La Liberté

Qu'est-ce qu'il prend dans la tronche, Nicolas Anelka, juste pour une quenelle!

Depuis sa «quenelle», l'attaquant français de West Brom est (re)devenu un paria. Mais lui, bizarrement, ne bénéficie pas de l'indulgence médiatique dont profitait naguère Cantona...

Anelka a effectué brièvement ce geste en guise de «dédicace» à son ami Dieudonné, l'inventeur de ce bras d'honneur en qui certains voient un salut nazi inversé. DR
Anelka a effectué brièvement ce geste en guise de «dédicace» à son ami Dieudonné, l'inventeur de ce bras d'honneur en qui certains voient un salut nazi inversé. DR

Pascal Bertschy

Publié le 22.01.2014

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Qu'est-ce qu'il prend dans la tronche, Nicolas Anelka! En France, on cite son nom en se pinçant les narines. Pouah! En Angleterre, faute d'avoir obtenu son renvoi, le sponsor principal de West Bromwich Albion a mis fin à son partenariat avec le club. Pan! Sur ce, la Fédération anglaise va frapper le Français d'une suspension. Poum! Tout ça pourquoi, au fait? Tout ça pour une «quenelle».

Si Anelka avait assassiné quelqu'un, passerait encore. Mais non, bien plus grave, l'attaquant de West Brom a fait une «quenelle» le 28 décembre dernier après avoir marqué contre West Ham. Il a effectué brièvement ce geste en guise de «dédicace» à son ami Dieudonné, l'inventeur de ce bras d'honneur en qui certains voient un salut nazi inversé.

Serais-je fou? Dans la «quenelle» d'Anelka, volontiers décrite comme raciste et discriminatoire, j'ai vu plutôt un geste courageux. Celui d'un gars qui a voulu signifier, au moment où le gouvernement et les médias français tombaient sur Dieudonné, que l'humoriste-polémiste restait son ami.

Que Dieudonné vous scandalise ou non, peu importe, là n'est pas le sujet. Oubliez une minute l'affaire Dieudonné. Ce dont je parle, c'est du geste d'Anelka. Or, pardon, je n'y ai rien vu de haineux. Tendre la main à un homme que le monde rejette brutalement, cela me paraît très éloigné de la haine.

Certains hommes, que voulez-vous, sont ainsi faits. Quand ils voient des gouvernants, des journaux, des chaînes de télé et le plus grand nombre s'acharner sur quelqu'un, un mystérieux élan les pousse à s'écarter de la meute. A ne pas aboyer avec elle, voire à défendre le galeux, étant entendu pour eux que le mal n'est jamais tout d'un côté et le bien de l'autre

Anelka a pris le parti d'un pestiféré et, du coup, le voilà pestiféré à son tour. En ces temps où tant de gens veulent se donner bonne conscience, il faut bien des boucs émissaires. Nicolas fait donc partout les grands titres. Souvent les mêmes, d'ailleurs, genre: «Anelka, quinze ans de dérapages». On dirait qu'il n'a fait que ça, depuis quinze ans: déraper du matin au soir.

Ce garçon taciturne et solitaire s'est lui-même caricaturé, parfois, en arrogant multimillionnaire du foot. Il a commis des écarts, gaspillé ses dons, batifolé dans le système qui le rebute tant. Sa carrière et son palmarès, pourtant, ne sont pas si mal. Et avec lui, question dérapages, on est loin de la violence d'un Eric Cantona. Lui, vous vous souvenez?

Pour beaucoup de ceux qui conspuent Anelka, aujourd'hui, Canto était naguère un dieu. Le King, dans l'insulte et dans l'ensemble, surpasse «N le maudit» (liste des égarements cantonesques sur simple demande). Mais Cantona, s'cusez, était un rebelle. Il profitait du système qu'il méprisait, lui aussi, mais c'était un poète. Quoi qu'il fasse, on le trouvait génial. L'autre, en revanche, beuh! Anelka, non, sans façon. Ce type n'aura été que le symbole de «la génération caillera», la génération racaille, ainsi que l'a qualifié un philosophe en 2010. Charmant!

Qu'on passe tout à un enfant terrible et rien à l'autre, vous ne trouvez pas ça bizarre? Vous direz que j'ai trop d'imagination, que je suis totalement à côté de la plaque, et c'est possible. N'empêche, mon sentiment est que cette inégalité de traitement a probablement un lien avec les origines d'Anelka. Posséder un caractère entier et une âme d'écorché vif, comme lui, pourquoi pas? Mais venir des cités et avoir la peau colorée, semble-t-il, cela n'aide pas. Même pour qui s'appelle Anelka…

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