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Le Parlement du Venezuela siège malgré la confiscation de ses pouvoirs

Les services d'immigration colombiens n'ont pas précisé le statut de la dissidente chaviste Luisa Ortega, ni si elle allait demander la protection du gouvernement colombien (archives). © KEYSTONE/AP/FERNANDO LLANO
Les services d'immigration colombiens n'ont pas précisé le statut de la dissidente chaviste Luisa Ortega, ni si elle allait demander la protection du gouvernement colombien (archives). © KEYSTONE/AP/FERNANDO LLANO


Publié le 19.08.2017


Le Parlement du Venezuela, dominé par les opposants au président socialiste Nicolas Maduro, a siégé samedi. Quelques heures plus tôt l'Assemblée constituante, entièrement acquise au président, lui avait confisqué ses pouvoirs.

"Cette décision frauduleuse est nulle, cette Constituante est nulle", s'est exclamé Freddy Guevara, le vice-président du Parlement, lors d'une conférence de presse organisée avant le début de la session, à la mi-journée.

La séance de samedi s'est ouverte en présence de représentants du corps diplomatique en poste au Venezuela, invités par les députés d'opposition. Des diplomates de l'Union européenne, d'Espagne ou encore de France étaient présents.

Elue dans le sang

Elue fin juillet dans le sang et contestée par une grande partie de la communauté internationale, la Constituante, assemblée de 545 membres tous issus du chavisme - le courant au pouvoir, du nom du défunt Hugo Chavez, président de 1999 à 2013 -, s'est attribuée l'essentiel des pouvoirs du Parlement.

Son initiative marque un nouvel épisode dans la grave crise politique secouant le Venezuela. Les manifestations exigeant le départ du chef de l'Etat élu en 2013, sur fond de naufrage économique, ont fait 125 morts depuis le 1er avril.

Les protestations avaient justement démarré quand la Cour suprême, institution réputée proche du président, s'était arrogé fin mars les pouvoirs du Parlement avant de faire volte-face 48 heures plus tard face au tollé soulevé dans le pays et à l'étranger.

"Mettre de l'ordre"

Vendredi, l'Assemblée constituante s'était arrogée les pouvoirs du Parlement. Elle a annoncé par un décret officiel avoir décidé "d'assumer le pouvoir de légiférer sur les sujets visant directement à garantir la préservation de la paix, la sécurité, la souveraineté, le système socio-économique et financier, les biens de l'Etat et la primauté des droits des Vénézuéliens".

Cette décision, qui inclut le pouvoir de dicter des lois, a été prise lors d'une séance à laquelle la commission de direction du Parlement avait été citée à comparaître, ce qu'elle a refusé.

Selon Freddy Guevara, une figure de l'opposition, le principal objectif de la Constituante est d'approuver des contrats et d'obtenir des fonds de l'étranger, cruciaux pour ce pays pétrolier qui tire 96% de ses devises de l'exportation de pétrole.

"Nous n'avaliserons aucun contrat qui viole la Constitution", a prévenu M. Guevara. Mais la Cour suprême du pays (TSJ), accusée de servir les intérêts du pouvoir, annule toutes les décisions prises par le Parlement.

Le Parlement a obtenu le soutien de l'Organisation des Etats Américains, via son secrétaire général Luis Almagro. Il a déclaré "illégitime et inconstitutionnelle" la décision de l'Assemblée constituante et a demandé une réunion d'urgence de l'OEA.

Luisa Ortega s'enfuit

L'Assemblée constituante doit officiellement rédiger une nouvelle Constitution pour remplacer celle de 1999, mais elle a été dotée de pouvoirs très étendus et a prévu de siéger deux ans, donc au-delà du mandat du président Maduro, qui s'achève en janvier 2019.

Le gouvernement cherche aussi à faire taire une autre voix dissidente, celle de l'ex-procureure générale Luisa Ortega qui s'est réfugiée vendredi en Colombie. Après avoir transité par l'île caribéenne d'Aruba, "Madame Ortega est arrivée accompagnée de son mari le député German Ferrer", selon un communiqué des services d'immigration colombiens.

Les services d'immigration colombiens n'ont pas précisé quel est le statut de Mme Ortega et si elle va demander la protection du gouvernement colombien. Mme Ortega était interdite de sortie du territoire vénézuélien et avait vu ses comptes bancaires gelés.

Maduro accusé de corruption

Vendredi toujours, Luisa Ortega avait accusé le président Maduro d'être impliqué dans un vaste scandale de corruption autour du constructeur brésilien Odebrecht. "Nous avons le détail de toute la coopération, les montants et les personnes qui se sont enrichies, et cette enquête implique monsieur Nicolas Maduro et son entourage", affirmait-elle dans un enregistrement audio diffusé par la justice à Puebla (Mexique), lors d'un sommet de procureurs d'Amérique latine.

Ce n'est pas la première fois que le nom de M. Maduro est évoqué dans le vaste scandale Odebrecht, qui éclabousse plusieurs pays d'Amérique latine.

ats, afp

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