La Liberté

Pourvu que l’Allemagne batte la France!

«Bienvenue au club!» • Dans la tête de dizaines de millions de Français, les gentils Bleus s'apprêtent à affronter les méchants Allemands. Tout bonnement pathétique...

Pascal Bertschy

Publié le 04.07.2014

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Qu'est-ce que je peux aimer ce pays! C'est ce que je me répète à chaque fois que j'y vais ou que j'en reviens. J'aime la France, ses villages, ses villes, ses églises, ses châteaux, ses bistrots, ses terrasses de café, sa côte Atlantique, ses îles, ainsi que la gentillesse et la drôlerie de la plupart des Français.

J’adore Cyrano et D'Artagnan, de Gaulle et Victor Hugo, Toussaint Louverture et Brigitte Bardot. J'aime Annecy, Bordeaux, Nice, La Rochelle, la Bretagne, la Normandie, Aragon, Flaubert, Guitry, Céline, Pagnol, Blondin, Bécaud, Renaud, Depardieu, Cerdan, Anquetil, Poulidor, Tabarly, Kersauson, Bourvil, Gabin, Delon, Bébel, les comédies de Philippe de Broca et les profiteroles. J’adore à peu près tout de la France, sauf son football et ses footeux.

Sitôt terminé le superbe match entre l'Allemagne et une héroïque Algérie, l’autre soir, j’ai zappé sur TF1. On savait depuis trois secondes à peine que la France affronterait la Mannschaft en quart de finale que, déjà, le plateau télé ressuscitait les fantômes de 1982, la sortie de Schumacher et tout. Ah, l’agression sur Battiston! Le truc «impossible à pardonner», a dit un consultant.

L’Allemand est redevenu un Boche

Depuis, sur nombre de chaînes françaises, les images de la demi-finale de 1982 perdue contre l’Allemagne tournent en boucle. Même «L’Equipe», me rapporte un copain, fait chauffer la colle. Il paraît que le journal a fait un montage photo entre la collision Schumacher-Battiston d’hier et le possible choc Varane-Neuer de demain...  

Dans la France de cet été 2014, l’Allemand est redevenu un Boche. L’ennemi à abattre. Je sais bien qu’il faut tout dramatiser pour vendre ses salades, mais quand même. Le footeux, en France, est un drôle de type: on se demande toujours si cet ancien combattant ne préfère pas la haine de l’adversaire à l’amour du jeu. 

La palme des vilains gestes

N’ai jamais compris comment, dans un pays aussi généreux, imaginatif, joyeux et charmant que la France, le football pouvait rendre les gens aussi cons. Lancez un Français sur la cuisine, sur les femmes ou n’importe quoi d’autre, il se montrera plein d’esprit. Faites-le parler de foot, il sera neuf fois sur dix ridicule d’égocentrisme, navrant d'inculture, voire insupportable d’aveuglement.

Quant à sa propension à donner le beau rôle à ses joueurs, c’est peu dire qu’elle tombe mal cette année. Dans ce Mondial dominé par un formidable état d’esprit, où tout le monde joue le jeu plutôt que l’antijeu, la France détient jusque-là la palme des vilains gestes.

Merci, les arbitres, pour tant d'indulgence!

Si vous avez vu sur les terrains brésiliens des coups de coude, des ceinturages, des crampons qu’on essuie sur des chevilles adverses, un tacle assassin sur un Nigérian, quand ce n’est pas ma godasse dans ta face de von Bergen, c’est que vous avez suivi les Bleus. Eux dont la petite entreprise de destruction, grâce à l’indulgence arbitrale, ne connaît pas la crise...

On prie donc pour qu’il n’arrive rien aux artistes allemands contre les casseurs de Deschamps. D’autant que l’Allemagne a de l’allure avec sa puissance collective et offensive, son jeu en perpétuel mouvement, sa façon de rester constamment elle-même, sa justesse technique, son Lahm, son Müller, son fabuleux Neuer, son Özil, son Schweini, son Hummels et autres pépites.

Des airs de vainqueur idéal

Cette Coupe du monde est aussi étincelante que celle de 1970, ce serait dommage qu’elle accouche d’un champion au petit pied ou au cul bordé de nouilles. Or, à vue de nez et pour l’ensemble de son œuvre jusque-là, l’équipe de Joaquim Löw fait figure en cette veille de quarts de finale de potentiel vainqueur idéal. Un poil devant les Pays-Bas...

Possible que les Tricolores se qualifient ce vendredi. Si on a une certaine idée du football, et pas de chapelle, on formulera toutefois ce vœu: pourvu que l’Allemagne gagne! Il faut bien que le talent l'emporte de temps en temps, après tout, mais ne le répétez pas aux Français. Eux sont persuadés que le premier match de ce vendredi opposera les gentils Bleus aux méchants Schleus. 

Aujourd’hui comme hier, c'est comme ça que le footeux français se voit: meilleur que tout le monde. D'où la difficulté, pour le monde, de ne pas rire...

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