La Liberté

Dans l’antre des cyberathlètes

E-sport • Les pros du jeu vidéo disposent désormais de centres d’entraînement. Exemple à Berne où, depuis deux ans, une gaming house accueille des joueurs.

Durant leurs sessions d’entraînement, les joueurs sont suivis de près par Cédric Schlosser, président de mYinsanity (au centre de l’image). © Vincent Bürgy
Durant leurs sessions d’entraînement, les joueurs sont suivis de près par Cédric Schlosser, président de mYinsanity (au centre de l’image). © Vincent Bürgy

vincent bürgy

Publié le 24.11.2014

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Un commerce d’alimentation, une pharmacie, un magasin de vélos et de motos, de nombreuses fermes et… une gaming house, soit un centre d’entraînement pour des professionnels du jeu vidéo.

Petite bourgade de 2800 âmes plantée dans la campagne bernoise, à quelques kilomètres des faubourgs de la Ville fédérale, Kirchlindach ne réserve guère de surprise, mais se distingue cependant par ses loyers modérés. Cet argument n’a pas manqué de séduire l’association mYinsanity, qui y a établi ses quartiers dans une maison du centre du village. Depuis deux ans, la première - et pour l’heure unique - structure professionnelle suisse de sport électronique, plus communément nommé e-sport, y accueille tout au long de l’année une petite dizaine de cyberathlètes internationaux et occasionnellement certains amateurs.

«Le mur des trophées»

Sur le pas-de-porte de la demeure, Cédric Schlosser se charge des présentations et lance la visite en ce samedi de novembre. «Vous verrez, cela ne change pas d’une colocation entre étudiants, c’est même beaucoup mieux organisé que dans certaines maisons», rigole le président de mYinsanity, en gravissant une volée de marches. Installés dans le salon, quelques garçons âgés entre vingt et vingt-cinq ans scrutent une partie du jeu de stratégie Starcraft II, diffusée sur un mur blanc par un vidéoprojecteur. «Nos joueurs ont congé le samedi, mais regarder des compétitions s’inscrit dans leur travail», relève le jeune Bernois, en jetant un regard circulaire.

Présentation vidéo de la maison (en anglais)

A l’une des extrémités de la pièce, Sam paraît très absorbé par la partie en cours. Ce Canadien, professionnel depuis l’an dernier, en est à son second séjour dans le canton de Berne. «S’entraîner durant un mois ou deux dans une gaming house est nécessaire pour progresser, car nous avons ici la possibilité d’élaborer des stratégies avec d’autres joueurs et d’en parler face à face», observe celui qui a déjà visité des structures d’entraînement similaires aux Etats-Unis et à Taïwan. Accrochés à l’une des parois de la salle de détente, quelques chèques émargeant pour certains à plus de 10'000 dollars témoignent des récents succès remportés par les gamers enrôlés par l’équipe. «C’est notre mur des trophées», lance fièrement Cédric Schlosser.

Sport nocturne

Une pluie de billets verts à même de faire exploser le budget de mYinsanity? Son président se montre discret à ce sujet, mais il confirme que l’association bénéficie du soutien financier de plusieurs entreprises suisses. «Je peux dire que les gains en compétition reviennent intégralement aux joueurs, qui gagnent entre 5000 et 6000 francs par mois pour les meilleurs d’entre eux, mais nous préférons ne pas communiquer notre budget. Avec ces informations, certaines formations concurrentes pourraient tenter de nous piquer nos éléments les plus performants», indique-t-il, tout en gagnant un nouveau palier.

Notre guide du jour franchit en tête la porte de la gaming room. Dans cette pièce sacro-sainte dévolue aux ordinateurs, seuls trois utilisateurs font face à leurs écrans, mais la concentration est de rigueur. Cédric Schlosser enchaîne: «La journée d’un e-sportif va généralement de 19 h à 3 h du matin, ce qui coïncide avec les horaires des tournois en ligne, mais certaines parties peuvent durer jusqu’à huit heures d’affilée.»

Du monde entier

Dans l’un des rares espaces libres de la pièce trône un réfrigérateur aux couleurs d’une boisson énergisante. «En consommer n’a pas d’impact sur les performances d’un joueur, mieux vaut du sommeil et une alimentation équilibrée», explique Cédric Schlosser. Quant au dopage, le responsable assure que l’e-sport demeure épargné à l’heure actuelle.

Pivotant sur ses talons, le président de mYinsanity revient sur ses pas et gagne une nouvelle partie du spacieux bâtiment: la cuisine. «On n’y trouve rien de surprenant», précise le jeune homme, en poussant le zèle jusqu’à ouvrir les portes d’un imposant garde-manger.

Si certaines organisations e-sportives imposent le suivi de régimes spécifiques à leurs athlètes, l’équipe suisse n’en est pas encore là, même si elle porte une attention particulière à l’alimentation de ses protégés. «Des personnes du monde entier nous rejoignent, nous faisons en sorte de suivre au mieux leurs habitudes alimentaires», reprend Cédric Schlosser. Des allées et venues qui n’ont tout d’abord pas manqué de surprendre le voisinage. Le passionné de jeu vidéo conclut: «Au début, ils ont été assez surpris, parce que c’est plutôt nouveau comme activité, mais depuis l’entente est très bonne.»

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20'000 concurrents en Suède

Online ou offline, comme peut l’être une LAN (une compétition de jeu vidéo en réseau local et fermé, ndlr), les tournois mettant aux prises des cyberathlètes n’ont désormais plus rien à envier aux sports traditionnels. Plus gros événement du genre, la DreamHack réunit ainsi deux fois par année en Suède environ 20'000 concurrents venus du monde entier. Sous contrat avec mYinsanity, Felix se prépare justement à y participer à la fin du mois. «Je profite de cette pause pour me concentrer, en visionnant notamment d’autres concurrents en action», déclare ce ressortissant suédois, venu s’entraîner en Suisse. VB

Bande-annonce pour la DreamHack 2014 (27-29 novembre)

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