La Liberté

La fumée devant le feu des armes

Alors que les forces irakiennes tentent de chasser les djihadistes hors de Mossoul, un habitant raconte

Jean-Marc Mojon

Publié le 19.10.2016

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Nord de l’Irak » D’épais nuages de fumée noire enveloppent les rues désertes de Mossoul, où l’espoir suscité par la fin possible du règne djihadiste le dispute à la peur de la guerre qui se rapproche. Récit d’un habitant piégé dans la deuxième ville d’Irak.

«L’atmosphère est étrange, le ciel est en permanence obscurci par les fumées noires des pneus que les djihadistes ont enflammés», raconte par téléphone Abou Saïf, 47 ans. «Il y a également la fumée de l’huile que l’Etat islamique (EI) fait brûler dans les tranchées qu’il a creusées autour de la ville pour se mouvoir en toute discrétion», décrit-il.

Selon lui, les rues de cette métropole du nord de l’Irak, coupée en deux par le fleuve Tigre et où résident environ 1,5 million de personnes, sont vides. Civils et combattants sont calfeutrés. «Les gens restent à la maison depuis le début des frappes lundi», assure Abou Saïf, qui réside dans l’est de Mossoul. «On dirait que de nombreux djihadistes ont déjà quitté ce côté de la ville et traversé le fleuve» vers l’ouest de Mossoul, selon lui.

Tireurs embusqués

Il explique aussi avoir entendu des frappes aériennes et des explosions venant de Bartala, une ville chrétienne à l’est de Mossoul vers laquelle avancent actuellement les forces de sécurité irakiennes et les combattants kurdes.

Selon des sources militaires, l’est de la ville devrait être significativement plus facile à reprendre que sa moitié ouest, considérée comme le vrai repère des djihadistes dans cette localité où ils ont déclaré en juin 2014 leur «califat» sur les portions de territoires conquis en Irak et en Syrie.

«Mais ils ont encore beaucoup de tireurs embusqués placés sur des positions en hauteur, dans l’est de Mossoul, et on sait que de nombreuses voitures piégées sont prêtes et qu’ils ont installé des bombes partout au bord des routes», assure Abou Saïf.

Il dit qu’à Mossoul, les gens autour de lui sont partagés entre la joie d’une libération du joug djihadiste et la peur de ne pas survivre aux affrontements et aux exactions qui se préparent. «Au fond de nous, on est content car on est sur le point d’être secouru mais on a peur que l’EI accomplisse des actes de vengeance contre la population», confie-t-il.

Ces derniers mois, à mesure que l’opération sur Mossoul se précisait, les combattants de l’EI ont procédé à de multiples exécutions, y compris de certains de leurs membres, accusés d’espionnage ou de collaboration avec les forces irakiennes. Deux personnes ont été mises à mort près d’une école pas plus tard que dimanche, relève Abou Saïf. «Des gens se sont remis à utiliser les abris de la guerre contre l’Iran dans les années 1980, explique cet habitant. D’autres vivent dans leur sous-sol, notamment dans la vieille ville où les maisons ont des caves.»

Selon Abou Saïf, certaines familles emménagent ensemble dans une même maison pour se sentir plus en sécurité et optimiser l’utilisation des réserves déclinantes de nourriture et d’électricité. «Les gens cachent leurs possessions, de peur que l’EI ne les vole dans sa fuite ou que des émeutes et des pillages n’éclatent après la libération», explique-t-il. ats/AFP

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