La Liberté

«Charlie Hebdo», l'irrévérence élevée au rang d'art

France • Symbole d'une presse libre et frondeuse, «Charlie Hebdo» avait déjà été la cible ces dernières années de menaces et d'un incendie criminel après la publication de caricatures de Mahomet. Créé en 1970, l'hebdomadaire satirique n'a jamais hésité à publier des dessins provocateurs, se moquant des dirigeants et des stars comme des religions.

 

ATS

Publié le 07.01.2015

Temps de lecture estimé : 3 minutes

En février 2006, l'hebdomadaire, comme plusieurs journaux européens, reprend 12 caricatures de Mahomet publiées par le quotidien danois «Jyllands-Posten», au nom de la liberté de la presse. Ces dessins ont suscité des manifestations violentes dans le monde musulman et «Charlie Hebdo» a été depuis l'objet de menaces récurrentes de groupes islamistes.

«Il y a des menaces constantes depuis la publication des caricatures de Mahomet», a expliqué l'avocat de «Charlie Hebdo», Richard Malka, mercredi sur les ondes de RTL. «Ça fait huit ans qu'on vit sous la menace, qu'il y a des protections mais il n'y a rien à faire contre des barbares qui viennent avec des kalachnikov».

«C'est un journal qui ne fait que défendre la liberté d'expression, la liberté tout court, notre liberté à tous et aujourd'hui, des journalistes, des dessinateurs, de simples dessinateurs ont payé le prix fort pour ça», a-t-il souligné.

Charb menacé de mort

La justice française avait donné raison, en 2008, au journal, poursuivi pour «injure aux musulmans», estimant que les dessins visaient «clairement une fraction», à savoir les terroristes, «et non l'ensemble de la communauté musulmane».

En novembre 2011, malgré les menaces, «Charlie Hebdo» persiste et signe en publiant un numéro spécial rebaptisé «Charia hebdo» avec, en Une la caricature d'un prophète Mahomet hilare. Il se vend à 400'000 exemplaires. Le jour de la publication, les locaux de «Charlie Hebdo» sont détruits par un incendie criminel. Le gouvernement parle alors d'«attentat» et pointe du doigt des «musulmans intégristes».

Le directeur de l'hebdo, Charb, menacé de mort, est alors mis sous protection policière. Celle-ci s'était poursuivie jusqu'à mercredi.

Le site internet du journal a aussi été victime de piratages. En 2011, sa page d'accueil avait été remplacée pendant plusieurs heures par une photo de la mosquée de La Mecque avec ce slogan: «No God but Allah» («Pas d'autre Dieu qu'Allah»). Un autre piratage massif a eu lieu en 2012. Mercredi, le site de «Charlie Hebdo» était bloqué.

Pas plus l'islam que d'autres religions

En 2012, de nouvelles caricatures publiées par le journal avaient suscité des critiques virulentes dans de très nombreux pays musulmans, au point de faire réagir le gouvernement français.

Mais «Charlie» reste fidèle à sa ligne de conduite: «il y a de la provocation comme toutes les semaines, pas plus avec l'islam qu'avec d'autres sujets», avait alors fait valoir Charb.

«Hara Kiri», l'ancêtre de «Charlie Hebdo», fondé par Cavanna et le Professeur Choron, avait choqué la France avec une Une ironique sur la mort du général de Gaulle, qui avait abouti à son interdiction. L'équipe décida de faire reparaître le journal avec des bandes dessinées et sous un nouveau titre: «Charlie Hebdo», référence à Charlie Brown, le célèbre «comics» américain de Schultz. «Charlie» accueille dans ses colonnes une multitude de dessinateurs irrévérencieux, de Cabu à Wolinski en passant par Reiser.

Récent appel aux dons

Habitué des procès, le journal, qui croule sous les procédures, doit s'arrêter de 1981 à 1992. Aujourd'hui, l'hebdomadaire est menacé de faillite: déficitaire, il vend en moyenne environ 30'000 exemplaires et vient de lancer un appel aux dons pour ne pas disparaître.

Son numéro de cette semaine est largement consacré à Michel Houellebecq dont le livre, «Soumission», qui imagine une France islamisée en 2022, est paru mercredi. En une de «Charlie», un Houellebecq caricaturé lance: «en 2015, je perds mes dents... En 2022, je fais Ramadan !». Un autre dessin fait dire à l'écrivain: «en 2036, l'Etat islamique fera son entrée dans l'Europe».

 

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