La Liberté

Malgré le huis clos, enthousiasme de mise pour l'inalpe à Fully

Pendant deux heures, les combats se succèdent, ponctués par les cris des éleveurs et du maître berger. © KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT
Pendant deux heures, les combats se succèdent, ponctués par les cris des éleveurs et du maître berger. © KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT
Pleines de poussière après avoir frotté leurs têtes contre la terre, la 69 et la 44 se toisent, de biais, faussement nonchalantes. Lorsque le choc survient toutes deux sont prêtes à montrer ce qu'elles ont dans le ventre. © KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT
Pleines de poussière après avoir frotté leurs têtes contre la terre, la 69 et la 44 se toisent, de biais, faussement nonchalantes. Lorsque le choc survient toutes deux sont prêtes à montrer ce qu'elles ont dans le ventre. © KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT
Cette année l'inalpe se fait en petit comité, coronavirus oblige. © KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT
Cette année l'inalpe se fait en petit comité, coronavirus oblige. © KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT


Publié le 30.05.2020


L’alpage de Fully-Randonnaz a ouvert la saison des inalpes samedi. Cette année, coronavirus oblige, l'évènement s'est fait en petit comité. Mais les éleveurs étaient tout aussi enthousiastes de voir leurs reines s'affronter.

En Suisse, l'inalpe est généralement moins populaire que la désalpe. Mais en Valais, l'évènement donne aussi lieu au mélange des troupeaux de vaches de la race d'Hérens. Et les combats sont alors inévitables: lutteuses, celles-ci s'affrontent pour établir une hiérarchie et s'imposer comme reines d’alpage. Un spectacle que les passionnés affectionnent particulièrement.

"Il va venir en haut les vaches", s'exclame un participant. Lui et les autres s'écartent du chemin. Il est 09h00, au pied de La Grande Garde (2146 mètres d'altitude), la cinquantaine de bêtes sortent par petits groupes de l'écurie pour rejoindre l'alpage de la Randonnaz. Chaque éleveur accompagne ses mignonnes jusqu'au lieu du mélange. Le tintement des cloches rythme leur pas.

"Elles sont excitées depuis quelques jours à l'idée de retrouver leur paradis estival", explique un éleveur du Val Ferret, Jacques Perrin. "Elles sentent aussi qu'on devient nerveux à la venue des combats", complète un collègue Jean-Daniel Deléglise. C'est que cette année à Randonnaz, les paris sont ouverts.

Pigalle, la triple tenante du titre, a changé de quartiers d'été. Et il y a plusieurs petites nouvelles, très prometteuses, dit-on de tous côtés. "La dynamique de l'entier du troupeau va s'en trouver modifiée et les vaches sentent que les anciennes reines ne sont pas là", explique Marie-Lise Roduit, responsable de l'alpage.

"Véritable apostolat"

Pendant deux heures, les combats se succèdent, ponctués par les cris des éleveurs et du maître berger. Pleines de poussière après avoir frotté leurs têtes contre la terre, la 69 et la 44 se toisent, de biais, faussement nonchalantes. Lorsque le choc survient, toutes deux sont prêtes à montrer ce qu'elles ont dans le ventre. La poussière vole de leurs poils, les cornes s'entrechoquent, jusqu'à ce que l'une d'elles se détourne.

Les propriétaires, fiers, observent avec concentration les péripéties de leurs protégées. L'une d'eux, Carolle Reuse, souligne que si "les vaches luttent bien, c'est aussi une récompense du travail qu'on a fait l'hiver et ça nous encourage pour l'été, faire les foins pour le fourrage pour l'hiver".

Après un dur combat, les reines viennent parfois chercher un peu de repos et de caresses auprès des quelques spectateurs posés contre l'enclos. "Elles sont très affectueuses, confirme Jacques Perrin, mais nécessite beaucoup d'entretien. Un véritable apostolat, résume le passionné dont les poches sont pleines de graines et de seigle pour ses belles qu'il bichonne.

De l'avis de tous, la race d'Hérens le vaut bien. Ces vaches sont bien plus intelligentes et concentrées que les autres races, "un peu toques, il faut le dire". D'ailleurs pour monter à l'alpage, ces dernières mettent bien plus de temps et s'arrêtent "dès qu'elles voient une fleur". Alors que les reines, elles, cavalent.

Les tracas liés au coronavirus

Les restrictions liées au coronavirus n'ont pas rendu la vie facile aux responsables. Une vingtaine de personnes seulement s'est attelée à préparer tout l'alpage ces derniers jours. Et le jour de l'inalpe, "nous avons normalement beaucoup de monde qui fait le déplacement, car nous sommes les premiers à la faire. Comme la cantine n'est pas autorisée, cela représente aussi une légère perte financière", explique Mme Roduit.

Tout sera plus facile dès la semaine prochaine puisque le Conseil fédéral a autorisé mercredi des évènements accueillant jusqu’à 300 personnes et la Fédération d'élevage de la race d'Hérens a donc adapté ses recommandations. Finalement, seules les inalpes prévues ce samedi, comme celle de Fully se déroulent à huis clos.

Titre à conserver tout l'été

Pour être couronnée, la nouvelle reine ne devra perdre aucun combat. Ce matin, aucune n'a pu se targuer d'un tel exploit. "Elles doivent apprendre à se connaître, observe Marie-Lise Roduit. Puis naturellement, certaines courberont l'échine devant plus fortes qu'elles, tandis que d'autres assoiront leur suprématie". Les combats reprennent ce soir, après une pause bien méritée.

La grande gagnante deviendra alors la Reine du troupeau qui se dirigera bientôt sur l'alpage de Sorniot, soit comme disaient les anciens, "lorsque le névé que l'on voit depuis ici, et devant lequel passeront les vaches, sera aussi grand qu'un troupeau de moutons", raconte Anne-Lise Roduit.

Adaptées à cet environnement de montagne depuis des millénaires, elles n'auront aucune difficulté à rejoindre l'alpage du haut, même si le chemin qui grimpe sous le Grand Chavalard est vertigineux. En revanche, une fois en haut, la partie se compliquera pour la reine désignée. Car certaines de ses congénères tenteront de lui ravir sa prestigieuse distinction durant les 120 jours que dure l'estivage sous l'oeil observateur du maître berger. La victoire appartiendra à celle qui ne lâchera rien!

ats

Articles les plus lus
Dans la même rubrique
La Liberté - Bd de Pérolles 42 / 1700 Fribourg
Tél: +41 26 426 44 11