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Le Conseil des Etats veut encore tenter le compromis

La troisième réforme de l'imposition des entreprises, et l'ampleur des largesses accordées, continue de préoccuper les Chambres fédérales (archives). © KEYSTONE/GAETAN BALLY
La troisième réforme de l'imposition des entreprises, et l'ampleur des largesses accordées, continue de préoccuper les Chambres fédérales (archives). © KEYSTONE/GAETAN BALLY


Publié le 30.05.2016


La troisième réforme de l'imposition des entreprises donne encore du fil à retordre au Parlement. Alors que le National a largement chargé la barque, le Conseil des Etats veut encore croire à un compromis. En attendant, il a campé lundi sur ses positions.

Tout l'enjeu porte sur l'ampleur des allègements promis aux sociétés suisses et étrangères pour pallier la suppression des statuts spéciaux dénoncés au niveau international. Les cantons planchent déjà sur une option: la baisse du taux d'imposition des bénéfices.

Bien que n'apparaissant pas formellement dans le projet discuté au Parlement, cette mesure, qui risque de provoquer de grandes pertes fiscales, plane sur les débats. Et les cantons n'ont pas apprécié que le National ait multiplié les largesses.

Leurs doléances sont prises au sérieux par le Conseil des Etats. La réforme devra en effet affronter un référendum de la gauche qui ne veut pas multiplier les cadeaux fiscaux et que la Confédération perde plus de 500 millions dans l'opération. La votation s'annonce difficile, ont prévenu plusieurs orateurs dont le ministre des finances Ueli Maurer.

Compromis ?

La commission de l'économie du Conseil des Etats souhaitait donc s'engager sur la voie du compromis. Une de ses propositions initiales était de consentir finalement à une hausse de l'imposition cantonale des revenus issus de paiements de dividendes. Cette mesure pourrait rapporter plusieurs centaines de millions aux cantons.

Seul hic, pour pouvoir réintroduire une telle disposition à ce stade de la discussion, il fallait obtenir l'aval de la commission du National, que cette dernière a refusé. La commission du Conseil des Etats a considéré ce rejet comme un affront, selon son président Roberto Zanetti (PS/SO). Un coup fatal a été porté au compromis.

Mais afin de laisser encore une porte ouverte, les sénateurs ont maintenu de nombreuses divergences. Par 26 voix contre 19, ils ont ainsi rejeté le modèle d'impôt sur les bénéfices corrigé des intérêts, adopté par l'autre conseil et soutenu par le PLR et l'UDC.

Celui-ci entraînerait des pertes fiscales de 266 millions pour la Confédération et pouvant aller jusqu'à 344 millions du côté des cantons, qui seraient libre d'appliquer ou non cet allègement. Selon plusieurs orateurs, ce concept risque en outre de ne pas être conforme aux règles internationales.

Part de l'impôt fédéral direct

Autre geste consenti aux cantons: le Conseil des Etats entend davantage les aider à affronter la facture de la réforme. Le Conseil fédéral, suivi par le National, propose que Berne éponge la moitié des pertes fiscales, soit un milliard de francs. Pour ce faire, la part cantonale à l'impôt fédéral direct (IFD) serait portée de 17 à 20,5%.

Les sénateurs ont une nouvelle fois demandé que cette quote-part passe à 21,2%, ce qui rapporterait quelque 154 millions de plus aux cantons. Mais ils n'ont pas souhaité préciser que ces derniers tiennent compte des effets sur les communes de la disparition des statuts fiscaux spéciaux.

Patent box

Outre les baisses d'impôt sur les bénéfices, l'autre grande option de la réforme est le recours à un nouveau système de "patent box", qui devrait permettre une imposition préférentielle des revenus des brevets et d'autres droits comparables.

Les cantons auront aussi la possibilité de relever les montants des déductions accordées sur les dépenses consenties en faveur de la recherche et du développement. Sur ce point aussi, le Conseil des Etats a freiné les velléités de la Chambre du peuple.

Il a certes approuvé le plafond général de 80% pour les allègements fiscaux liés à la patent box, aux investissements dans la recherche et à la réévaluation des réserves latentes. Par 23 voix contre 22, la Chambre des cantons a toutefois décidé de maintenir une limite de 90% pour la patent box, et par 25 voix contre 19, un plafond de 150% pour la recherche.

Par 38 voix contre 5, elle a aussi refusé d'autoriser les déductions pour des dépenses de développement à l'étranger. Par 29 voix contre 15, il a a tenu à laisser au Conseil fédéral le soin de définir les dépenses de recherche.

Taxe au tonnage

La taxe forfaitaire au tonnage, introduite par le National et qui frapperait les sociétés maritimes en lieu et place des impôts sur le bénéfice et le capital, a quant à elle été renvoyée dans un projet distinct. Le Conseil fédéral est appelé à se repencher sur cette taxe réclamée par certains cantons romands, et à mener une procédure de consultation.

La suppression du droit de timbre d'émission sur le capital propre, qui entraînerait un manque à gagner fiscal de 228 millions pour la Confédération a aussi été retiré de la réforme pour apparaître dans un autre projet. Le Conseil des Etats a suivi le National sur ce point.

Il a également accepté qu'une réduction de l'impôt sur le capital des entreprises puisse aussi être accordée aux holdings.

Dans sa version adoptée par le National, auquel le dossier retourne, la réforme devrait entraîner un manque à gagner de 1,2 milliard pour la Confédération. La copie du Conseil des Etats lui permettrait de perdre quelque 100 millions de moins.

ats

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