Marie-Hélène Lafon »   Retraitée, Jeanne vit peu mais voit tout. Alors elle imagine. Dans les travées du supermarché parisien où elle se rend à jours et à heures fixes, elle croise des personnages récurrents, les observe pour supposer ce qu’ils sont. Oui, cette narratrice est de ceux «qui dissèquent la vie des autres, ou la dépècent, la commentent, la triturent, et inventent ce qu’ils ne savent pas».

Le conditionnel est donc de mise pour deviner la vie de Gordana, cette caissière blonde un peu rêche, au pied bot et à la poitrine de «chair inouïe». Une figure silencieuse, mystérieuse dans son opiniâtreté, qui était au cœur d’une nouvelle parue en 2012, dont le titre était son prénom: «J’ai toujours plus ou moins senti que Gordana était un départ de pistes, et donc, peut-être, un début de roman», écrit Marie-Hélène Lafon à la fin de ce qui est devenu Nos Vies, son onzième roman.

On y suppose l’existence de la préposée à la caisse huit, mais aussi celles de ce client ponctu