Réseaux sociaux » C’est l’histoire de Jean-Pierre Macherel (dit Bob), employé communal à Morlon. Chaque été depuis dix ans, il ramasse les déchets sauvages éparpillés sur les rives du lac de la Gruyère. Mardi, il a décidé de vider son sac dans une vidéo dénonçant le manque de respect de certains usagers des berges. Dans une séquence de près de deux minutes, il pointe du doigt le comportement des adolescents qui se réunissent sur la presqu’île de Morlon afin de fêter la fin des cours, puis abandonnent derrière eux une montagne de saletés au moment de partir.

Des panneaux de sensibilisation ont pourtant fleuri un peu partout sur le sentier du lac. Rien à faire: le phénomène ne faiblit pas. Face à ce constat, Bob Macherel se dit «fatigué». A la limite de l’énervement, il s’adresse directement aux parents des fautifs. «Nous avons tous des ados. Nous devons avoir le courage d’aller voir où ils étaient et de constater la merde qu’ils ont laissée», affirme le père de famille en fixant la caméra. Il filme ensuite les détritus jonchant le sol: bouteilles vides ou pleines, restes de nourriture, gril en aluminium et emballages en tous genres.

Plus de 100'000 vues

Posté sur Facebook puis sur YouTube, son coup de gueule a été visionné plus de 100'000 fois en moins de 48 heures. Au total, la vidéo a été partagée par plus de 2700 internautes de toute la Suisse romande. «Ma fille m’a conseillé de la rendre publique. C’est là que le compteur de vues s’est mis à s’affoler», raconte le Gruérien, qui se dit surpris et content de la diffusion rapide de son message.

Depuis la publication de la vidéo sur sa page personnelle, les réactions de soutien se multiplient. Celui qui gère avec son épouse la buvette des Laviaux, située à la pointe de Morlon, n’a cependant pas attendu de partager son avis sur les réseaux sociaux pour faire de la prévention. En effet, cela fait des années qu’il part à la rencontre des vacanciers, chaque soir de beau temps, afin de les sensibiliser à la problématique des déchets.

Une deuxième vidéo

Mal à l’aise dans le rôle du gendarme, il préfère responsabiliser ses interlocuteurs. «En été, le site est envahi. Quand il y a des soupers de classe, c’est parfois l’anarchie totale. Mais c’est un problème saisonnier. Nous pouvons agir grâce à des actions simples et ponctuelles», assure l’employé communal, qui se dit au service de la collectivité mais en a marre d’entendre que «des gens sont payés pour nettoyer». Car, selon lui, le respect de l’environnement reste avant tout «une question d’éducation».

Fervent défenseur du dévelop­pement durable, Bob Macherel constate avec satisfaction que sa vidéo porte déjà ses fruits. Hier matin, le site était propre. La veille, le Morlonais a remarqué la présence d’adultes sur la presqu’île. Ces derniers sont descendus de leurs voitures pour aller chercher leurs enfants munis de sacs-poubelle. «Je ne crois pas que ce soit une coïncidence», sourit-il. Dans une nouvelle vidéo publiée durant la journée, il a tenu à les remercier: «Un petit geste de chacun et c’est nickel! Tout le monde est content.»

*****

 

Spontanée et pédagogue, une vidéo qui fait mouche

Le problème des déchets sauvages? Aux alentours du lac de la Gruyère, il existe depuis toujours, déplore Bob Macherel. «Mais avant, les gens ne les voyaient pas, ils étaient moins à découvert», précise celui qui s’occupe de l’entretien des rives depuis plus d’une décennie. La veille de son coup de gueule, le Morlonais avait discuté avec le groupe de jeunes qui a laissé traîner les ordures filmées dans sa vidéo: «Ils m’ont dit qu’ils allaient tout reprendre avec eux, mais ils ne l’ont pas fait. J’ai alors filmé cette vidéo du tac au tac.» Résultat, son contenu est devenu viral sur Facebook en à peine douze heures.

Selon Olivier Glassey, professeur à l’Université de Lausanne, la spontanéité de la démarche explique en partie son succès. «C’est beaucoup mieux qu’un coup de gueule, c’est plus subtil. Cet employé communal se fait l’ambassadeur de tous ceux qui ont déjà vécu ce genre de situation», affirme le spécialiste des réseaux sociaux. Et d’ajouter: «Sa vidéo n’est pas dénonciatrice, elle a un objectif pédagogique. Comme il s’adresse directement à la caméra, les spectateurs sont pris à partie. Il y a un sentiment de proximité.»

Le charme de la séquence réside dans son authenticité, mais aussi dans le ton utilisé par son auteur. «Son énervement est difficilement contenu mais il reste maîtrisé. Son message est à la fois clair et ferme. C’est ce qui donne envie aux gens de partager son opinion», détaille Olivier Glassey. D’après lui, tout un chacun peut s’identifier au fond et à la forme de cette vidéo. Une vidéo qu’il compte à son tour diffuser sur les réseaux sociaux. FB