La Liberté

Une Fribourgeoise brille à Hong Kong

Gastronomie • Cho-Yu Wu, apprentie cuisinière à la caserne de la Poya, à Fribourg, a récemment remporté deux médailles de bronze lors d’un prestigieux concours culinaire qui se déroulait à Hong Kong. Rencontre.

Cho-Yu Wua passé des mois derrière ses fourneaux pour s’entraîner pour le concours. Elle y a présenté une recette d’agneau et une autre
Cho-Yu Wua passé des mois derrière ses fourneaux pour s’entraîner pour le concours. Elle y a présenté une recette d’agneau et une autre
Rack d’agneau
Rack d’agneau
Rack d’agneau
Rack d’agneau
Vapeur de filet de barramundi
Vapeur de filet de barramundi
Vapeur de filet de barramundi
Vapeur de filet de barramundi

Christine Wuillemin

Publié le 10.06.2015

Temps de lecture estimé : 17 minutes

A l’annonce des résultats, Cho-Yu Wu n’en a pas cru ses oreilles. Pourtant, son nom a bien été prononcé par le chef juge du prestigieux concours international de cuisine de Hong Kong, le Hong Kong International Culinary Classic (HKICC). Seule Suissesse en lice sur une centaine de concurrents venus des quatre coins du monde, la Fribourgeoise de 24 ans venait de décrocher une médaille de bronze pour sa recette de rack d’agneau.

«ça a été une énorme surprise!», jubile la jeune femme qui effectue son apprentissage de cuisinière à la caserne de la Poya, à Fribourg. Mais la surprise ne s’est pas arrêtée là. Le lendemain, rebelote: une autre décoration, faite du même métal, consacre Cho-Yu au terme d’une seconde épreuve durant laquelle elle a dû apprêter un poisson plutôt rare en Suisse, du barramundi.

De retour à ses fourneaux au restaurant La Cène, où elle termine un stage de cinq semaines, Cho-Yu revient sur cette formidable expérience à faire pâlir les candidats de l’émission «Masterchef».

«Elle est douée»

«Ce concours a été à la fois intense, stressant et fantastique. Je ne suis pas près de l’oublier. J’y avais assisté une première fois, il y a deux ans, en tant que spectatrice. J’avais été très impressionnée par la technique des concurrents. Mais jamais je n’aurais pensé y participer un jour!», sourit Cho-Yu. Assis à ses côtés, son maître d’apprentissage Dominique Grandjean, habitué du concours pour lequel il a souvent officié en tant que juge. Convaincu du talent de la jeune femme, il lui organise régulièrement des stages auprès de restaurants réputés, en plus de sa formation de base à la caserne de la Poya. C’est lui qui a inscrit sa protégée à la compétition. A son insu.

«Je l’ai vue évoluer depuis deux ans et elle est douée. Mais le seul ennemi de Cho-Yu, c’est elle-même», explique Dominique Grandjean. «Ce concours culinaire est le plus gros d’Asie. Il suit des règles internationales et le niveau est très élevé. C’est une bonne école pour apprendre à gérer son stress. On y prend des baffes mais on bénéficie aussi de critiques constructives de la part de grands chefs», poursuit-il.

Le HKICC a lieu tous les deux ans, à Hong Kong, lors de l’HOFEX, une exposition sur les métiers de la bouche et de l’hôtellerie. Différents concours y sont organisés: pâtisserie, présentation de buffets, sculptures sur fruits, boucherie, etc. Autant de spectacles hauts en couleur et en saveurs que le public peut apprécier en direct. Des cordons-bleus issus d’une vingtaine de pays s’affrontent durant quatre jours. Cho-Yu a concouru avec les «apprentis et moins de 25 ans». Mais une simple inscription à ce grand raout ne suffit pas. Les recettes doivent encore passer l’épreuve des sélections quelques mois avant l’événement.

A cheval entre Suisse et Asie

Une fois la panique générée par son inscription surprise estompée, l’apprentie cuisinière se prend au jeu. Elle se lance, dès novembre, dans l’élaboration de deux menus dont les thèmes sont imposés. Le premier doit sublimer l’agneau et le second magnifier le barramundi. «L’idée était de trouver un concept d’assiettes à la fois raffinées et rapides à dresser. Je n’avais qu’une heure pour cuisiner le plat et le présenter sur trois assiettes. Il fallait donc gagner du temps lors de la mise en place», expose Cho-Yu.

Conseillée par son mentor, la jeune femme imagine pour la viande: un rack d’agneau servi dans son panier de brick (feuilles utilisées dans les rouleaux de printemps), jus au romarin, spätzlis à la moutarde de Meaux et mini légumes. Pour le poisson, ce sera vapeur de filet de barramundi farci, chutney d’agrumes, vongoles, pommes gaufrette et petits fenouils braisés. «Ce sont des recettes structurées dans lesquelles je joue avec les textures, les goûts et les couleurs. Pour l’agneau, par exemple, la viande tendre contraste avec le panier de brick croustillant et les légumes croquants», détaille la gastronome.

Spätzlis et panier de brick. Des ingrédients typiquement suisses, respectivement chinois que Cho-Yu n’a pas peur de marier pour le meilleur d’une cuisine métissée qui lui ressemble. «J’ai la chance d’être à cheval entre deux cultures», sourit-elle. Originaire de Hong Kong, elle est arrivée en Suisse à l’âge de deux ans, avec sa famille. Elle vit aujourd’hui à Bulle où ses parents tiennent un restaurant chinois depuis douze ans. C’est dans la petite cuisine de l’établissement que Cho-Yu s’est forgé ses premières armes. «J’ai commencé par faire la vaisselle à onze ans et, maintenant, je propose à mes parents des concepts de plats, surtout des desserts.»

«Je me suis éclatée»

Les recettes de Cho-Yu ont séduit les organisateurs du HKICC. En mars, elle apprend qu’elle est qualifiée et, début mai, elle s’envole pour Hong Kong. Dans ses bagages: des casseroles, des couteaux, des ustensiles et des aliments. «Sur place, nous n’avons qu’un four, un plan de cuisson et un lavabo à disposition. Et comme nous n’étions pas certains de trouver les bons ingrédients là-bas, nous avons tout emporté. Même les pommes de terre», s’amuse la jeune femme.

Le jour de l’épreuve, Cho-Yu est nerveuse mais fin prête. «Durant ces mois de préparation, je m’étais repassé tous les soirs, dans ma tête, le film des étapes de mes recettes pour qu’elles deviennent des automatismes», confie-t-elle. Mais à une heure du coup d’envoi, rien ne se déroule comme prévu. Ses casseroles ne fonctionnent pas sur les plaques à induction et le four n’a pas l’option cuisson vapeur. «Au lieu de paniquer, nous avons réfléchi à un système D. Nous nous sommes entraidés avec les candidats taïwanais et canadiens en nous prêtant les casseroles et j’ai cuit mon poisson à la vapeur dans des paniers de bambou», se souvient Cho-Yu.

Ces imprévus ne l’empêcheront pas de briller sur les deux jours d’épreuves. «Ça a été difficile à supporter physiquement et mentalement, mais je me suis éclatée», exulte-t-elle. Et d’ajouter: «Ce concours m’a encouragée à continuer dans ce métier qui est aussi mon hobby.» Plus tard, la jeune femme se verrait bien ouvrir son restaurant, sans pour autant courir après les étoiles, et s’investir pour les apprentis. Mais, pour l’heure, Cho-Yu garde les pieds sur terre: «Le plus difficile des concours sera mon examen de CFC, l’année prochaine.» 

*****

Rack d’agneau servi dans son ‘panier’ de Brick, jus au romarin, spätzli à la moutarde de Meaux  et mii légumes

 

Recette pour 3 personnes

Ingrédients :

500      g                    Rack  d’agneau frais
                                   Assaisonnement
15        g                    Beurre
5          g                    Purée de tomate
2          g                    Farine blanche
10        ml                  Vin rouge
200      ml                    Demi-glace
5          g                      romarin frais
2          paquets           Feuilles de Brick
30        g                      Beurre fondu
200      g                      Pâte à spätzli
40        g                      Moutarde gros grains de « Meaux »
30        g                      Beurre
80        g                      Carotte, poireau, céleri, oignons, ail – le tout lavé et pelé
9          pces                Carottes fanes BIO, lavées et pelées
18        pces                Haricots verts BIO, lavés
6          pces                Tomates cerises BIO, lavées
6          pces                Pâtissons BIO, lavés
10        ml                    Huile d’olive
30 ml                   Fond de légumes
50        g                      Lait entier, 3,5 % MG

Mise en place

  • Parer et gratter les racks d’agneaux et garder les parures pour faire la sauce.
  • Couper les 100 g de légumes en matignon.
  • Blanchir les tomates cerises à l’eau salée, refroidir, peler tout en laissant la mouche et réserver.
  • Blanchir les autres légumes à l’eau salée, refroidir, couper les pâtissons et réserver.
  • Faire les spätzli avec la passoire à spätzli, donner une ébullition, refroidir, et réserver sur du papier absorbant afin de leur sécher.
  • Faire les paniers de Brick, en superposant 3 couches de feuilles bien beurrées, les placer entre deux cercles afin de leurs donner une forme de panier, et cuire au four à 160 *C jusqu’à coloration brun clair, soit environ 6 minutes selon le type de four.
  • Chauffer légèrement le lait.

 

Préparation

  • Assaisonner la viande et colorer tous les côtés dans une poêle chaude.
  • Placer la viande au four à 125 *C, et cuire à la sonde jusqu’à ce que la viande atteigne une température de 57*C à cœur – environ 15 minutes selon le type de four.
  • Sortir la viande du four  et la laisser reposer.
  • Dans la poêle, sauter la matignon, ajouter la purée de tomate, déglacer au vin rouge, singer, ajouter la demi-glace et réduire la sauce d‘environ moitié – consistance sirupeuse. Ajouter le romarin au dernier moment afin de parfumer la sauce.
  • Sauter les spätzli au beurre et assaisonner.
  • Sauter les légumes dans une sauteuse avec l’huile d’olive et un peu de fond de légumes afin de las glacer.

Service / Dressage

  • Mixer le lait afin de le rendre mousseux.
  • Trancher la viande au dernier moment.
  • Dresser les spätzli dans les paniers et décorer avec la viande et les légumes de façon harmonieuse.
  • Placer le panier au centre de l’assiette.
  • Placer la sauce autour en forme de ‘goutte’.
  • Ajouter la  mousse de lait et envoyer immédiatement.

Bon appétit !

*****

Vapeur de filet de barramundi d’élevage farci, chutney d’agrumes, vongoles minute, pommes gaufrette et petit fenouil braisé

 

Recette pour 3 personnes

Ingrédients :

1          pce                  Barramundi entier, env. 900 g – 1 kilo (ou loup de mer)
Assaisonnement
10        ml                    Jus de citron
50        ml                    Crème entière 35 %
240      g                      Pomme de terre non farineuse pelée, type Charlotte
Sel
90        g                     Grapefruit pelé
90        g                      Pomelo pelé
20        g                      Citron vert pelé
90        g                      Orange pelé
Zeste des agrumes
15        g                      Coriandre fraîche
10        ml                    Huile d’olive
Sel, poivre, sucre
3          g                      Gingembre frais pelé
20        g                      Coulis de citron peu sucré
9          pces                Mini fenouil BIO
5          ml                    Huile olive
Assaisonnement
10        pces                Vongole / Palourdes
5          g                      Echalote pelé
1          g                      Thym
50        ml                    Vin blanc

Mise en place

  • Hacher et blanchir les zestes d’agrumes. Réserver sur du papier absorbant.
  • Tailler les pommes de terre en gaufrette avec la mandoline.
  • Rincer les pommes gaufrette à grande eau afin de retirer tout l’amidon – elles seront ainsi plus croustillantes!
  • Fileter le barramundi, et trancher les filets en 6 morceaux de grandeurs identiques, soit environ 75gr.
  • Avec le reste de la chair, faire une farce en y ajoutant la crème et l’assaisonnement.
  • Passer la farce au tamis fin afin de la rendre fine et onctueuse et ajouter les zestes d’agrumes hachés et blanchis.
  • Assaisonner les filets de poisson, placer la farce entre deux filets (la peau est à l’extérieur) et emballer les portions individuelles dans du papier cellophane.
  • Laver les vongoles et les réserver.
  • Couper tous les agrumes en segments, puis les couper en morceaux réguliers.
  • Hacher la coriandre et ajouter
  • Râper le gingembre et ajouter.
  • Blanchir le fenouil, refroidir et réserver.
  • Hacher l’échalote.

Préparation

  • Placer le poisson au four en programme vapeur, 80 *C, pour environ 12 minutes – selon le type de four. Aussi possible au cuiseur vapeur.
  • Mélanger délicatement le chutney, ajouter l’huile d’olive et assaisonner. Lier légèrement le chutney avec de la confiture d’agrume.
  • Chauffer gentiment le fenouil dans une sauteuse avec de l’huile d’olive et du jus d’agrume.
  • Dans un sautoir très chaud, ajouter l’huile d’olive, échalote, thym, vongoles, déglacer un vin blanc et cuire à couvert jusque les vongoles s’ouvrent, environ 1 minute. Réserver.
  • Frire les pommes gaufrettes, assaisonner et réserver.
  • ‘Monter’ les brochettes avec les pommes gaufrettes.

Service / Dressage

  • Placer le fenouil au centre de l’assiette, en les décalant un peu. Les brosser un peu avec je jus de cuisson afin de les rendre brillants.
  • Placer le poisson sur le lit de fenouil.
  • Napper de chutney d’agrumes.
  • Décorer les assiettes avec les vongoles cuites, parfumer avec de la confiture d’agrumes.
  • Placer la brochette, légèrement de biais afin qu’elle de prenne pas l’humidité du poisson, et envoyer immédiatement.

Bon appétit !

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