La Liberté

Quelques préfectures très disputées

En Veveyse, en Broye et en Singine, les élections seront très ouvertes. En Sarine un peu moins

Les préfectures de la Veveyse (haut), de la Singine (bas, g.) et de la Broye (bas, dr.) suscitent bien des convoitises. © Murith/Aeberhard/Wicht
Les préfectures de la Veveyse (haut), de la Singine (bas, g.) et de la Broye (bas, dr.) suscitent bien des convoitises. © Murith/Aeberhard/Wicht

PATRICK PUGIN

Publié le 06.11.2016

Temps de lecture estimé : 10 minutes

Canton » Longtemps qu’un tel suspense n’avait pas entouré l’élection préfectorale dans autant de districts. Les jeux sont en effet (très) ouverts en Veveyse, en Broye et en Singine: les sortants se retirent et les candidats se bousculent au portillon. Ils le sont également, dans une moindre mesure, en Sarine, où les blocs de droite et de gauche reproduiront à l’échelle régionale le duel qui occupera les prétendants au Conseil d’Etat.

Les enjeux de ces scrutins sont particulièrement importants pour le Parti libéral-radical (PLR). Plus petite des quatre grandes formations politiques fribourgeoises, il occupe une position paradoxalement dominante: ses magistrats régissent la Broye, la Singine, le Lac et une moitié de la Gruyère, l’indépendant Patrice Borcard ayant été élu avec le soutien conjoint du PLR et du Parti démocrate-chrétien (PDC). Président des libéraux-radicaux, Didier Castella reconnaît que sa formation est «bien représentée» au regard de sa force électorale (14,2% aux dernières élections fédérales). Il n’empêche, le PLR espère conserver sa place de numéro un dans les districts. Un dessein qu’il ne sera cependant pas facile de concrétiser.

Car la concurrence promet d’être rude. En première ligne, on trouve un PDC avide de regagner l’un ou l’autre des châteaux perdus au fil des ans. S’il détenait encore sept préfectures en 1991, le parti n’en comptait plus aucune en 2008, année qui vit la Sarine basculer dans le giron socialiste. Le PDC avait dû attendre 2010 pour voir Willy Schorderet hisser – sans combattre, faute d’adversaire – le drapeau orange sur le donjon romontois.

Les démocrates-chrétiens seront, cet automne, en mode conquérant, ne cache pas leur président André Schoenenweid: «Nous mettrons tout en œuvre pour prendre les trois préfectures qui se libèrent.»

L’UDC joue gros

L’Union démocratique du centre (UDC), pour sa part, joue gros. Objectif prioritaire: conserver «sa» préfecture de la Veveyse, que la formation occupe depuis 1980. Mais avec quatre prétendants sur les rangs, «ce sera un challenge», reconnaît Roland Mesot, président de l’UDC cantonale. Qui estime par ailleurs avoir une carte à jouer en Singine, où son parti affiche une constante (et importante) progression.

Côté socialiste enfin, la reconduction du mandat de Carl-Alex Ridoré à la tête de la préfecture sarinoise sera la mère de toutes les batailles. «Il peut s’appuyer sur un bon bilan et a encore quelques gros dossiers à conduire», expose Benoît Piller, président du PS fribourgeois. Dans les autres districts – où la sensibilité bourgeoise est largement majoritaire –, le parti à la rose n’a a priori pas grand-chose à espérer. Reste que, vu les divisions à droite, le PS pourrait bien s’inviter au deuxième tour en Veveyse et en Broye.

A quelque 70 jours de l’échéance, analyse des enjeux dans chacune des préfectures disputées. Dans le Lac, en Glâne et en Gruyère, les trois sortants ne seront pas inquiétés.

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Une partie serrée se jouera en Veveyse, bastion UDC

Sarine Acquise en 2008, elle est la seule préfecture en mains socialistes. Et son titulaire, Carl-Alex Ridoré, entend bien prolonger son bail au 51 de la Grand-Rue. Il a de fortes chances d’y parvenir, la Sarine – la ville de Fribourg et sa grande ceinture du moins – étant bien arrimée à gauche. Il bénéficiera en outre de la traditionnelle prime au sortant.

Mais la partie pourrait être plus serrée qu’on ne le pense. Car si elles jouent leur propre partition dans les autres districts, les formations bourgeoises ont décidé d’unir ici leurs forces pour barrer la route de Ridoré. PDC, PLR, UDC et PBD ont en effet rallié l’indépendant Adrien de Steiger (qui fut candidat au Grand Conseil en 1996 sous la bannière UDC).

Mathématiquement, l’ancien syndic d’Autafond a ses chances. Aux dernières élections fédérales, les quatre partis qui le soutiennent ont récolté en Sarine plus de 55% des suffrages (+8 points). Le PS et ses alliés, eux, reculaient de près de 6 points, à 40,4%.

Mais l’élection d’un préfet méprise la froideur des chiffres. Elle est d’abord une question de personnalité. Et même s’il ne fait pas l’unanimité – au sein des exécutifs communaux notamment –, Ridoré jouit d’une grande popularité. Ce dont ne peut se targuer son rival.

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Veveyse Depuis 36 ans, le locataire du château de Châtel-Saint-Denis est un démocrate du centre. A Bernard Rohrbasser a succédé, en 1998, Michel Chevalley. Ce dernier tirant sa révérence, l’UDC met en jeu son unique préfecture.

La partie promet d’être serrée. Quatre candidats sont aux prises: Eric Berthoud (udc), les députés Gaétan Emonet (ps) et Yvan Hunziker (plr) et l’ancien syndic de Granges François Genoud (pdc). Ballotage général assuré au soir du premier tour. Mais qui opposera-t-il au second?

La Veveyse, depuis toujours, est un bastion UDC. Aux dernières fédérales, elle a enregistré 31,6% des suffrages (+4,4 points). Bien loin devant le PDC (20,9%) et le PLR (13,1%), en progression eux aussi. La domination des agrariens est encore plus large à Châtel-Saint-Denis où ils «pèsent» près de 35% des voix. La mathématique plaide ainsi pour leur présence au deuxième round de l’élection. Problème: Eric Berthoud est inconnu du grand public et n’a jamais occupé le moindre mandat électif.

PDC et PLR présentent des personnalités plus renommées. Mais les deux candidats chassent sur les mêmes terres de centre-droit… Cette battue pourrait ouvrir un boulevard à Gaétan Emonet. En Veveyse, bien qu’en recul de plus de 8 points, la gauche a réuni l’automne dernier près de 30% des suffrages. Assez pour être présent au second tour (pas pour l’emporter).

Autre élément à ne pas négliger: la ­capacité de nuisance des vaincus de la primaire PDC. Car si les règles du jeu étaient établies – les perdants devaient faire allégeance au vainqueur –, les aigreurs peuvent être tenaces…

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Singine La bataille pour la préfecture singinoise s’annonce elle aussi épique. Pour l’heure, quatre candidats se disputent le siège arraché en 2006 par l’indépendant Nicolas Bürgisser (membre du PLR depuis 2014): Andreas Freiburghaus (plr), Andreas Stalder (Electeurs libres), Albert Studer (pdc) et Markus Zosso (udc). Mais le bruit court qu’un indépendant va se lancer, et pas pour faire de la figuration. Le PS n’a pour sa part pas de candidat à présenter.

Il apparaît probable que le duel du deuxième tour opposera deux démocrates: l’un chrétien, l’autre du centre. PDC et UDC dominent en effet largement la vie politique singinoise. A moins que l’encore mystérieux indépendant ne joue effectivement les trouble-fête.

Battu en 2006 par Bürgisser, le PDC espère reprendre la préfecture de ce district où il reste solidement implanté. Mais la partie n’est pas gagnée. Car l’UDC progresse sans cesse sur cette terre germanophone: aux fédérales de l’an dernier, elle a fait un bond de 9,3 points, à 32,3%. Le PDC, de son côté, n’engrangeait «que» 25,8% des suffrages. C’est dire si, là encore, la personnalité des candidats sera déterminante. L’UDC a placé ses espoirs dans le député Markus Zosso, ancien vice-président du parti cantonal, âgé de 60 ans. Le PDC joue pour sa part la carte du «jeune» centriste: Albert Studer, 48 ans, vient en effet du centre-gauche (il a été député du Mouvement Ouverture), est passé chez les vert’libéraux avant de rejoindre les démocrates-chrétiens. Un profil susceptible de rassurer les socialistes.

Quant au conseiller communal de Planfayon Andreas Stalder et au syndic de Wünnewil-Flamatt Andreas Freiburghaus – peu connus – ils ne devraient guère interférer dans la bataille que se livreront UDC et PDC. PP

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Seux femmes favorites en Broye

La Broye sera, a priori, le premier district à donner au canton de Fribourg une préfète. Nadia Savary (plr) et Micheline Guerry-Berchier (pdc) partent en effet avec les faveurs de la cote.

La libérale-radicale peut faire valoir son expérience politique: conseillère communale, syndique, députée, présidente de l’Association des communes fribourgeoises (ACF)… Un excellent profil. Sa rivale démocrate-chrétienne n’est pas en reste: juriste, elle est secrétaire générale de l’ACF depuis treize ans. Autant dire qu’elle connaît parfaitement les affaires qui occupent les communes, l’un des principaux partenaires des préfectures. Elle peut en outre compter sur des soutiens de poids: l’ancien conseiller d’Etat Pascal Corminboeuf et l’ex-syndic d’Estavayer-le-Lac Albert Bachmann.

Au niveau des chiffres, avantage à la candidate du PDC, qui a engrangé 24,2% des suffrages aux dernières fédérales, contre 14,1 au PLR. Mais c’est l’UDC qui était arrivé devant (27,5%, +3,7 points). On voit cependant mal son candidat, le peu connu Stéphane Mosimann, concurrencer les favorites.

Micheline Guerry-Berchier sem­ble ainsi la mieux placée pour l’emporter. Sauf qu’un obstacle pourrait se dresser sur sa route: Nicolas Kilchoer. D’abord pressenti pour défendre les couleurs du PDC, l’ancien président de la section broyarde – il a claqué la porte après avoir perdu la primaire – songerait à se porter candidat en indépendant. L’intéressé ne confirme, ni n’infirme. «J’y réfléchis», dit-il. S’il devait y aller, nul doute qu’il affaiblirait son ancienne collègue de parti.

Et le socialiste Maurice Bourqui dans tout ça? L’ancien député (1996-2001) et actuel conseiller général d’Estavayer-le-Lac (il est candidat à l’exécutif de la commune fusionnée le 25 septembre prochain) se tient en embuscade, prêt à jouer un mauvais coup aux deux favorites. Comprenez: se hisser au second tour. Une issue qui n’est pas totalement farfelue, la gauche ayant rassemblé près de 28% de l’électorat broyard lors des dernières fédérales. Pas farfelue certes, mais hautement aléatoire. D’autant qu’à l’instar du candidat de l’UDC, Maurice Bourqui n’est guère connu.

PP

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