La Liberté

Le Gruyère à la conquête des Etats-Unis

Marketing • Jusqu’au 28 juin, le Gruyère AOP organise une vaste opération de séduction à New York. L’objectif est clair: faire la promotion du fromage à pâte dure sur un marché hautement stratégique mais très complexe. Le point avec Philippe Bardet, directeur de l’Interprofession du Gruyère AOP. Interview.

Directeur de 
l’Interprofession du Gruyère AOP, Philippe Bardet 
est à New York depuis le début 
de la semaine. 
La Confrérie le rejoint aujourd’hui. © Vincent Murith
Directeur de 
l’Interprofession du Gruyère AOP, Philippe Bardet 
est à New York depuis le début 
de la semaine. 
La Confrérie le rejoint aujourd’hui. © Vincent Murith

Jérémy Rico

Publié le 23.06.2016

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Dès aujourd’hui et jusqu’au 28 juin, le Gruyère AOP organise une vaste opération de séduction à New York. Un voyage de cinq jours, auquel participera «La Liberté», invitée par l’Interprofession du Gruyère AOP et la compagnie aérienne Swiss.

Au programme du périple: l’intronisation de quarante nouveaux membres de la confrérie, mais surtout la tenue de deux stands aux couleurs du fromage. Le premier chez Whole Foods, un grand supermarché new-yorkais, le second au Fancy Food Show, une grande foire alimentaire réservée aux professionnels.

- Quelle importance a le marché américain pour le Gruyère AOP?

Philippe Bardet: Les Etats-Unis sont un marché important, stratégique comme tous nos marchés d’exportation. En 2015, nous y avons exporté plus de 3000 tonnes de fromage, ce qui en fait le premier pays importateur de Gruyère AOP, devant l’Allemagne. Les Etats-Unis font partie de notre palette d’exportations depuis les années 1950 ou 1960. Pendant longtemps, le système de quotas a été un problème pour nous.

Au début des années 2000, nous avons trouvé un biais qui nous a permis d’augmenter nos quotas. Nous avons aussi profité de la baisse d’importance de l’Emmental sur ce marché. Actuellement, le marché est en dents de scie. Il y a eu moins de commandes en début d’année, parce que les entrepôts américains sont en surstock. Les stocks vont se lisser maintenant. Les Etats-Unis seront toujours un marché porteur, à moins que d’autres problèmes apparaissent.

- Quel genre de problèmes?

D’abord, les normes sanitaires. Par exemple, à un moment, les Etats-Unis parlaient d’interdire l’utilisation de bois dans les caves à fromage. Mais nous avons réussi à leur prouver que cela ne posait pas de problème.

- Le projet de traité de libre-échange transatlantique entre l’Europe et les Etats-Unis (Tafta) pourrait-il aussi être un frein à la vente de Gruyère AOP?

C’est un problème que l’on rencontrera peut-être à l’avenir. Cet accord représente deux dangers pour nous. Les Etats-Unis souhaiteraient la non-reconnaissance des appellations d’origine protégées. C’est mauvais pour le Gruyère AOP, mais nous comptons sur les pays de l’Europe, notamment la France, l’Italie et l’Espagne pour ne pas lâcher sur ce point. L’autre danger concerne le système de quotas. Si l’accord de libre-échange permet à l’Europe de faire entrer plus de marchandises, la part des pays qui ne font pas partie de l’accord diminuera. C’est déjà le cas par exemple au Canada.

- Aux Etats-Unis, le Gruyère doit aussi se battre pour protéger son nom, synonyme de ­«fromage» pour bon nombre de consommateurs.

C’est vrai. Aux Etats-Unis, le mot «gruyère» est souvent utilisé à mauvais escient, même si cela se fait en accord avec la législation. Dans les magasins, on trouve du fromage américain sous le nom de «domestic gruyère». Il y a même une association pour la défense des noms communs qui se bat pour faire du gruyère un nom générique équivalent de «fromage». Ce que nous contestons.

- Comment vous battez-vous sur ce tableau?

Nous avons obtenu une protection de notre logo. Le mot «gruyère» par contre, n’est qu’en partie protégé, parce qu’il figure dans le logo. Nous avons entamé des démarches de protection renforcées pour le terme «gruyère» avec l’aide des instances du Gruyère français IGP. Les démarches pour protéger notre logo ont duré six ans.

- Ce flou avait également provoqué la saga du gruyère américain en 2012, lorsque Emmi avait annoncé vouloir fabriquer un fromage sous ce nom aux Etats-Unis, avant de se rétracter sous la pression. Où en est ce dossier?

Nous avons conclu un bon accord en 2012 avec Emmi, qui a arrêté toute utilisation du nom «gruyère» pour son fromage américain. Il s’appelle dorénavant «Grand Cru». Cette affaire n’a pas eu de conséquences sur nos ventes, mais elle n’a pas été facile à vivre pour les deux parties.

- Quelle a été votre contrepartie dans cet accord?

Nous nous sommes engagés à lancer des démarches de publicité et de marketing plus importantes aux Etats-Unis. Le voyage de la confrérie s’intègre dans cette démarche. L’intronisation nous permettra de remercier et d’encourager des gens qui sont actifs dans la vente du Gruyère AOP aux USA. Le but de ce voyage est de mettre en avant le Gruyère AOP sur le territoire américain, et plus particulièrement chez Whole Foods et au Fancy Food Show, une foire à laquelle nous participons depuis cinq ans déjà.

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Investissement de 1,6 million de francs

Les premières campagnes du Gruyère AOP aux Etats-Unis ont été menées en 2014, deux ans après l’accord conclu avec Emmi. En 2015, l’Interprofession a investi 1,6 million de francs pour faire sa publicité sur le marché américain. Un montant comparable à ceux investis en Allemagne et en France, les autres marchés d’exportation privilégiés du Gruyère AOP.

«Ces montants paraissent importants, mais ils sont inférieurs à ceux investis par d’autres fromages industriels», précise Philippe Bardet, directeur de l’Interprofession. Sur la somme consacrée aux Etats-Unis, la moitié a été financée par la Confédération via une aide pour la promotion des produits suisses sur les nouveaux marchés courant jusqu’en 2017.

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