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Amour et guerre, de Berlin à Hiroshima

L'article en ligne - BD - « Hibakusha », ces quatre syllabes envoûtantes désignent en japonais un-e survivant-e des bombes d’Hiroshima et Nagasaki. Avec cet ouvrage, le lecteur est témoin de la rencontre d’un Allemand avec une jeune Japonaise à Hiroshima.

Amour et guerre, de Berlin à Hiroshima
Amour et guerre, de Berlin à Hiroshima

Hai Yen PHAM

Publié le 25.06.2017

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Adapté de la nouvelle « Hiroshima, fin de transmission », écrite par la même auteure, Thilde Barboni, « Hibakusha » nous relate l’histoire de Ludwig, un jeune allemand d’une trentaine d’années tourmenté dans le contexte sulfureux de fin de Deuxième Guerre mondiale. Ayant passé son enfance dans le pays du Soleil levant avec ses parents, ce dernier met désormais à l’œuvre ses compétences en tant qu’interprète et traducteur pour le compte des nazis. Mari désabusé et père modérément impliqué, Ludwig a pour credo le principe de « neutralité » qui, selon lui, a pour vertu de l’épargner de toute situation délicate : il s’est ainsi laissé porter par le cours de la vie sans jamais prendre de risque ou de parti. On réalise rapidement que le train de vie du personnage ne le rend pas heureux, mais qu’il ne fait en revanche rien pour y remédier, préférant plutôt se réfugier dans les fantasmes de ses dernières péripéties volages.

L’intrigue principale est amorcée lorsque Ludwig est dépêché, sans avertissement et sans avoir l’occasion de prévenir sa famille, au Japon avec pour mission la traduction de certains documents sensibles et confidentiels. Son arrivée à Hiroshima, une contrée imprégnée par un fort anti-américanisme, marquera un tournant décisif dans son appréhension de la vie. Errant sous les bombardements aléatoires et dans les bars bondés d’Allemands, il va faire la rencontre d’une masseuse japonaise dont il va tomber amoureux. En effet, auprès d’elle, dans un climat de guerre tendu, il parvient à soulager les douleurs d’une ancienne blessure à la jambe et à redécouvrir des teintes plus positives de la vie. La menace imminente de la bombe atomique dont le lecteur devine anxieusement l’approche depuis la première page vient également tourmenter ce court instant d’enchantement.

La trame intrigante de ce récit plonge rapidement le lecteur au sein d’un univers déchiré par le conflit, mais ses habitants semblent quelquefois lointains ou succinctement engagés dans l’histoire. De ce fait, le personnage de Ludwig, avec ses défauts et qualités, ne suscite qu’une empathie passagère malgré son progrès, de la passivité face à ses démons intérieurs vers une discrète affirmation de ses convictions. De même, l’histoire d’amour à Hiroshima, élément pourtant clé de l’ouvrage, ne stimule que très peu l’intrigue. On lui reprochera un manque de substance, car elle se présente, en fin de compte, plutôt comme une ellipse. En bon élève de cours d’histoire, on aurait éventuellement apprécié voir les aspects de la collaboration d’un fonctionnaire allemand avec les alliés du IIIe Reich afin de suivre la progression de Ludwig vers une forme de contestation qui aurait donné plus de dimensions à la trame. Malgré ces points discutables, on louera néanmoins le scénario pour sa représentation d’une réalité terrible et les interrogations qu’il propose de soulever, à savoir la question de la mémoire d’un être, avec toutes ses fautes et accomplissements, après un massacre tel que celui d’Hiroshima.

Enfin, si la couverture de l’ouvrage attire le regard par son élégance soignée et ses couleurs délicates, les illustrations de l’histoire, bien que fines et travaillées, sont moins précises et ne reflètent pas toujours la profondeur escomptée des personnages. Leurs visages et expressions semblent ainsi parfois impénétrables, ce qui peut laisser un lecteur séduit par la couverture sur sa faim. Le pinceau d’Olivier Cinna n’en reste pas moins vif et entraînant dans son portrait d’un climat tumultueux et d’un protagoniste tourmenté. 

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