«Dans vingt secondes, Yves Rossy va quitter l’hélicoptère. Il attend le go du pilote.» Au troisième étage de la tour d’Air14, un micro-casque sur la tête, les yeux levés vers le ciel, Bernard Chabbert commente d’une voix calme la démonstration de Jetman. Comme s’il discutait tranquillement avec la personne assise à côté de lui. Pourtant, des dizaines de milliers de personnes écoutent ses paroles. Speaker francophone du grand rendez-vous aérien qui se déroule depuis samedi et jusqu’à dimanche prochain sur la base aérienne de Payerne, Bernard Chabbert est une véritable sommité dans le domaine de l’aviation.

«Yves Rossy est au-dessus de nous, sur notre droite. On voit le petit point noir à gauche de l’hélicoptère. A 1500 mètres, il va faire une boucle avec sur le dos ses ailes qui pèsent 55 kg.» Il débite un tas d’informations sur l’homme volant, sans quitter l’horizon du regard. Parfois, une femme assise à côté de lui - Eve Cetera, son épouse - lui refile quelques données sur un bout de papier.

La dimension humaine

Outre ces quelques coups de main de sa femme, il n’utilise normalement aucune note ni internet pour se documenter pendant les démonstrations aériennes. Et ce, peu importe l’avion ou la patrouille qui fait son numéro. Pourtant, son discours regorge d’anecdotes ou encore de détails sur les avions ou les pilotes.

«Le speaker, c’est la passerelle entre ce qui se passe dans le ciel et le public», commente le Français. «Il ne faut pas donner trop de détails techniques, mais faire passer la dimension humaine. Et ne jamais oublier qu’un avion ne sert à rien s’il n’y a pas un homme ou une femme dedans.» Selon le spécialiste, environ 95% des spectateurs lors d’événements aériens ne sont pas des experts.

Mais comment fait-il pour connaître autant de choses? «Vous savez, quand on est né là-dedans, on en apprend beaucoup», répond-il avec modestie. «Mon papa était pilote et j’ai moi-même été aux commandes de plusieurs de ces avions et rencontré la plupart des aviateurs.»

Etre speaker n’est de loin pas l’activité principale du passionné d’aviation. Il ne participe qu’à cinq ou six manifestations par année. A 70 ans, il a une longue carrière de journaliste derrière lui, en plus d’être pilote d’avion dans ses temps libres.

C’est tout jeune que Bernard Chabbert attrape le virus de l’aviation. Il apprend dès 15 ans à piloter et rêve de devenir pilote de ligne. Il est pourtant refusé à l’école d’aviation car sa vue n’est pas parfaite. «J’ai continué à piloter pour le plaisir», précise-t-il. «C’est dans mes gènes.»

Envoyé à Houston

Il se tourne alors vers le journalisme. «C’était l’époque du programme spatial Apollo», se souvient-il. «J’étais journaliste généraliste et je n’arrêtais pas de demander à mon chef de m’envoyer à Houston. J’ai ainsi pu couvrir Apollo 15, 16 et 17.»

Petit à petit, il se spécialise dans le journalisme aéronautique. «Cela m’a permis de piloter entre 250 et 260 types d’avions différents», commente-t-il. Il se retrouve aux commandes d’avions de ligne comme le Concorde ou l’Airbus 330 ou d’avions militaires comme le Mirage III, le Hunter ou l’Alphajet.

L’aviation, c’est une affaire de famille puisque son fils est pilote de ligne et sa femme était hôtesse de l’air avant de devenir réalisatrice à la télévision. Ensemble, ils possèdent cinq avions, dont un appareil très rare - le Lockheed L-12 Electra - ayant appartenu à l’espion Sidney Cotton. Ce dernier aurait inspiré Ian Fleming pour la création de son héros James Bond.

Pour Bernard Chabbert, piloter est un privilège. «C’est une des choses les plus intelligentes inventées par l’homme. C’est un milieu fascinant. Regardez le public. Il est captivé!», conclut-il en montrant d’un geste la foule assemblée sur l’aérodrome payernois.