La Liberté

Pascal Mancini: «Il y a de quoi être déçu»

Athlétisme • Cinquième de la finale du 60 m des championnats d'Europe en salle, le Fribourgeois a raté son départ et le podium pour seulement deux centièmes. Il se console avec le record de Suisse (6’’60). Interview.

«Malheureusement pour moi, le scénario de cette finale ne m’a pas aidé» explique Pascal Mancini. © Capture d'écran
«Malheureusement pour moi, le scénario de cette finale ne m’a pas aidé» explique Pascal Mancini. © Capture d'écran
«Lors du premier départ, je me sentais hyper bien, j’étais gonflé à bloc» © Capture d'écran
«Lors du premier départ, je me sentais hyper bien, j’étais gonflé à bloc» © Capture d'écran
Pascal Mancini: «Il y a de quoi être déçu» © Capture d'écran
Pascal Mancini: «Il y a de quoi être déçu» © Capture d'écran
Pascal Mancini: «Il y a de quoi être déçu» © Capture d'écran
Pascal Mancini: «Il y a de quoi être déçu» © Capture d'écran
«C’est bête, car si le coup de feu était parti quelques dixièmes plus tôt, je serais sans doute rentré de Prague avec une médaille» © Capture d'écran
«C’est bête, car si le coup de feu était parti quelques dixièmes plus tôt, je serais sans doute rentré de Prague avec une médaille» © Capture d'écran

Pierre Salinas

Publié le 09.03.2015

Temps de lecture estimé : 11 minutes

Prague, ville maudite pour les sprinters suisses. Comme la Bernoise Mujinga Kambudji, Pascal Mancini (25 ans) a manqué le podium du 60 m des championnats d’Europe en salle pour deux petits centièmes. Un starter un peu lent, une inattention au départ, là ou il est généralement le plus fort, et le Staviacois laissait filer la médaille qui lui tendait les bras. Un crève-cœur pour celui qui avait égalé le record de Suisse de Cédric Grand (6’’60) plus tôt en demi-finales. Joint par téléphone, Mancini ne masquait pas sa déception. Ce qui ne l’empêchera pas «d’aller faire la fête avec les autres athlètes»…

- Pascal Mancini, quel sentiment prédomine: la fierté ou la déception?

Je n’ai peut-être pas assez de recul, mais quand on loupe une médaille alors que, quelques heures plus tôt, on réussit le chrono pour faire 3e, il y a de quoi être déçu.

- Des regrets?

Malheureusement pour moi, le scénario de cette finale ne m’a pas aidé. Lors du premier départ, je me sentais hyper bien, j’étais gonflé à bloc, j’avais peut-être 6’’57, 6’’58 dans les jambes. Mais le starter n’a pas tiré, un concurrent (le Britannique Chijindu Ujah, n.d.l.r.) est parti et il a été disqualifié.

- Et que s’est-il passé au deuxième départ?

Même chose: j’ai attendu très longtemps que le coup de feu parte. Et c’est quand je me suis dit «mais le pistolet ne marche pas?» que le starter a appuyé sur la gâchette. Conséquence, j’ai été à la ramasse durant toute la course. Il a fallu un tout petit instant d’inattention… C’est bête, car si le coup de feu était parti quelques dixièmes plus tôt, je serais sans doute rentré de Prague avec une médaille. Pff… Voilà, le 60 mètres, c’est comme ça: brutal, pas le droit à l’erreur. Si je cours à fond et que je finis 5e, pas de problème. Mais là, j’étais chaud-bouillant. Toutes les conditions étaient réunies pour que je réussisse quelque chose de grand, sauf le starter… Les autres n’ont pas été déstabilisés, moi si. Je ne peux donc m’en prendre qu’à moi-même.

- Diriez-vous que vous êtes dans la forme de votre vie?

(Il rigole). Oui, bon, peut-être. C’est ma première finale individuelle au niveau européen. C’est la preuve que j’ai fait de gros progrès.

- Il paraît que vous avez hésité à vous rendre à Prague…

Ces derniers mois, j’ai sacrifié beaucoup de choses pour l’athlétisme, peut-être trop. Je pensais à ces championnats d’Europe jour et nuit. Il fallait que je lâche prise, mais je n’y arrivais pas. Physiquement, je n’étais pas au top non plus. Début janvier, j’ai perdu un peu de ma motivation, je me suis mal entraîné. Il a fallu que j’arrive aux championnats de Suisse, mi-février, pour retrouver un peu d’entrain. Ce résultat me prouve que je peux réussir quelque chose de bien alors que tout n’a pas été parfait. Je me réjouis pour la suite.

- La suite, ce sont les championnats du monde de relais, début mai aux Bahamas?

Oui. Pour les préparer, mais aussi pour préparer les Universiades et, si tout va bien avec le relais 4 x 100 helvétique, les championnats du monde, je pars le 22 mars en Afrique du Sud. J’y resterai jusqu’au 10 avril, après quoi je mettrai le cap vers la Zambie, chez Rolf Moujbani, l’un des meilleurs entraîneurs de sprint. Il est prévu que je revienne de Zambie le 25 avril et, le 28, je pars déjà pour les Bahamas.

- En série, vous avez fait en levant le doigt vers le ciel une nouvelle allusion à Dieudonné, l’humoriste controversé (lire cet article à ce propos). Sur votre page Facebook, vous avez assorti la publication de la photo-finish d’un ananas, autre symbole des partisans de Dieudonné. L’été passé, après les championnats de Suisse de Frauenfeld où vous aviez fait une quenelle, la Fédération suisse vous avait convoqué pour demander des explications (lire cet article). Ne vous exposez-vous pas à une sanction?

Si on ne peut plus lever le doigt quand on remporte une course, où va-t-on? Bientôt, ceux qui voient le mal partout devront me mettre une camisole de force… On est où? En démocratie ou en dictature?

- En démocratie. Mais ne nous faites pas croire que ce geste n’était pas connoté…

Je ne suis pas complètement idiot, enfin je le crois. Si Dieudonné était ce qui est écrit dans les médias, un raciste ou un antisémite, je n’agirais pas de la sorte. Ce n’est pas parce qu’on fait un «Au-dessus c’est l’soleil», et que ce geste a été créé par Dieudonné, que l’on est une personne affreuse. «Au-dessus c’est le soleil», c’est le top du top. Comme un dessert qu’aucun autre dessert ne pourrait égaler. Dans ce cas précis, ça voulait dire: «Je suis aux anges.» Sur la piste, je suis entier, vrai, c’est comme ça que je cours le plus vite. Il n’y a rien de mal dans ce que je fais.

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Selina Büchel, championne d’Europe au culot

L’athlétisme suisse l’attendait depuis plus de vingt-cinq ans, Selina Büchel l’a fait: la Saint-Galloise est devenue championne d’Europe en salle du 800 m à Prague, au terme d’une course pleine de culot et de tempérament. Elle aura dominé séries, demi-finales et finale, avec à chaque fois une autre tactique.

Le dernier podium suisse à l’Euro en salle datait de 2002, avec l’argent d’André Bucher, sur 800 m déjà, à Vienne. Et le dernier titre remontait à 1987, avec le succès de Sandra Gasser sur 1500 m à Liévin. Le demi-fond court, qui combine vitesse, endurance et résistance, convient bien aux athlètes européens en général. C’est un créneau porteur pour l’athlétisme suisse. Sachant que les succès de l’été sont semés l’hiver (en salle ou pas), ce résultat est de bon augure pour les mondiaux de Pékin en août prochain.

La recette de Büchel se rapproche de celle qui avait permis à Kariem Hussein - qui zappe l’indoor cet hiver - de devenir champion d’Europe du 400 m haies (en plein air) en août dernier à Zurich. De l’audace, de la spontanéité et une préparation minutieuse.

La jeune athlète du Toggenbourg (23 ans) a fait parler son instinct et sa science de la course. En séries et en demi-finales, elle est à chaque fois venue de l’arrière pour coiffer ses rivales dans les 50 derniers mètres. En finale, elle a surpris tout le monde en prenant les devants, pour résister in extremis au retour de la Russe Yekaterina Poistogova, 2e à 4 centièmes. Büchel s’est imposée en 2’01’’95. Elle était clairement la patronne, sachant qu’elle a plusieurs fois fait l’extérieur dans les virages et accompli en conséquence plus de chemin que ses adversaires.

L’indoor sied à merveille à la Saint-Galloise. «C’est exigeant tactiquement, et c’est à chaque fois une bagarre. J’aime ça», a expliqué la jeune femme. Büchel avait montré ses capacités l’an dernier en terminant au pied du podium (4e) aux mondiaux indoor de Sopot (Pol). En 2013, elle avait obtenu la médaille de bronze aux Championnats d’Europe espoirs (M23), en plein air cette fois. Sa progression est régulière, sa silhouette s’est affinée.

«J’ai effectué un énorme pas en avant cet hiver», relève celle qui a réduit son temps de travail dans l’aménagement du territoire à 30%. Elle est allée mûrir sa préparation sous le soleil d’Afrique du Sud. Une préparation sans anicroche, sans blessure ni virus. Signe de son approche décomplexée de la compétition, Selina Büchel n’avait pas hésité à dire il y a quelques jours qu’elle se trouvait dans «une forme sensationnelle». Dans la même veine, à Prague, elle n’a pas hésité à déclarer après sa victoire en demi-finales, qu’elle visait l’or!

«Selina a une grande capacité à se concentrer sur les grands événements», explique l’entraîneur national, le Prévôtois Louis Heyer. «C’est notamment pour cette raison qu’elle ne se montre pas extraordinaire en meeting. Quand il n’y a pas de véritable enjeu, elle se dit: à quoi bon? Mais les championnats font toute la différence pour elle. Là, je l’ai sentie terriblement en forme.» SI

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Les classements

Renaud Lavillenie: 4e titre à la perche avec un saut à 6m04

Prague. Championnats d’Europe en salle. Hier. Finales. 60 m: 1. Richard Kilty (GB) 6’’51. 2. Christian Blum (All) 6’’58. 3. Julian Reus (All) 6’’60. 4. Michael Tumi (It) 6’’61. 5. Pascal Mancini (S) 6’’62. 6. Lucas Jakubczyk (All) 6’’62. Disqualifié pour faux départ: Chijindu Ujah (GB). 800 m: 1. Marcin Lewandowski (Pol) 1'46''67. 2. Mark English (Eire) 1'47''20. 3. Thijmen Kupers (PB) 1'47''25. 1500 m: 1. Jakub Holusa (Rép. tch.) 3'37''68. 2. Ilham Özbilen (Tur) 3:37’’74. 3. Chris O’Hare (GB) 3'38''96. Hauteur: 1. Daniil Zyplakov (Rus) 2m31. 2. Silvano Chesani (It) 2m31. 3. Asonios Mastoras (Grè) 2m31. Heptathlon: 1. Ilya Shkureniov (Rus) 6353 pts (60 m 6’’98, longueur 7m78, poids 13m89, hauteur 2m10, 60 m haies 7’’86, perche 5m30, 1000 m 2'44''84). 2. Arthur Abele (All) 6279 (6’’93, 7m56, 15m54, 1m92, 7’’67, 4m90, 2’35’’64). 3. Eelco Sintnicolaas (PB) 6185 (6’’98, 7m51, 14m03, 1m98, 7’’98, 5m20, 2’39’’00). 4 x 400 m: 1. Belgique (Julien Watrin, Dylan Borlée, Jonathan Borlée, Kevin Borlée) 3'02''87. 2. Pologne 3'02''97. 3. Rép. tchèque 3'04''09.

Dames. 60 m: 1. Dafne Schippers (PB) 7’’05. 2. Dina Asher-Smith (GB) 7’’08. 3. Verena Sailer (All) 7’’09. 4. Ezinne Okparaebo (No) 7’’10. 5. Mujinga Kambundji (S) 7’’11 (record de Suisse, ancien Kambundji 7’’15). 6. Olesja Povh (Ukr) 7’’11. 800 m: 1. Selina Büchel (S) 2'01''95. 2. Yekaterina Poistogova (Rus) 2'01''99. 3. Natalya Lupu (Ukr) 2'02''95. 4. Joanna Jozwik (Pol) 2'02''45. 5. Anita Hinriksdottir (Isl) 2'02''74. Forfait pour la finale (malade): Jenny Meadows (GB). 1500 m: 1. Sifan Hassan (PB) 4'09''04. 2. Angelika Cichocka (Pol) 4'10''53. 3. Federica del Buono (It) 4'11''61. Perche: 1. Anschelika Sidorova (Rus) 4m80. 2. Ekaterini Stefanidi (Grè) 4m75. 3. Angelica Bengtsson (Su) 4m70. Triple saut: 1. Yekaterina Koneva (Rus) 14m69. 2. Gabriela Petrova (Bul) 14m52. 3. Hanna Knyazyeva (Isr) 14m49. 4x400 m: 1. France (Floria Guei, Elea Mariama Diarra, Agnes Raharolahy, Marie Gayot) 3'31''61. 2. Grande-Bretagne 3'31''79. 3. Pologne 3'31''90.

Demi-finales. 60 m. Messieurs. 2e série: 1. Ujah 6’’57. 2. Mancini 6’’60 (record de Suisse égalé, comme Cédric Grand en 1999). Dames. 60 m. 3e série: 1. Sailer 7’’08. 2. Kambundji 7’’15 (record de Suisse, ancien Kambundji 7’’18).

Samedi. Finales. Messieurs. 400 m: 1. Pavel Maslak (Rép. tch.) 45’’33. 2. Dylan Borlée (Be) 46’’25. 3. Rafal Omelko (Pol) 46’’26. 3000 m: 1. Ali Kaya (Tur) 7'38''42. 2. Lee Emanuel (GB) 7'44''48. 3. Henrik Ingebrigtsen (No) 7'45''54. Perche: 1. Renaud Lavillenie (Fr) 6m04. 2. Alexandr Gripich (Rus) 5m85. 3. Piotr Lisek (Pol) 5m85. Triple saut: 1. Nelson Evora (Por) 17m21. 2. Pablo Torrijos (Esp) 17m04. 3. Marian Oprea (Rou) 16m91.

Dames. 400 m: 1. Nataliya Pyhyda (Ukr) 51’’96. 2. Indira Terrero (Esp) 52’’63. 3. Seren Bundy-Davies (GB) 52’’64. 3000 m: 1. Yelena Korobkina (Rus) 8'47''62. 2. Sviatlana Kudzelich (Bié) 8'48''02. 3. Maureen Koster (PB) 8'51''64. Hauteur: 1. Mariya Kuchina (Rus) 1m97. 2. Alessia Trost (It) 1m97. 3. Kamila Licwinko (Pol) 1m94. Longueur: 1. Ivana Spanovic (Ser) 6m98. 2. Sosthene Taroum Moguenara (All) 6m83. 3. Florentina Marincu (Rou) 6m79. Poids: 1. Anita Marton (Hon) 19m23. 2. Yulia Leanzyuk (Bié) 18m60. 3. Radoslava Mavrodieva (Bul) 17m83.

Séries. Messieurs. 60 m. 3e série: 1. Pascal Mancini (S) 6’’64. Dames. 60 m. 1re série: 1. Mujinga Kambundji (S) 7’’22.

Demi-finales. Dames. 800 m: 1. Selina Büchel (S) 2'01''92. 2. Anita Hinriksdottir (Isl) 2'02''31. 3. Jenny Meadows (GB) 2'02''40.

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