La Liberté

Dans la peau d’un réfugié

Fribourg • Lors de la Journée mondiale des réfugiés, un jeu de rôle a permis au public d’appréhender le vécu de certains demandeurs d’asile.

Cinq groupes de volontaires ont participé au jeu de rôle dans la cour du collège St-Michel. © Alain Wicht/La Liberté
Cinq groupes de volontaires ont participé au jeu de rôle dans la cour du collège St-Michel. © Alain Wicht/La Liberté
Le scénario du jeu de rôle a été conçu par l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés. © Alain Wicht/La Liberté
Le scénario du jeu de rôle a été conçu par l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés. © Alain Wicht/La Liberté
Miliciens agressifs, passeurs avides de gains, policiers hostiles, rien ne sera épargné aux réfugiés d’un jour. © Alain Wicht/La Liberté
Miliciens agressifs, passeurs avides de gains, policiers hostiles, rien ne sera épargné aux réfugiés d’un jour. © Alain Wicht/La Liberté
Les participants au jeu de rôle organisé samedi au Collège Saint-Michel sont passés par des situations délicates. © Alain Wicht
Les participants au jeu de rôle organisé samedi au Collège Saint-Michel sont passés par des situations délicates. © Alain Wicht
Les réfugiés arrivent dans un camp géré par l'ONU où les épreuves ne sont pas finies. © Alain Wicht/La Liberté
Les réfugiés arrivent dans un camp géré par l'ONU où les épreuves ne sont pas finies. © Alain Wicht/La Liberté

Marc-Roland ZOellig

Publié le 22.06.2015

Temps de lecture estimé : 5 minutes

L’histoire commence dans un village anonyme, à la veille du carnaval. Mais pétarade ne rimera cette fois pas avec rigolade. Le scénario du jeu de rôle conçu par l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), auquel ont pris part samedi plusieurs groupes de volontaires à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, place les participants dans la peau de citoyens ordinaires chassés de leur environnement par la guerre. Le but de cette simulation, mise sur pied par d’anciens réfugiés avec le concours de collaborateurs de l’OSAR, est de faire comprendre au public helvétique ce qu’ont dû traverser certaines personnes sollicitant l’asile en Suisse.

Les organisateurs avaient donné rendez-vous aux premiers participants à 8 h dans la cour du Collège Saint-Michel. Plus d’une vingtaine de personnes - dont une grande majorité de femmes - a répondu à cet appel matinal, quatre autres groupes de volontaires leur succédant ensuite jusqu’au soir. Kaïs Fguiri, coordinateur du projet, commence par un avertissement: si les choses deviennent insupportables, il est possible à tout moment de quitter le jeu. Il faut dire qu’entre miliciens agressifs et intimidants, passeurs âpres au gain, fonctionnaires corrompus, policiers locaux hostiles et coopérants déphasés paraissant débarquer d’un Starbucks, rien ne sera épargné aux réfugiés d’un jour.

Familles éparpillées

Après avoir été répartis aléatoirement en familles, chaque participant endossant un rôle prédéfini au sein de la maisonnée, on se bande les yeux avant que les animateurs n’éparpillent tout le monde aux quatre coins de la place. Premier défi: retrouver les siens à l’aveuglette après un simulacre de bombardement ponctué de hurlements, de sirènes et de rafales de fusils. Deux participants abandonnent déjà.

Il s’agit ensuite de rassembler quelques affaires à la hâte, en les inscrivant symboliquement sur une feuille de papier faisant office de sac de voyage virtuel. Après quelques secondes de déroute éperdue, c’est l’embuscade. Des miliciens armés embarquent les fuyards, séparant les familles avant d’emmener tout le monde dans un sous-sol obscur où ils procèdent à des interrogatoires humiliants, prenant en otage une jeune fille et essayant de débusquer le leader de la petite communauté.

Difficile débriefing

Après moult péripéties impliquant des passeurs auxquels il faut remettre ses derniers objets de valeur, des douaniers corrompus jusqu’à l’os, le remplissage de documents administratifs rédigés dans un sabir incompréhensible, les rescapés arrivent finalement dans un camp de 30 000 personnes géré par les Nations Unies au Kurdistan. Tandis que certaines familles obtiennent d’être évacuées sur la base de critères totalement subjectifs, d’autres sont incitées à laisser partir leurs enfants seuls vers la sécurité ou sont condamnées à rester dans le camp, environné d’une population hostile. Ceux qui restent sont sommés de faire des efforts d’intégration. Fin du jeu.

Endossant plusieurs rôles de «méchant» dans la simulation, Najat Koshnaw a fui le Kurdistan irakien en 1997 pour échapper à la guerre civile et aux menaces. «Le plus difficile, ce n’est pas de jouer ces scènes. C’est plutôt le débriefing qui vient après, quand je raconte mon vécu aux participants», explique-t-il. «Mais c’est important de le faire.»

Un programme prisé

Mère de famille fribourgeoise ayant participé à l’expérience samedi, Marie-Paule a pu constater à quel point la famille joue un rôle central lorsqu’on traverse de telles situations. «On en vient presque à ne plus se préoccuper des autres.» Elle comprend aussi mieux le vécu et les réactions de certains jeunes ayant côtoyé ses enfants à l’école et qui ont subi des expériences traumatisantes de ce type.

C’est justement le genre de prise de conscience que souhaite susciter Kaïs Fguiri. «Depuis 1996, environ 50 000 personnes ont participé à ce programme», explique le coordinateur. Il a notamment été proposé à des élèves du secondaire 2 et des hautes écoles, mais aussi à des collaborateurs de l’Etat appelés à côtoyer des immigrants (protection civile, police…).

«Depuis quelques années, on constate toutefois en Suisse romande une demande croissante pour nos formations portant sur l’interculturalité et la communication avec des personnes issues d’autres cultures», remarque Kaïs Fguiri. «En Suisse alémanique en revanche, c’est toujours le programme de sensibilisation à l’asile qui est le plus sollicité.»

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Manif contre le racisme

Le collectif autonome des immigrés a aussi tenu à marquer la Journée mondiale des réfugiés en organisant, samedi, une marche pour l’égalité et contre le racisme ayant réuni une centaine de personnes à Fribourg. Les militants ont notamment dénoncé une politique migratoire internationale synonyme, selon eux, d’exploitation de main-d’œuvre en provenance de pays défavorisés par le système capitaliste. MRZ

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