La Liberté

Le CHUV découvre une nouvelle maladie génétique

Les chercheurs du CHUV ont collaboré avec des scientifiques canadiens (photo symbolique). © KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT
Les chercheurs du CHUV ont collaboré avec des scientifiques canadiens (photo symbolique). © KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT


Publié le 23.05.2016


Médecine • Des chercheurs lausannois ont découvert une nouvelle maladie génétique. Cette pathologie qui ne porte pas encore de nom provoque un retard de développement sévère et des troubles de la croissance osseuse.

C'est en observant des patients "hors norme" alliant ces deux symptômes qu'Andrea Superti-Furga, professeur ordinaire à la Faculté de biologie et de médecine de l'Université de Lausanne (UNIL) et chef de service au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) s'est interrogé sur la possibilité d'une cause commune à ces maux.

"Au cours de ces cinq dernières années, nous avons diagnostiqué cette combinaison de signes cliniques chez huit patients et trouvé des mutations génétiques", explique le spécialiste, cité lundi dans un communiqué de l'UNIL.

"Mais c'est en 2015, quand des collègues canadiens nous ont contactés à propos d'un petit patient chez lequel ils avaient démontré des métabolites anormaux dans le liquide céphalo-rachidien, le plasma et l'urine que les choses ont bougé rapidement", poursuit le Pr Superti-Furga.

"En échangeant nos échantillons, nous avons pu confirmer de manière réciproque que ces patients qui combinaient un retard de développement intellectuel, avec manque de langage, et une petite taille souffraient en fait d'un même et unique déficit", dit-il. "Nous avons ensuite pu compter sur l'aide de chercheurs dans plusieurs autres centres pour explorer et valider toutes les facettes génétiques, métaboliques et cliniques de cette nouvelle maladie".

Synthèse de l'acide sialique

L'étude, publiée dans "Nature Genetics", a démontré que c'est plus précisément un trouble de la synthèse de l'acide sialique qui serait à l'origine de ces dysfonctionnements. L'acide sialique est présent partout dans notre corps, mais surtout dans notre cerveau, qui en contient beaucoup plus que celui des autres animaux, même des singes.

L'acide sialique est connu pour ses effets bénéfiques non seulement pour le développement de l'enfant normal, mais également pour accroître la puissance cognitive chez les personnes âgées. A noter que le lait maternel est beaucoup plus riche en acide sialique que le lait de vache ou même le lait en poudre pour enfants.

Le gène NANS est responsable de la synthèse de l'acide sialique. Chez les neuf patients qui ont fait l'objet de l'étude, huit mutations récessives - c'est-à-dire qu'un individu peut être porteur de la mutation sans déclarer la maladie - ont été identifiées dans ce gène. Avec pour conséquence une synthèse d'acide sialique dans leurs cellules fortement ralentie.

Pour mener à bien leurs recherches et confirmer le rôle central de l'acide sialique dans le développement précoce du cerveau et la croissance du squelette, les scientifiques ont utilisé pour modèle des embryons de poisson-zèbre. En ajoutant de l'acide sialique dans l'eau d'élevage, ils sont parvenus à prévenir les défauts de leur squelette.

Vers une thérapie par voie orale?

Afin de pallier le déficit en acide sialique, les médecins en Suisse et au Canada explorent la possibilité d'une thérapie par voie orale. L'acide sialique ainsi administré est bien toléré et ne présente pas d'effets collatéraux.

Même si les patients et leur famille attendent beaucoup de cette approche, il faut éviter de faux espoirs. "Nous ne savons pas dans quelle mesure l'apport en acide sialique durant le développement embryonnaire dépend de la synthèse endogène", tempère le Pr Superti-Furga. D'autres expériences seront nécessaires pour voir si un apport externe d'acide sialique peut être ou non bénéfique pour le patient.

Impact sur la nutrition

La possibilité d'un diagnostic biochimique et moléculaire va certainement aider à l'identification d'un plus grand nombre de patients. Mais outre l'aspect lié aux individus atteints de cette maladie génétique, ces travaux pourraient avoir un impact plus large sur la science de la nutrition chez l'homme.

"Cette découverte soutient la recommandation déjà émise par les nutritionnistes de fortifier en acide sialique non seulement les laits pour bébés afin d'assurer un développement optimal de leur cerveau, mais également les aliments pour personnes âgées afin de renforcer leur puissance cognitive", conclut le professeur.

Ces travaux portent sur des patients âgés de 3 à 46 ans, provenant d'Italie, du Canada, du Royaume-Uni, de France et du Japon. Des chercheurs zurichois, britanniques, néerlandais, italiens, français, japonais et autrichiens y ont également participé.

ats

Articles les plus lus
Dans la même rubrique
La Liberté - Bd de Pérolles 42 / 1700 Fribourg
Tél: +41 26 426 44 11