Des animaux, des paysages, des fruits ou des acteurs célèbres. On trouve de tout sur les couvercles des crèmes à café. Mais un dictateur nazi? Un client d’un restaurant de Baden (AG) a bien failli en renverser son café. Il a eu la mauvaise surprise de découvrir l’image d’Hitler sur l’opercule de son pot de crème, indiquait hier le quotidien gratuit «20 minuten». Environ 2000 dosettes à l’effigie d’Hitler, mais également de Mussolini, ont été produites par le groupe Elsa, basé à Estavayer-le-Lac. Celles-ci ont été distribuées dans une centaine de restaurants en Suisse alémanique.

«C’est un incident impardonnable», regrette Tristan Cerf, porte-parole de Migros - propriétaire d’Elsa - qui répond en son nom. «Un tel motif n’aurait jamais dû apparaître sur des produits de notre distribution et nous nous en excusons.»

Comment une telle bourde a-t-elle pu se produire? Elsa, qui fabrique des godets de crème pour différentes entreprises, a reçu une commande de la maison bernoise Karo Versand Sàrl. Spécialisée dans la commercialisation de godets de crème pour les collectionneurs, celle-ci a commandé des opercules représentant des bagues de cigares. Cette série met en scène 55 personnages importants de l’histoire contemporaine. Parmi ceux-ci figurent les portraits d’Hitler et de Mussolini.

«Pas problématique»

«Ce n’était pas intentionnel», assure Peter Rothenbühler, codirecteur de Karo Versand Sàrl. «Aucun collectionneur qui a commandé la série n’a fait de remarque.» Son collègue à la direction de l’entreprise, Peter Wälchli, a quant à lui déclaré dans différents médias que les opercules incriminés n’étaient «pas problématiques». «Ces propos sont inacceptables», réagit Tristan Cerf. «Nous avons décidé de nous distancier de cette entreprise et de rompre immédiatement toute relation commerciale avec elle.»

Vérification insuffisante

Karo Versand Sàrl envoyait à Elsa des images déjà imprimées. La filiale staviacoise de Migros collait ensuite mécaniquement les photos sur les dosettes de crème à café. «Une fois que la machine est lancée, il est trop tard pour faire un contrôle», commente le porte-parole de Migros. «Il aurait dû y avoir une vérification en amont, mais celle-ci n’a pas été suffisante. On ne se méfiait pas assez. Les images des crèmes à café sont généralement inoffensives. Il n’y avait jamais eu de problème jusqu’à présent.»

Elsa a plusieurs clients qui commandent des godets de crème. Normalement, les motifs sont élaborés en collaboration avec les entreprises et imprimés à Estavayer-le-Lac. Le contrôle est alors systématique et Elsa refuse d’imprimer toute image violente ou à caractère sexuel notamment. Karo Versand Sàrl était la seule à produire elle-même ses images.

Contrôles renforcés

Les dosettes de mauvais goût ont été livrées via le fournisseur Lüchinger +Schmid SA dans les cantons de Glaris, des Grisons, de Zurich, d’Argovie ainsi qu’au bord du lac de Walensee. «Tous les produits de cette série ont été retirés de la circulation dès que nous avons remarqué ce qu’ils représentaient», assure Tristan Cerf. «Nos contrôles seront renforcés à l’avenir afin qu’un incident de ce genre ne se reproduise plus.» 

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Une erreur qui soulève beaucoup de questions

Secrétaire général de la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD), Johanne Gurfinkiel ne comprend pas comment Migros a pu produire des dosettes de crème à café à l’effigie d’Hitler et de Mussolini. «Je ne pense pas que Migros a voulu faire de la propagande nazie, mais il s’agit d’une énorme maladresse», commente-t-il. «Je trouve incroyable de retrouver des assassins notoires, coupables de crimes contre l’humanité, sur des petits pots de crème à café.»

Même s’il s’agit d’une erreur, elle soulève de nombreuses questions. «Je suis atterré de voir qu’au niveau de la production, personne ne s’est interrogé», continue Johanne Gurfinkiel. «On arrive à diffuser ces images sans même se demander qui sont ces personnages. Est-ce à cause de la mécanisation? Est-ce un problème de culture historique? J’ai pourtant du mal à imaginer que, de nos jours, on ne reconnaît pas ces personnages.»

La CICAD n’a pas l’intention de porter plainte, mais estime que les excuses de Migros sont légitimes. «C’est la moindre des choses», souligne Johanne Gurfinkiel. «Je ne crois pas en une manœuvre délibérée mais il y a certainement eu un gros problème au niveau du contrôle.»