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«Passer pro reste mon objectif»

A 23 ans, Florian Chenaux pédale dans la cour des grands. Malgré la concurrence, il croit en ses chances

Florian Chenaux progresse continuellement mais il doit maintenant gagner en régularité. © Charly Rappo
Florian Chenaux progresse continuellement mais il doit maintenant gagner en régularité. © Charly Rappo

François Rossier

Publié le 09.07.2016

Temps de lecture estimé : 7 minutes

VTT » «La vie est un éternel recommencement.» Utilisée à toutes les sauces, la formule a perdu de son sens, mais elle sied particulièrement bien à la carrière de Florian Chenaux. Depuis son arrivée dans le monde du VTT, il y a une dizaine d’années, le Fribourgeois a pris la bonne habitude de côtoyer la crème de la crème. Chez les cadets, où il s’est souvent approché du podium. En juniors, lorsqu’il s’est hissé aux portes du top 20 mondial. Dans la catégorie amateur, qu’il a remportée en 2012. Puis chez les moins de 23 ans, où l’an passé, il a réussi des top 15 mondiaux et décroché une brillante médaille d’argent lors des championnats de Suisse. A chaque étape, Florian Chenaux a eu besoin d’un temps d’adaptation, mais à chaque fois, il a su travailler pour combler son retard et tirer son épingle du jeu quelques mois plus tard.

A 23 ans, le voilà aujourd’hui dans la cour des grands. Sur les manches de la Coupe du monde, il pédale désormais en même temps que Nino Schurter et Julien Absalon. Le saut est important. «L’effort est quasiment identique à celui que je fournissais lors des dernières saisons, mais la concurrence est beaucoup plus forte. Chez les M23, il n’y a que quatre années de naissance. En élite, tout le monde est là», résume-t-il.

«Les places sont chères»

Cette rude concurrence se ressent à la lecture des résultats de cette saison. 68e à Albstadt (All) et 85e à La Bresse (Fr), Florian Chenaux finit très loin des meilleurs, mais il ne s’en inquiète pas. «Je ne m’attendais pas à avoir des résultats dès cette année, rappelle-t-il. J’ai augmenté ma charge d’entraînement. Je tourne désormais à 16-17 heures hebdomadaires. J’étais encore un peu plus haut durant l’hiver, quand j’ai eu la chance de participer à plusieurs camps d’entraînement avec les meilleurs Suisses. J’en ai fait beaucoup pour être à niveau. Mon corps a eu un peu de peine à assimiler ce changement. J’ai ressenti de la fatigue ce printemps, mais maintenant je me sens beaucoup mieux.»

Une fatigue qui s’explique aussi par sa situation professionnelle. Alors que la plupart de ses adversaires se consacrent à 100% au VTT, lui exerce, trois matins par semaine, son métier de menuisier. Un boulot qui n’est pas de tout repos. «Tant que je ne peux pas vivre du vélo, je suis obligé de travailler à côté. Mais je ne me plains pas. Je suis heureux de ce que je fais. J’ai beaucoup de temps pour m’adonner à ma passion. C’est un luxe que j’apprécie», lâche le jeune homme.

Si la situation actuelle lui convient, Florian Chenaux ne serait pas contre un changement de statut. «Passer pro reste mon objectif, avoue-t-il. Mais ce n’est pas évident...» Moins riche que le cyclisme sur route, le VTT fonctionne avec des équipes beaucoup plus petites. «Il n’y a que des leaders, rappelle le Fribourgeois. Les équipes ne déboursent pas un salaire pour des équipiers. Il faut donc obtenir des résultats.» Le refrain est connu. Alain Glassey, manager de l’équipe GS Sportswear Bergamont Mathieu SA dans laquelle évolue Florian Chenaux, ne tarit pas d’éloges sur son protégé. «Florian sait se donner des objectifs et les tenir. Il a vraiment une chance de réaliser son rêve, mais les places sont chères. En Suisse, il n’y a que dix, douze places. Et quand on enlève celles attribuées aux top coureurs (il y a quatre Suisses dans les huit premiers mondiaux, ndlr) et aux jeunes talents, il n’en reste plus beaucoup...»

Briller l’an prochain

Malgré les années qui défilent, Florian Chenaux sait faire preuve de patience. «Les meilleurs pilo-
tes ont tous autour de la trentaine. Je n’ai que 23 ans. J’ai vu sur plusieurs courses que j’avais le niveau, mais la gestion d’un effort intense d’une heure et demie demande beaucoup d’expérience. Pour l’heure, je n’ai pas ma place dans une structure professionnelle», avoue-t-il humblement.

Pour forcer les portes de son destin, le Fribourgeois compte beaucoup sur les prochains rendez-vous. A commencer par celui de ce dimanche à Lenzerheide, lors de la seule manche mondiale sur sol helvétique. Il se focalisera ensuite sur les championnats de Suisse à Echallens le week-end suivant. «Je progresse chaque année. J’ai plus de puissance. Je me sens aussi plus à l’aise dans les montées raides, celles à plus de 20 %, mais maintenant je dois gagner en régularité», estime le biker du VC Fribourg, qui compte tout de même deux top 10 suisses cette saison avec une 
5e place en avril à Buchs et une 7e en juin à Lostorf.

Encourageant, mais pour l’heure insuffisant. Le jeune homme ne s’affole pas. Il observe, il enregistre, il travaille et il progresse. Gentiment mais sûrement. «Florian a un gros potentiel, assure l’entraîneur national Bruno Diethelm. Pour le développer, cela demande du temps. Il doit se montrer patient. L’année prochaine sera décisive pour trouver une équipe pro en 2018.»

Florian Chenaux aura alors 
25 ans. Et encore plusieurs belles années devant lui.

*****

 

Comme Peter Sagan au départ des Jeux Olympiques

La puissance, la technique, le souffle, le mental, autant d’aspects qui sont déterminants à VTT. La place sur la grille de départ n’est pas négligeable non plus. Appelés dans l’ordre du classement mondial, les pilotes situés au-delà du top 30 se retrouvent vite coincés quand la route se rétrécit et ont ainsi bien peu de chance de venir pédaler aux côtés des meilleurs. Demain lors de la manche Coupe du monde de Lenzerheide, Florian Chenaux s’élancera aux alentours de la 90e place. Finir dans le top 50 constituerait déjà une jolie performance pour le Fribourgeois, qui récolterait ainsi de précieux points pour le classement UCI. Et donc une meilleure place au départ de la prochaine course. La hiérarchie planétaire n’est toutefois pas facile à bousculer. Champion du monde sur route et récent maillot jaune au Tour de France, Peter Sagan en fera l’expérience en août prochain lors de la course VTT aux Jeux olympiques de Rio. Sans point UCI dans cette discipline, le Slovaque partira loin derrière. Beaucoup s’interrogent sur ses capacités à venir chatouiller le trio magique: Nino Schurter - Julien Absalon - Jaroslav Kulhavy. Le champion du monde grison met fin au suspense: «J’imagine qu’il sera bien préparé mais je ne pense pas qu’il pourra venir jouer aux avant-postes. Il va partir loin derrière avec un gros numéro. Même Julien, Jaro ou moi, si nous partions d’aussi loin, nous n’arriverions pas à aller chercher une médaille.» Une analyse et un ton péremptoires qui permettent de nuancer les résultats de tous ces viennent-ensuite qui rêvent de gloire en pédalant dans l’ombre. FR

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