La Liberté

Un congrès créationniste dans le canton de Vaud

Religion • «Le créationnisme n’est pas mort» tel est le thème du cycle de conférence qui réunira un ingénieur-théologien, un physicien et un généticien, vendredi soir et samedi à Nyon. Interview de l'un des intervenants.

Joël Buri, Protestinfo

Publié le 13.11.2015

Temps de lecture estimé : 13 minutes

André Eggen a participé au décryptage de l’ADN bovin. Mais, ce week-end, s’il est dans le canton de Vaud, selon «Christianisme Aujourd’hui», ce n’est par pour partager ses dernières découvertes génétiques, mais pour parler de sa conviction que la terre a été créée en six jours. Avant l’événement, le chercheur a accordé une interview téléphonique à Protestinfo.

- Pourquoi accordez-vous une telle importance à la véracité des récits de création? Finalement, la plupart des chrétiens les lisent comme des textes poétiques et se rallient à l’évolutionnisme.

Pourquoi accorder tant d’importance à ces textes; moi je dirais, à la Bible elle-même! Je citerai simplement une chose: c’est que dans le passé, si les Pères de l’Eglise avaient essayé de faire concorder le texte biblique avec la science de l’époque, on n’aurait pas la Bible que l’on a aujourd’hui. On l’aurait complètement démontée, or elle n’a pas bougé d’un iota. Donc je pense qu’au cours des siècles, il y a toujours eu des gens qui ont cherché à être les plus fidèles possible au Texte tel qu’il a été donné. Pourquoi cela? Je pense simplement parce que ces gens, et j’en fais partie, considèrent la Bible en tant que Parole de Dieu et non pas parole des hommes. C’est ça la grande différence. Si la Bible est la Parole de Dieu, alors c’est clairement une parole de vérité et une parole qui fait encore autorité aujourd’hui. Si c’est une parole des hommes alors je peux la modifier, l’interpréter, la réinterpréter, lui faire dire tout ce que bon me semble.

- Mais justement, dans toute l’histoire du christianisme on a interprété le texte biblique! A commencer par Paul qui a débattu de la question des interdits alimentaires et de la circoncision.

Je vais rester sur le domaine de la Création, parce que je ne suis pas spécialiste de toute la Bible, même si je suis passionné.

Vous citez Paul, c’est intéressant de voir comment il aborde la question de la Création avec les sages de son époque, les scientifiques de son époque. A Athènes, face aux philosophes grecs, des épicuriens et des stoïciens, Paul se trouvait face à des personnes qui poussaient vers un courant évolutionniste. Et déjà à ce moment Paul présente en résumé de façon très claire les bases du message biblique (voir Actes 17). Il leur présente que Dieu est le créateur de l’univers; que Dieu donne et maintient la vie; que Dieu est Maître de l’histoire. Il présente aussi – et ça s’est intéressant pour nous dans le contexte d’aujourd’hui – que nous sommes descendants d’Adam. Puis il termine en disant que Dieu est Maître de ce monde.

Ce n’est pas anodin. Face aux évolutionnistes de l’époque, Paul présente des fondamentaux des premiers chapitres de la Genèse.

- Comment gérez-vous les contradictions qui apparaissent dans le texte biblique?

Les tensions ou les contradictions, c’est amusant parce que certains en feraient toute une liste, moi je ne vois pas vraiment de contradiction dans le texte biblique. Moi je pars du principe que si je ne comprends pas toute la Bible aujourd’hui. Ou s’il y a un passage que je ne comprends pas, ce n’est pas parce qu’il est contradictoire avec un autre, c’est seulement parce que je n’ai pas encore compris et qu’un jour je vais être éclairé là-dessus. Je ne vais pas chercher à tordre le texte biblique pour l’adapter à certaines pensées du moment, ou l’adapter à ma situation personnelle, mais je vais attendre que cela me soit révélé par Dieu; puisque c’est la parole de Dieu.

- Mais sur la question de la Création, spécifiquement, il y a désaccord entre les deux récits sur l’ordre d’apparition de l’homme, de la femme et des animaux. Dans le premier récit, en Genèse 1, les animaux apparaissent avant l’homme. En Genèse 2, l’homme apparaît avant les animaux et avant la femme.

Non, reprenez le résumé qu’en a fait Jésus. Le Nouveau Testament est la synthèse des deux. Paul, d’ailleurs, nous présente la synthèse des deux. Il nous dit bien l’homme d’abord, la femme ensuite. Il n’y a pas que Genèse 1 et 2, il faut considérer toute la Bible et c’est là que l’on a la vraie connaissance.

Le Nouveau Testament nous parle de ces premiers chapitres, Jésus-Christ nous parle de ces premiers chapitres et il ne les a pas remis en doute. Il ne les a pas regardés comme un texte littéraire. Il les prend, tels quels, et les développe, et les utilise. Paul aussi, et les autres apôtres ont fait de même. C’est quand même assez remarquable.

- Utilisez-vous le texte biblique pour défendre d’autres positions scientifiques? Par exemple, valideriez-vous l’usage du passage où Josué arrête le soleil comme preuve de ce que le Soleil tourne autour de la Terre, comme cela a été fait lors du procès de Galilée?

Si on cherche à toujours opposer Bible et sciences, on ne va pas aller très loin. Par contre, si l’on regarde ce que la Bible peut nous donner comme éclairage et ce que la science peut disséquer comme mécanismes, là on va peut-être pouvoir avancer.

Je m’explique: si on utilise la science pour dicter ce que doit dire la Bible, quel sera le résultat? Au début du XXe siècle, une grande partie de la communauté scientifique pensait que l’Univers était éternel. La Bible au début du XXe siècle disait déjà ce qu’elle dit aujourd’hui. «Au commencement Dieu...» A ce moment là, en tant que croyant, on avait un problème parce qu’une majorité de la communauté scientifique nous disait «il n’y a pas de commencement, il n’y a pas de fin» et la Bible affirme le contraire. Que faire? Est-ce que j’adapte la Bible? Certains ont pris le parti de dire «attendons de voir ce que va trouver la science.» C’est là qu’Einstein est venu avec sa théorie de la relativité et a dit «si la relativité est vraie, alors l’univers a eu un commencement!» Cela a été très difficile pour certains scientifiques, car s’il y a un commencement, d’où vient-il? Est-ce que quelqu’un peut-être à l’origine de tout cela?

Ainsi, je pense que si sur certaines choses, la Bible et la science semblent être en contradiction à un moment donné, et bien attendons. Les découvertes scientifiques continuent à arriver, le texte biblique ne va pas changer. Mais sur la base de nouvelles découvertes scientifiques, on va se dire «ah oui, tiens, cela semble probable d’être comme ça!» Et on va pouvoir construire un modèle de compréhension, qui ne sera pas parfait, mais c’est aussi comme cela que la science travaille. On construit un modèle que l’on révise. Et donc le modèle établi sur la base du texte biblique pourra être adapté au fur et à mesure des découvertes. Le texte biblique ne nous dit pas tout, et heureusement. Mais au fur et à mesure des découvertes scientifiques, on va commencer à comprendre de mieux en mieux le texte biblique.

- Il y a une dizaine de jours on apprenait que le gouvernement vaudois souhaite serrer la vis aux écoles privées dans le but d’empêcher les écoles chrétiennes de pratiquer un enseignement créationniste. Vous comprenez l’inquiétude que cela suscite que l’on mélanger démarche de foi et démarche scientifique?

Vous venez de dire quelque chose qui est très intéressant. D’un côté, on nous dit une démarche de foi, et on placerait la Bible, et de l’autre une démarche de recherche scientifique. A mon avis, un évolutionniste aujourd’hui a également une démarche de foi! Si vous lisez certaines citations de Richard Dawkins, de François Jacob ou d’autres, c’est intéressant de voir à quel point à certains moments, c’est plus de la croyance que de la démarche scientifique.

Moi je suis du parti de dire: on peut présenter un modèle créationniste; on peut présenter un modèle évolutionniste; mais avant présentons la méthode scientifique et utilisons la méthode scientifique à la foi pour tester le modèle évolutionniste et le modèle créationniste. Et cette méthode scientifique nous dit qu’il faut pouvoir observer à l’aide d’hypothèses concrètes, répéter l’expérience, pour que ce soit vérifié. Et l’on va voir que pour les deux modèles, il y aura une part de foi. Un point de départ qui sera de la foi. Ensuite, on construit des choses par dessus.

- Mais le modèle évolutionniste est une hypothèse établie d’après des observations! Où y voyez-vous un point de départ qui relève de la foi?

Pour l’évolutionnisme, il faut croire que l’ordre va surgir à partir du chaos. Il faut croire que la vie va venir de la non-vie, ce qui est contraire aux expériences de Pasteur. Ça, ce n’est pas de la croyance? Il faut croire que le monde organisé, la nature telle qu’elle est ont surgi du hasard. Pourtant la nature est tellement bien faite que l’on s’en sert de modèle pour des problèmes d’ingénieries. Toutes ces solutions absolument parfaites seraient venues par hasard et chance?

- L’évolutionnisme ne repose pas sur le seul hasard, mais surtout sur la confrontation des individus aux milieux dans lesquels ils se trouvent!

Mais les formes de vie que l’on a dans le registre des possibles ne sont pas des animaux à moitié bien faits. Ce sont des animaux parfaitement fonctionnels. On n’a pas des formes intermédiaires. Par exemple si l’on va regarder le premier squelette de dinosaure, trouvé en Argentine, ce fossile de dinosaure, il n’est pas dinosaure à 70%. Non il est dinosaure à 100%, d’après les critères que l’on nous a posés sur les dinosaures. C’est quand même étonnant.

Et si l’on va regarder à l’époque du cambrien, on a tout plein d’animaux qui d’un seul coup émergent et on ne sait pas d’où ils viennent. C’était d’ailleurs l’un des gros problèmes de Darwin à l’époque et cela en reste un. On n’a aucune explication, comment ces animaux sont arrivés là.

Je voudrais terminer par une citation du biologiste Claude Bernard qui disait: «si on considérait une théorie comme parfaite, et si l’on cessait de la vérifier par l’expérience scientifique, elle deviendrait une doctrine.»

Et j’ai l’impression qu’aujourd’hui on a fait de la théorie de l’évolution une doctrine. On nous dit: «la théorie de l’évolution est un fait, et un fait cela ne se discute pas.»

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Le cycle de conférences

Le séminaire «Le créationnisme n’est pas mort» se déroulera vendredi dès 19h30 et samedi de 9h à 20h à la salle de la Colombière à Nyon. Entrée libre, chapeau à la sortie.

L’événement est organisé par un mystérieux mouvement appelé STAMP, acronyme de «Sonne de la trompette et avertis mon peuple!». Aucun contact avec les organisateurs qui «n’entretiennent pas de suivi ou de correspondance» n’est possible, mais sur leur site web, ils se présentent comme «un groupe de personnes, dont le but est de susciter une réelle prise en compte de l’imminence de la fin de l’humanité présente» recevant la Bible comme «Parole totalement inspirée de Dieu».

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Créationnistes: combien sont-ils en Suisse romande?

«Le créationnisme n’est le fait que d’une minorité d’évangéliques», insiste la Fédération évangélique vaudoise interrogée par la chronique RTSreligion sur la question de la révision de la loi vaudoise sur les écoles privées visant à interdire l’enseignement créationniste. De fait, aucune étude n’a été menée sur cette question.

Secrétaire général de la Fédération romande des Eglises évangéliques, Philippe Thueler précise: «Si nous pouvons affirmer la prédominance d’une approche plutôt littéraire du texte de la création et donc compatible avec la théorie de l’évolution, cela vient du crédit académique des personnes qui la soutiennent dans nos milieux et au-delà (biologistes, théologiens, pasteurs, réseau des scientifiques évangéliques...)

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