La Liberté

Quatre chemins gitans avec Tony Gatlif

Diaspora. Le cinéaste qui tisse des histoires sur la réalité des gens du voyage a concocté un programme pour le FIFF.

«Gadjo Dilo» de Tony Gatlif, à voir aujourd’hui et samedi prochain. © DR
«Gadjo Dilo» de Tony Gatlif, à voir aujourd’hui et samedi prochain. © DR

florence michel

Publié le 21.03.2015

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Tony Gatlif ne pourra pas être présent au FIFF pour présenter la section «Diaspora» que le festival lui a confiée. Il a la meilleure excuse qui soit: il est en repérages pour son prochain film. Sa programmation - quatre œuvres dont deux siennes - montrera autant de regards sur les gens du voyage. Gitan andalou par sa mère, Kabyle par son père, Michel Dahmani alias Tony Gatlif est né en 1948 dans un campement de la banlieue d’Alger. A 12 ans, en pleine guerre d’Algérie, il part seul en France, vit de petits boulots et de larcins, passe par des maisons de correction. Un atelier de théâtre parisien et la bienveillance du comédien Michel Simon lui permettent de devenir l’artiste qu’il rêvait d’être.

Gitan et «gadjo» (non-gitan) à la fois, Tony Gatlif est le seul cinéaste à pouvoir raconter ses histoires à la fois de l’intérieur de la communauté des gens du voyage, et de l’extérieur. Dès Les Princes en 1983, il devient celui qui donne à voir, dans des fictions surtout et quelques documentaires, la réalité d’une minorité discriminée, voire persécutée, où qu’elle vive. Fascinante par sa culture, rejetée parce qu’elle défie les règles.

Au FIFF, le Gadjo Dilo («L’étranger fou», 1997) plein d’humour de Tony Gatlif illustrera à merveille ce double regard. C’est l’histoire d’un jeune Parisien - interprété par Romain Duris - qui débarque dans un village rom de Transylvanie à la recherche d’une chanteuse dont il ne connaît que la voix sur une bande enregistrée. Comme dans la plupart de ses films, Gatlif a composé une partie de la musique et les textes de certaines chansons. Quatre ans plus tôt, il a livré une fresque d’une exceptionnelle intensité, Latcho Drom («Bonne route» en romani), qui lui a valu de nombreuses récompenses dont le prix Un certain Regard à Cannes. «Pour les Gitans, la musique est la seule trace historique. Elle est la mémoire collective d’un peuple sans écriture», a dit Gatlif à propos de ce documentaire musical qu’il présente au FIFF. La route commence chez les nomades du Rajasthan, au nord de l’Inde, dont des ancêtres sont partis, vers l’an 1000, en direction du Moyen-Orient puis de l’Europe, constituant les visages d’une diaspora où musique, chant et danse unissent les générations. Ainsi en Egypte, en Roumanie (avec le groupe Taraf de Haiduks), en France (avec le guitariste Tchavolo Schmitt) et pour finir en Andalousie où s’élève le cri de douleur du flamenco.

Tony Gatlif propose encore aux spectateurs du FIFF de découvrir le film qui, en 1967, a marqué une rupture dans la manière de montrer les gens du voyage: pour J’ai même rencontré des Tziganes heureux, le Serbe yougoslave Aleksandar Petrovic fait jouer des Gitans de son pays, dans leur langue. C’est une révolution car les stéréotypes (Gitans voleurs, Gitanes séductrices fatales) font la place à un regard plus social et documentaire. Le film a reçu le Grand Prix du Festival de Cannes et été nommé pour l’Oscar du meilleur film étranger. L’Irlande a aussi ses gens du voyage, les «travellers», dont parlent peu de films. Tony Gatlif a choisi Into the West (1992) de Mike Newell - qui a ensuite signé Quatre mariages et un enterrement. Deux enfants sont les héros de ce conte où un cheval blanc, symbole de liberté, sort de la mer.

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