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Le droit de séjour suisse fondé sur le droit à la vie privée

Le Tribunal fédéral avait admis le recours d'un Argentin qui demandait la prolongation de son permis de séjour en se fondant sur la protection de sa vie privée (archives). © KEYSTONE/LAURENT GILLIERON
Le Tribunal fédéral avait admis le recours d'un Argentin qui demandait la prolongation de son permis de séjour en se fondant sur la protection de sa vie privée (archives). © KEYSTONE/LAURENT GILLIERON


Publié le 20.07.2018


Le Tribunal fédéral (TF) s'est prononcé sur une décision relative à l'évaluation du droit de séjour d'un étranger fondée uniquement sur le droit à la vie privée. Il note qu'il faut des raisons particulières pour mettre fin à un séjour légal d'une dizaine d'années.

Selon la décision rendue vendredi, il convient de supposer que les relations sociales dans le pays de résidence sont devenues étroites après une période de résidence de dix ans. Un retrait du droit de séjour constituerait donc une ingérence dans le droit à la vie privée. Les juges de Lausanne posent cependant des lignes directrices, avec la possibilité de se comporter différemment dans des cas particuliers.

Il peut notamment y avoir des cas où le respect de la vie privée peut être affecté même si la période de résidence est inférieure à 10 ans. Dans ce cas, la personne touchée doit être particulièrement intégrée. En plus des relations sociales étroites, il doit y avoir une intégration linguistique, professionnelle et économique.

Intégration exemplaire

Dans le cas concret traité par le TF, il s'agit d'un Argentin de 41 ans qui avait épousé en 2004 une ressortissante allemande et l'avait rejointe en Suisse en 2007. Grâce à ce mariage, il avait obtenu une autorisation de séjour limitée à cinq ans. Le couple s'était séparé en 2008 et le divorce avait été prononcé en 2011.

L'office des migrations du canton de Zurich avait alors refusé de prolonger le permis, une décision confirmée par le tribunal administratif. Entretemps, l'Argentin avait commencé à fréquenter une Suissesse et obtenu une nouvelle autorisation de séjour. Mais la relation avait également pris fin et l'office s'était prononcé en 2016 contre la prolongation de l'autorisation.

Dans son recours devant le TF, l'intéressé a invoqué l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), qui garantit la protection de la vie privée. Les juges de la deuxième Cour de droit public ont admis en mai par trois voix contre deux le recours du Sud-Américain. Cependant, les juges ne sont alors pas parvenus à se mettre d'accord sur la motivation du jugement.

Pratique "concrétisée"

Le TF écrit dans un communiqué vendredi qu'il a "concrétisé" sa pratique consistant à juger le droit de séjour d'un étranger sur la seule base du droit à la vie privée. Lors des délibérations en mai, le président de la cour avait souligné que le TF n'avait admis les recours fondés sur l'article 8 de la CEDH qu'à de rares exceptions.

Dans sa décision, le Tribunal énumère une recommandation du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur la résidence sûre des immigrés de longue date. La recommandation encourage les Etats membres du Conseil de l'Europe à considérer les personnes comme des immigrants de longue date si leur résidence légale dure depuis plus de cinq à dix ans. Ces personnes ne devraient pouvoir se voir retirer leur droit de séjour que sous certaines conditions.

Le TF note que les recommandations du Conseil de l'Europe ne sont pas contraignantes en droit international. Cependant, elles pourraient être considérées comme l'expression d'une conception européenne du droit dominant et prises en compte dans la concrétisation des droits fondamentaux.

Politique migratoire restrictive

La TF s'exprime également dans son jugement sur l'application d'une politique d'immigration restrictive. Dans ce cas particulier, il est notamment dans l'intérêt économique général de permettre à cet Argentin de continuer son séjour. Dans ces circonstances, l'intérêt légitime de la Suisse à limiter l'immigration ne suffit pas à lui seul pour refuser une prolongation de l'autorisation de séjour.

En outre, il est dans l'intérêt public qu'une entreprise ne doive pas renoncer à des employés hautement qualifiés. Dès le début de la procédure, la TF n'a pas contesté que le Sud-Américain, en vertu de la loi sur les étrangers, ne pouvait pas prétendre à un renouvellement de son séjour en Suisse. (Arrêt 2C_105 / 2017 du 08 mai 2018)

ats

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