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Quand les charrettes dévalent les rues

CharmeyEquipées de phares, de porte-gourdes et de drapeaux, les vieilles gerbières à foin étaient de retour, ce week-end au village d’Enhaut, pour la traditionnelle course des charrettes en marge de la bénichon. Reportage.

Quelque 75 coureurs ont sué dans la joie ce week-end à Charmey. A gauche, le passage du virage qui amène son lot de dérapages plus ou moins contrôlés. © Alain Wicht
Quelque 75 coureurs ont sué dans la joie ce week-end à Charmey. A gauche, le passage du virage qui amène son lot de dérapages plus ou moins contrôlés. © Alain Wicht

Pierre Köstinger

Publié le 12.10.2015

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Avec leurs casquettes de cyclistes, sombreros, bandeaux ou cornes de vache sur le crâne, de drôles d’énergumènes attendent sur la place de la télécabine de Charmey. Rajoutant au mystère, alors que la nuit tombe sur la montagne, ils poussent et tirent de bien curieux engins en bois, semblant sortis tout droit d’un épisode de «La petite maison dans la prairie».

Samedi soir, quinze équipes attendaient impatiemment le départ de la 43e course des charrettes, qui a eu lieu ce week-end en marge de la bénichon. Le principe de cette joute sympathique est aussi simple qu’éprouvant: chaque équipe de cinq coureurs doit tirer une charrette à foin le plus rapidement possible, tout en gardant un membre assis sur l’engin en permanence.

«Ça n’a pas l’air comme ça, mais c’est extrêmement fatigant», commente Thibaud Remy, président de la Société de jeunesse de Charmey qui organise la manifestation. «Ce soir ont lieu les qualifications qui détermineront les huit premiers groupes qui se disputeront la finale dimanche.»

Un sport collectif

«C’est la première fois qu’on participe, on aurait dû mettre un «L» sur notre charrette», s’amuse Laurence sur le parking. Elle et ses quatre acolytes font partie du club d’athlétisme de Bulle. «Comme notre sport se pratique individuellement, l’idée était aussi de faire quelque chose ensemble», souligne l’une d’elles. «On verra si on arrive entières», sourit une autre.

Les charrettes à foins, constituées d’un essieu et de deux patins façon luge, sont mises à disposition par la société de jeunesse. Libre à chaque équipe d’améliorer ensuite l’engin. Alors que le quintet de filles a installé une paire de phares à l’avant, les garçons d’un groupe de vététistes fribourgeois misent sur le ravitaillement, en fixant un porte-gourde sur leur charrette.

«On est ici pour s’amuser, mais on va quand même tout donner», raconte Léo. Certains reviennent chaque année depuis 10 ans, selon Thibaud Remy. «Ça grimpe surtout au début, et après, le plus dur est de tenir la place», ajoute Eloi qui en est à sa troisième édition. Lui et son équipe ont terminé une fois premiers. «La course dure environ 15 minutes. C’est déjà bien assez long», dit-il en s’éloignant.

«Carnaval charmeysan»

Un peu plus loin, d’autres attendent aussi le départ avec impatience. Il s’agit du public. Celui-ci se masse derrière les barrières, au rythme d’une compilation disco que crachent les haut-parleurs. Les connaisseurs se postent vers «le» virage, un tournant méchant qui amène son lot de dérapages plus ou moins contrôlés. Des pneus ont été installés au cas où.

Le départ est donné. Dans la foule, les cous se tendent par-dessus les barrières. Les carrioles arrivent à fond de train, trois coureurs suant et poussant derrière tandis qu’un autre, seul devant, semble hésiter entre freiner et garder le cap. Les charrettes dérapent et frottent le trottoir, avant de repartir de plus belle.

Entre le froid, la musique, la bonne humeur et le défilé de douze chars humoristiques qui suit les courses (lire ci-après), il ne manque plus qu’un Rababou à brûler. «C’est vrai que la course des charrettes, c’est un peu le carnaval charmeysan», reconnaît en souriant Thibaud Remy, accoudé à la barrière.

*****

La plus belle charrette

La 43e course de charrettes s’est terminée dimanche après midi à Charmey, «en beauté et sous un ciel ensoleillé» commente Mikaël Jaggi, responsable marketing et sécurité de la société de jeunesse locale qui organisait l’événement. Cette année, les courses et la bénichon ont attiré entre 4000 et 5000 personnes selon ses estimations. «C’est plus que l’année dernière où il avait plu le samedi soir.» En tout, 27 charrettes à foin ont traversé les rues du village d’Enhaut. Quinze groupes ont concouru ce week-end pour la joute sportive et douze ont paradé lors du défilé humoristique qui suivait.

Cette année, les organisateurs ont introduit une nouveauté: le vote du public. Ce dernier a pu élire la plus belle charrette du défilé. Les dons ont permis aux organisateurs de verser un montant de 2700 francs à la fondation Nicole Niquille qui œuvre au Népal. Entre la reproduction d’un flipper géant et une mise en scène inspirée de la série «Alerte à Malibu», c’est le groupe «On va faire mauvaise impression» qui a remporté le plus de voix. Sa charrette reproduisait une presse géante de laquelle sortait un vrai journal de bénichon. Le budget de la manifestation, d’environ 150'000 francs, devrait être certainement couvert par les entrées des courses ainsi que les ventes de repas et de boissons sous la cantine, indique Mikaël Jaggi.

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