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Prédateur devenu proie, le requin en danger

Un grand requin blanc dans les eaux sud-africaines (archives) © KEYSTONE/AP/SCHALK VAN ZUYDAM
Un grand requin blanc dans les eaux sud-africaines (archives) © KEYSTONE/AP/SCHALK VAN ZUYDAM


Publié le 01.10.2016


Au palmarès des espèces en danger, le requin est loin de susciter la même empathie que l'éléphant ou le rhinocéros. Aussi effrayants que redoutés, ces prédateurs sont cependant devenus les proies d'une pêche débridée qui met en péril certaines espèces.

Les estimations diffusées à l'occasion de la Convention internationale sur le commerce d'espèces sauvages menacées d'extinction (Cites) réunie jusqu'à mercredi à Johannesburg, en Afrique du Sud, sont éloquentes. Chaque année, 100 millions de squales sont tués dans les mers du globe. Un nombre de captures deux fois supérieur à celui qui permettrait de maintenir leur population à son niveau actuel, s'alarment les ONG de protection de la faune.

"C'est une question de vie ou de mort", résume sans détour Luke Warwick, de l'institut de recherche indépendant américain Pew. "La demande, spécialement d'ailerons, de chair ou de branchies, est plus forte que jamais", explique Andy Cornish, spécialiste des squales à l'organisation mondiale de protection de la nature WWF.

Règles peu suivies

"De nombreux pays dans le monde n'ont pas de pêcheries durables, ni la moindre règle concernant la pêche des requins, chacun peut prélever ce qu'il veut", accuse M. Cornish. "Et même dans les pays qui en ont, les règles ne sont pas appliquées."

L'appétit insatiable des consommateurs asiatiques pour leur chair, leur huile, leur peau ou leur foie, a fait des requins une cible de plus en plus recherchée des pêcheurs. Leur pratique la plus décriée, qui consiste à couper les ailerons et à rejeter à la mer les prédateurs amputés vivants, a été formellement interdite, même si elle subsiste encore dans certaines zones de l'océan Indien ou du Pacifique.

La Chine a officiellement banni la soupe d'ailerons de requin de tous ses dîners officiels. Mais ce plat reste très apprécié dans le pays, ainsi qu'à Singapour. Les branchies des raies manta et diable, dont l'eau de cuisson est utilisée par les médecins traditionnels du sud de la Chine pour purifier le système sanguin, suscitent aussi la convoitise. Mais leur efficacité n'est pas prouvée scientifiquement.

Commerce florissant

Selon la Wildlife Conservation Society (WCS), les ventes de requins, de raies et de poissons chimères ont augmenté de 40% pendant la décennie qui s'est achevée en 2011. "La valeur du commerce annuel mondial des morceaux de requins et de raies approche le milliard de dollars. Les sociétés de pêche capturent chaque année 800'000 m3 de chacune de ces espèces", affirme une experte de WCS, Amie Brautigan.

Les spécialistes recensent quelque 1250 espèces de requins et plus de 180 types de raies. Si elle se poursuit, la surpêche actuelle pourrait en menacer le quart, selon le WWF.

"Les requins sont un maillon essentiel de l'écosystème océanique et les raies une espèce incontournable. Nous devons les protéger", plaide Dan Ashe, directeur des services américains de la pêche et de la faune.

Treize nouvelles espèces

La Cites doit se prononcer d'ici mercredi sur une proposition, soutenue par près de cinquante pays, visant à ajouter treize nouvelles espèces de requins et de raies à son annexe II, qui règlemente strictement le commerce des espèces menacées.

A ce jour, huit types de requins sont déjà protégés.

Des pays comme les Maldives, les Fidji ou le Sri Lanka, qui ont fait de la plongée dans leurs eaux turquoises la tête de gondole de leur industrie touristique, ont fait le déplacement en Afrique du Sud pour soutenir des mesures de protection renforcées.

Une étude réalisée aux Bahamas a chiffré à près de 100 millions d'euros le chiffre d'affaires annuel du tourisme lié aux requins.

Pour promouvoir leur campagne à Johannesburg, les défenseurs des requins ont même enrôlé... une de leurs victimes. Il y a dix ans, Achmat Hassiem, un Sud-Africain de 34 ans, a été happé par un grand requin blanc au large d'une plage du Cap. Il y a perdu une partie de la jambe droite mais gagné une médaille de bronze aux Jeux paralympiques de 2012.

Aujourd'hui, le nageur est devenu un ardent partisan de la cause des squales. "A cause de cette attaque de requin, je me suis retrouvé à représenter mon pays à trois Jeux paralympiques", confie l'athlète.

ats, afp

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