Il y a 50 ans, la télévision suisse prenait des couleurs

Gilles Marchand, le directeur de la SSR il y a dix ans, alors qu'il dirigeait ce qui était encore la Television suisse romande (TSR). © KEYSTONE/SALVATORE DI NOLFI
Gilles Marchand, le directeur de la SSR il y a dix ans, alors qu'il dirigeait ce qui était encore la Television suisse romande (TSR). © KEYSTONE/SALVATORE DI NOLFI


Publié le 30.09.2018


Il y aura exactement 50 ans lundi que la télévision suisse passait à la couleur. Les débuts furent modestes, mais en dix ans, le nombre de foyers disposant d'un appareil couleur avait déjà été multiplié par 30.

La cérémonie d'entrée dans la nouvelle ère, le 1er octobre 1968, ressemblait à l'assermentation d'un ministre en version miniature. Précédé par son huissier en tenue d'apparat, le conseiller fédéral valaisan Roger Bonvin est entré dans le petit studio zurichois de 50 mètres carrés, suivi du du directeur général de la SSR Marcel Bezençon et d'autres cadres.

Et la couleur fut

Pour mettre en valeur la couleur, des demoiselles d'honneur vêtues d'habits colorés et provenant des quatre régions linguistiques complétaient le tableau autour d'un bouquet de fleurs. Gris sur gris, Marcel Bezençon a tenu un bref discours, avant de désigner les fleurs et de lancer: "Que la couleur soit!". Et la couleur fut sur le petit écran.

Mais seul un pourcent des téléspectateurs, 27'000 à peine, put bénéficier de l'instant magique. Car, à l'époque, un appareil couleur coûtait quelque 3000 francs, soit trois mois d'un salaire moyen ou la moitié du prix d'une coccinelle VW toute neuve.

Mais à Noël 1968, on comptait déjà 40'000 ménages avec sa TV couleur en Suisse. Et dix ans plus tard, il y en avait 750'000.

L'âge d'or

1968, c'était l'époque de "Continents sans visa", l'ancêtre de "Temps présent". Pierre Lang mettait les animaux en vedette dans son "Rendez- vous" et Georges Hardy animait soir après soir "A vos lettres".

La speakerine Claudette déclarait, il y a 25 ans, se souvenir du passage à la couleur: "J'étais terrorisée. Nous n'avions qu'un seul studio. Quand quelqu'un passait à l'antenne, la vingtaine d'autres devaient observer un silence de pierre."

1968, c'était aussi l'âge d'or du cinéma à la télévision. La maison pouvait s'enorgueillir de la collaboration du groupe des cinq, soit Alain Tanner, Michel Soutter, Claude Goretta, Jean-Louis Roy et Jean-Jacques Lagrange.

Romands désavantagés

Pour marquer le passage à la couleur, la SSR avait réalisé quatre petits films, un par langue, diffusés aussitôt après la cérémonie d'inauguration. En français, l'oeuvre s'intitulait "La Chanson de Fribourg".

A ses débuts, la télévision suisse ne produisait qu'environ six heures par semaine en couleur. Et le loisir était plus cher pour les Romands que pour les Alémaniques, car ils devaient se munir d'appareils compatibles avec deux standards. Le Conseil fédéral avait opté pour le système PAL, comme la plupart des pays d'Europe centrale, alors que la France retransmettait par SECAM.

5e européen

En 1968, la Suisse était le cinquième pays d'Europe occidentale à introduire la couleur à la télévision. Y étaient déjà passés l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas.

Le petit écran diffusait alors surtout des films ou des reprises d'émissions étrangères. Il faudra attendre 1970 (les cars couleur) et 1971 (deux studios à Zurich et Genève) pour que la télévision suisse produise ses propres émissions et reportages en couleur. En 1970, 40% des émissions étaient diffusées en couleur. Pour le premier téléjournal, il a fallu attendre le 1er mars 1973.

Du bon ton au bon teint

La couleur a entraîné des changements insoupçonnés, notamment pour ceux qui passaient à l'écran. Il était par exemple recommandé aux présentateurs de rester à l'ombre. En cause: les peaux tannées par le soleil qui apparaissaient grises sur les écrans couleur.

Par ailleurs, alors qu'il suffisait de se poudrer pour passer en noir et blanc, un maquillage spécial était nécessaire pour les tournages en couleur. Un métier qui évoluait de manière très artisanale. Les maquilleurs concoctaient un mélange de fond de teint beige, vert, rouge et bleu qu'ils faisaient revenir à feu doux.

ats

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