La Liberté

«L’avenir des Roms n’est pas sur un trottoir de Lausanne»

Société • Médiateur avec la communauté rom à Lausanne, le sergent de police retraité Gilbert Glassey est le fil rouge dans le film documentaire «L’oasis des mendiants» réalisé par Janine Waeber et Carole Pirker. Interview de ce beau «personnage».

«Lancez la conversation sur le sujet des Roms dans un dîner, chacun aura sa solution» explique Gilbert Glassey. © 2015 JMH Distribution
«Lancez la conversation sur le sujet des Roms dans un dîner, chacun aura sa solution» explique Gilbert Glassey. © 2015 JMH Distribution
«Je connais la Roumanie depuis 1990, après la chute de Ceausescu» souligne le policier, médiateur avec la communauté rom à Lausanne. © 2015 JMH Distribution
«Je connais la Roumanie depuis 1990, après la chute de Ceausescu» souligne le policier, médiateur avec la communauté rom à Lausanne. © 2015 JMH Distribution
«. Les Roms se plaignent de ne plus gagner beaucoup, cela tourne entre 7 francs et 20 francs en moyenne» poursuit-il. © 2015 JMH Distribution
«. Les Roms se plaignent de ne plus gagner beaucoup, cela tourne entre 7 francs et 20 francs en moyenne» poursuit-il. © 2015 JMH Distribution
«Il faut privilégier les associations sur place, qui travaillent là-bas. L’avenir des Roms n’est pas sur un trottoir de Lausanne» note encore Gilbert Glassey. © 2015 JMH Distribution
«Il faut privilégier les associations sur place, qui travaillent là-bas. L’avenir des Roms n’est pas sur un trottoir de Lausanne» note encore Gilbert Glassey. © 2015 JMH Distribution

Vincent Volet, «Bonne nouvelle»

Publié le 03.03.2015

Temps de lecture estimé : 5 minutes

- Gilbert Glassey, qu’est-ce que cela vous fait de devenir une vedette de cinéma?

Ce n’est pas moi qui suis mis en avant dans le film «L’oasis des mendiants». C’est plutôt la situation de la communauté rom à Lausanne. Tout le monde peut les voir la journée sur les trottoirs. Le film fait découvrir quelle est leur vie, quels sont les matins et les soirs de ces gens.

- Vous tenez votre rôle de sergent de la police lausannoise dans le documentaire. Le film donne-t-il une vision objective?

Oui, il donne une bonne vision des conditions que ces personnes rencontrent au quotidien. Il montre aussi le travail de la police et des autorités. Il ne suit pas seulement mon rôle de médiateur, de trait d’union entre les familles de différentes origines et avec les autorités.

- La population lausannoise a de la peine à tolérer que des gens passent leur journée à mendier en ville. Cela vous étonne?

Je ne suis pas surpris que les gens réagissent ainsi. La mendicité à Lausanne est relativement nouvelle. Les gens s’interrogent sur l’évolution des choses. Des familles se montrent généreuses. Elles répondent à une sollicitation pour régler une dette ou démarrer un projet en Roumanie. Or, deux semaines plus tard, les voilà de retour ici, malgré une aide qui se compte en milliers de francs. Certains imaginaient une relation de confiance dans l’idée de les sortir de la rue, et ils se mordent les doigts.

- N’y a-t-il pas un choc de cultures avec les Roms, dans un pays comme la Suisse qui donne une importance si grande au travail, et aussi à la scolarisation?

Voir un jeune de 22 ans en pleine santé assis sans rien faire devant un magasin, cela passe mal. On imagine qu’il pourrait faire autre chose. Leur relation au travail est différente de la nôtre. L’école est obligatoire en Roumanie, mais peu d’enfants roms suivent une scolarité complète. Beaucoup décrochent après deux ou trois ans. Un autre choc culturel est l’implication des enfants dans la mendicité. Une pratique que nous avons heureusement pu éradiquer.

- Est-ce facile de faire respecter l’ordre tout en restant humain?

Oui, il faut être patient, plus qu’eux. On peut faire respecter le règlement, sans abus. Il y a une amélioration, ils font des efforts pour pouvoir rester ici. Mais c’est un sujet très sensible pour les commerçants et les politiques. Une initiative populaire vise à interdire la mendicité dans tout le canton. La population aussi se préoccupe. Lancez la conversation sur le sujet dans un dîner, chacun aura sa solution.

- D’où vient votre intérêt pour cette communauté?

Je connais la Roumanie depuis 1990, après la chute de Ceausescu. Je suis allé apporter du matériel de construction pour un orphelinat dans la ville de Gherla. Puis avec des amis, nous avons fondé une association d’aide à la Roumanie (n.d.l.r.: depuis 1994, Gilbert Glassey est membre fondateur de l’Association d’amitié Nendaz-Gherla, qui fait partie d’Opérations villages roumains.). Nous sommes présents depuis plus de vingt ans et avons un taux de réussite élevé. Tout le monde connaît nos exigences. Nous aidons notamment un collège où les Roms sont acceptés, ce qui n’est pas le cas partout. Les responsables mettent un bus scolaire à disposition, offrent une collation aux enfants le matin, assurent un soutien pour les leçons après l’école… De tels systèmes d’incitation devraient être généralisés.

- Et nous, que pouvons-nous faire?

Deux francs, c’est juste pour un jour. Les Roms se plaignent de ne plus gagner beaucoup, cela tourne entre 7 francs et 20 francs en moyenne. Ce n’est pas avec ce type de revenu qu’on peut avancer. Des organisations comme Terre des hommes sont présentes là-bas depuis longtemps, avec des projets qui tiennent la route. Notamment un projet de scolarisation dans 164 communes. Ils forment des assistants sociaux et des éducateurs, montent des cantines scolaires, pour aider les gens à rester chez eux.

- Votre foi joue-t-elle un rôle dans votre engagement?

Certainement. Mon éducation chrétienne a joué un rôle dans cette approche d’aide à son prochain. Les Roms sont assez croyants. Par exemple, si je dis: «Déplacez-vous, parce que là, cela ne va pas.» Ils me rétorquent: «Dieu voit ce que vous faites, Il entend ce que vous me dites.» Ils sont présents à l’église Saint-Laurent, qui a trouvé une bonne solution: en inviter plusieurs à un petit repas dans la salle de paroisse après le culte.

- Tout le monde se pose la question: «Faut-il donner?»

Il faut privilégier les associations sur place, qui travaillent là-bas. L’avenir des Roms n’est pas sur un trottoir de Lausanne. Notez que l’on voit parfois à Lausanne des Roms de la troisième génération. 

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