Opinion

Même si c’est déplaisant, il est de mon devoir de vous le dire sans ambiguïté: vous n’êtes pas intelligent. Oui, vous qui lisez ces lignes. Et si vous vous plaisez à le penser, de grâce, renoncez à cette croyance avant qu’elle n’ait fait trop de dégâts! Ce conseil d’ami émane en réalité de la recherche en psychologie, en particulier des travaux de Carol Dweck, professeure à l’Université de Stanford. La logique en est toute simple: si vous vous considérez comme intelligent, vous devrez le prouver en permanence. La moindre erreur, lacune de connaissance ou mauvaise décision de votre part risque de mettre à mal cette belle image. Par conséquent, vous allez fuir les situations où un tel désaveu pourrait se produire. Plutôt que de chercher à apprendre et à améliorer votre compréhension, vous allez investir vos ressources intellectuelles pour défendre ce paraître.

Carol Dweck et son équipe ont mis en lumière ce phénomène de manière simple et élégante. Par exemple, ils ont rassemblé des enfants auxquels ils ont soumis des énigmes et autres problèmes faciles à élucider. Certains d’entre eux se sont vu féliciter pour leur intelligence, alors que les autres ont été gratifiés de compliments quant à leurs efforts et leur travail. Dans une deuxième phase, tous les enfants ont reçu de nouveaux casse-tête, mais cette fois insolubles.

Que s’est-il passé? Les sujets prétendument intelligents ont renoncé plus vite que les laborieux. De plus, leur humeur en a été davantage affectée. Ils diront plus tard: «En fait, c’est faux. Je ne suis pas intelligent. Je suis nul. La preuve, je n’ai même pas réussi à résoudre le problème…»

D’autres expériences ont montré que les enfants vantés pour leur intelligence optaient, lorsqu’ils en avaient le choix, pour des problèmes faciles, sans aucun défi. De même, ils rechignent à demander de l’aide et préfèrent ne pas s’impliquer plutôt que de commettre des erreurs. Ils font en sorte d’éviter les situations qui pourraient mettre à mal leur statut en démontrant à la face du monde qu’ils ne sont pas réellement doués. Rien de tel chez ceux qui valorisent l’effort et l’apprentissage. Pour eux, les situations difficiles sont autant d’occasions d’apprendre et de s’améliorer.

Vous l’avez compris: il y a un piège à se considérer comme intelligent. Ce qui ne veut pas dire qu’il est préférable de se percevoir comme une personne stupide. Je vous invite plutôt à vous voir comme un apprenant, c’est-à-dire à adopter un état d’esprit de développement. Vous vous autoriserez ainsi à commettre des erreurs, la matière première indispensable à tout apprentissage, et à demander de l’aide autour de vous.

Je vous invite dès lors à bannir l’adjectif «intelligent» de votre langage pour qualifier les gens. Si ce n’est pour vous, faites-le au moins pour les enfants!