Bisexualité, tabou et fantasmes
Page Jeunes - Société • De plus en plus affichée, la bisexualité reste toutefois encore un mystère. Aussi plurielle que notre société, elle glisse encore entre les mailles des définitions définitives.
Audrey Molliet
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Dans une société où tout concept doit être étiqueté, la dénomination «bisexuel» définit bien plus qu’un seul phénomène. Source de fantasmes pour certains ou prétexte à l’opprobre pour d’autres, la bisexualité reste un sujet à explorer et un tabou malgré tout.
Qu’entend-on lorsqu’on parle de «bisexuel/le» ou de «bisexualité»? En général, ces termes définissent une personne séduite par le sexe opposé et par des individus du même sexe. Toutefois, des nuances sont souvent apportées: «toute personne attirée par plus d’un genre est bisexuelle si elle se désigne comme telle», explique Anne*, doctorante en littérature américaine et une des responsables du groupe de parole «bi» (rattaché à l’association 360° basée à Genève). «Tous les membres (du groupe de parole) ne considèrent pas le genre comme binaire; certains se désignent comme «pansexuels» ou «fluides» voire sont eux-mêmes transgenre.»
Tous bisexuels
Pour la doctoresse Juliette Buffat, sexologue et auteure du livre Le sexe et vous (2014), la bisexualité est une évidence que chacun porte en soi. «La bisexualité fait partie de la nature humaine et cela a toujours existé. La différence est qu’aujourd’hui on en parle beaucoup plus.» En effet, parmi les jeunes, «il y a une liberté de ton qu’on ne trouve pas chez les générations précédentes». Toutefois, se reconnaître bisexuel, l’accepter et se faire accepter en tant que tel ne relève jamais de la sinécure.
Sam*, 20 ans et étudiante en médecine, sort actuellement avec une fille. Pourtant, elle ressent aussi de l’attirance pour les hommes. La jeune femme nous confie avoir longtemps craint le regard des autres, «surtout au début, particulièrement le regard des inconnus. Et finalement, c’est passé et je suis juste heureuse d’être avec ma copine.» Selon Anne, «nous sommes souvent marginalisés à la fois par la majorité hétérosexuelle mais aussi trop souvent par la communauté lesbienne et gay.» Juliette Buffat renchérit: «Les bisexuels sont parfois considérés par les homosexuels comme des traîtres qui n’assument pas totalement leur homosexualité.» Il y a donc encore à faire au niveau de l’acceptation des différences, que ce soit par la majorité hétérosexuelle ou la communauté gay.
Pourtant, au sein de notre génération biberonnée à la télévision, une certaine image de la bisexualité - surtout féminine - a une patine glam et un parfum d’effet de mode. Nombreuses sont les stars comme Cara Delevingne ou Anna Paquin qui affichent fièrement leur côté «queer». «L’homosexualité chez les femmes est mieux tolérée par la société» explique Juliette Buffat. «L’homosexualité masculine a été beaucoup plus réprimée car elle renvoie à la sodomie. Alors que l’amour saphique a une image plus douce et correspond aussi au fantasme masculin du trio sexuel.»
L’adolescence est aussi l’âge où on veut tout tester et est donc propice à de nombreuses expériences. Pour les jeunes qui ont grandi dans une société où on doit tolérer tout le monde, quoi de plus naturel que de tout tenter? Mais pour certains, dont les membres du groupe dont fait partie Anne, «la bisexualité n’est pas uniquement une phase, une mode, ou une incapacité à faire un choix! Pour nombre d’entre nous c’est notre manière d’être et notre manière d’aimer.»
* Prénoms d’emprunt