La Liberté

«Il ne faut pas donner aux réseaux sociaux plus d’importance qu’ils n’en ont»

Internet • Le spécialiste genevois Stéphane Koch animera prochainement à Romont un atelier sur les réseaux sociaux et sur la sécurisation des données personnelles. Ses conseils pour protéger au mieux sa sphère privée.

«Sur les réseaux sociaux, il faut publier uniquement des informations que l’on peut assumer publiquement» souligne Stéphane Koch. © Charly Rappo
«Sur les réseaux sociaux, il faut publier uniquement des informations que l’on peut assumer publiquement» souligne Stéphane Koch. © Charly Rappo
Selon Stéphane Koch, internet a un énorme potentiel du point de vue pédagogique. © Charly Rappo
Selon Stéphane Koch, internet a un énorme potentiel du point de vue pédagogique. © Charly Rappo
«Il ne faut pas donner aux réseaux sociaux plus d’importance qu’ils n’en ont» © Charly Rappo
«Il ne faut pas donner aux réseaux sociaux plus d’importance qu’ils n’en ont» © Charly Rappo
Selon Stéphane Koch, le problème ce ne sont pas les réseaux sociaux en tant que tels, mais la manière de les utiliser. © Charly Rappo
Selon Stéphane Koch, le problème ce ne sont pas les réseaux sociaux en tant que tels, mais la manière de les utiliser. © Charly Rappo

Propos recueillis par Flora Berset

Publié le 03.10.2014

Temps de lecture estimé : 6 minutes

Internet est le vecteur du pire comme du meilleur. Invité par l’Association des parents de la Glâne, le spécialiste des réseaux sociaux Stéphane Koch aurait dû animer demain, à Romont, un atelier pratique à ce sujet (celui-ci a été reporté au 17 janvier 2015 en raison d’un manque d’inscriptions). Sommité dans son domaine, le Genevois nous livre ici quelques règles de base à suivre sur le web.

Quel est votre but lorsque vous animez ce type d’atelier?

Stéphane Koch: L’idée est de donner aux gens des repères et des outils pour pouvoir mieux se mouvoir dans un environnement numérique. Mon but, c’est que les personnes parviennent elles-mêmes à s’éduquer. Quand je demande aux participants «Qui peut vous aider 24 heures sur 24 lorsque vous avez un problème technique?», ils ont du mal à répondre. La bonne réponse est pourtant simple: c’est le moteur de recherche. Sur internet, lorsqu’on pose une question bien formulée, on obtient des réponses adéquates. On peut aussi utiliser YouTube, où l’on trouve des didacticiels très utiles.

- En général, sur quel thème mettez-vous l’accent?

La notion d’identité numérique. Par exemple, les parents postent régulièrement des photos de leurs enfants sur internet. Cela montre qu’ils ont de la peine à se projeter dans le temps, et qu’il s’agit d’un environnement hautement émotionnel. On prend une photo de son enfant et on la publie pour se faire plaisir. Le plaisir de l’enfant vient après. Ce comportement est à mettre en lien avec un manque de distance critique.

- Où se trouve le problème?

Publier une photo de son enfant, c’est créer son identité numérique. Lorsqu’il grandira, il aura peut-être envie de couper le cordon ombilical et n’appréciera pas forcément que des photos de lui avec une lolette dans la bouche et de la purée de pommes sur le front circulent sur le Net. Les parents ne sont pas conscients de cela. Ils ont pourtant un rôle à jouer. Ils ne peuvent pas se réfugier derrière le fait qu’ils ne comprennent rien aux technologies.

- A quoi faut-il faire attention?

A la perte des contenus. On a vu cela avec la diffusion récente de photos dénudées de stars. Aujourd’hui, les données sont très peu protégées. Les gens ne savent pas que lorsqu’on efface des données sur un support numérique, ces données persistent. C’est comme quand vous retirez votre numéro de l’annuaire téléphonique pour qu’on ne puisse pas vous trouver. Si je me rends à votre adresse, vous serez toujours là. Le fichier informatique, c’est la même chose.

- Est-ce important d’être méfiant?

Oui, parce qu’actuellement, il y a de moins en moins de cloisonnement entre le monde professionnel et la sphère privée. Si un incident de l’ordre du privé vous arrive, cela peut impacter fortement sur votre vie professionnelle. Prenons le cas de «sextorsion» qui a eu lieu à Lucerne. Un employé d’un club de football a été victime de chantage à cause d’une vidéo où il se masturbait. Les images ont fini par être envoyées à ses collègues et il a démissionné. Cette vidéo, qui ne regardait personne, a explosé dans la sphère professionnelle. Il y a là un vrai souci.

- Faut-il avoir comme règle de base qu’internet n’oublie rien?

Sur les réseaux sociaux, il faut publier uniquement des informations que l’on peut assumer publiquement. Il faut parfois se restreindre, comme on le fait dans la vie normale.

- Comment expliquez-vous alors que certaines personnes déballent la totalité de leur vie privée?

Il y a sur le web un certain narcissisme. Un selfie, selon moi, c’est la photo qu’on aurait aimé que quelqu’un prenne, mais il n’y avait personne. En soi, le selfie ne me gêne pas, mais ce n’est pas un geste anodin. Je ne peux pas prédire quelles seront les conséquences de tout cela. Les gens vont-ils devenir nombrilistes, autocentrés? Je n’en sais rien.

- Internet a-t-il de bons côtés?

Evidemment! C’est un outil superbe pour la collaboration. Par exemple, Wikipédia: c’est la première fois qu’une interface écrit l’histoire en temps réel avec une marge d’erreur assez limitée. Pourtant, beaucoup de professeurs dénoncent cette encyclopédie en ligne parce qu’il y a des fautes. Si on apprenait aux adolescents à corriger ces fautes, ce serait valorisant. Internet a un énorme potentiel du point de vue pédagogique. L’école devrait essayer de s’approprier les réseaux sociaux pour créer de la valeur, du partage. Ce n’est pas parce qu’on passe du temps devant un écran que l’on s’abrutit. On peut aussi s’éduquer. Maîtriser les risques, c’est pouvoir profiter des opportunités.

- Justement, parlons des risques.

Il ne faut pas donner aux réseaux sociaux plus d’importance qu’ils n’en ont. Il y a cette histoire de jeunes de deux régions de Lausanne qui se sont battus après s’être insultés sur WhatsApp et Facebook. Les ados sont venus avec des matraques et des gaz lacrymogènes. Ils avaient ça chez eux, ils étaient prêts à l’affrontement et ils attendaient le bon moment pour le faire. Ce n’est pas la faute des réseaux sociaux.

- C’est quand même plus facile de se donner rendez-vous via les réseaux sociaux…

Oui, comme c’était le cas avec les SMS avant. Il n’en demeure pas moins que le problème, c’est d’avoir des armes chez soi et de penser qu’elles serviront un jour. Les réseaux sociaux doivent s’améliorer, mais nous devons nous-mêmes nous améliorer. 

*****

Articles les plus lus
La Liberté - Bd de Pérolles 42 / 1700 Fribourg
Tél: +41 26 426 44 11