La Liberté

Shantel, roi de la pop balkanique

Ebullition • La salle bulloise accueille samedi Shantel et son Bucovina Club Orkestar. Le musicien allemand a inventé une nouvelle forme de musique. Et il cartonne. Interview.

De la musique aux sonorités balkaniques mélangée avec une pop-disco colorée? C’est ce que proposeront samedi Shantel et son Bucovina Club Orkestar, à Ebullition, à Bulle. © Michael Namberger
De la musique aux sonorités balkaniques mélangée avec une pop-disco colorée? C’est ce que proposeront samedi Shantel et son Bucovina Club Orkestar, à Ebullition, à Bulle. © Michael Namberger
Shantel, roi de la pop balkanique © Michael Namberger
Shantel, roi de la pop balkanique © Michael Namberger
Shantel, roi de la pop balkanique © Goran Potkonja
Shantel, roi de la pop balkanique © Goran Potkonja
Shantel, roi de la pop balkanique © Michael Namberger
Shantel, roi de la pop balkanique © Michael Namberger

Tamara Bongard

Publié le 21.05.2015

Temps de lecture estimé : 5 minutes

De la musique aux sonorités balkaniques mélangée avec une pop-disco colorée? C’est ce que proposeront samedi Shantel et son Bucovina Club Orkestar, à Ebullition, à Bulle. Interview.

- Comment vous est venue cette idée de mélanger de la musique traditionnelle de Bucovina et de la pop-disco?

Shantel: Je vais tout de suite mettre quelque chose au point. Ma musique reflète mes racines familiales multiculturelles: J’ai une grand-mère juive roumaine et du côté de mon père, nous sommes moitié Grecs, moitié Allemands. Je suis né en Allemagne et jusqu’à un certain moment de ma vie, j’étais un adolescent allemand moyen, sans aucune spécificité. J’ai grandi avec la culture pop anglo-américaine. Bien sûr, l’histoire de ma famille était une sorte de mystère pour moi et plus je grandissais, plus je voulais avoir d’informations sur ce sujet.

- D’accord…

Un jour, j’ai eu la chance de visiter la ville d’origine de mes grands-parents, dans la région de Bucovina, près de la frontière roumaine, située en territoire désormais ukrainien. C’était autrefois une ville très cosmopolite - et là je parle de la période avant la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, il n’y a plus aucune culture existante, plus de juifs, plus rien de traditionnel. Vous devez comprendre que la plupart des territoires de l’Europe de l’Est ont effacé leurs propres cultures et traditions - ces endroits ont vécu sous des lois communistes très dures. Au moment où ces pays sont devenus des démocraties, dans les années 1990, tout s’est axé sur l’Ouest.

- Vous leur avez donc créé une culture…

Mon son est un pont entre des éléments traditionnels, qui ne proviennent pas d’une région spécifique mais de la diaspora, et des éléments venus de l’Ouest. On peut appeler ce nouveau style musical de la «pop balkanique».

- Avant cela vous étiez un musicien electro plus traditionnel…

Auparavant, j’étais une photocopie d’un groupe anglo-américain. Je me suis demandé si c’était vraiment par cette voie artistique que je voulais m’exprimer ou par un moyen qui reflétait davantage ma propre identité, qui est très partagée. C’est toujours difficile: en Allemagne, on me dit que ce que je fais n’est pas vraiment allemand. Mais quand je joue à l’extérieur, on me considère comme une nouvelle facette cosmopolite de l’Allemagne parce que ce pays est un pays d’immigration.

- Comment travaillez-vous?

J’écoute beaucoup, je réunis beaucoup de sons, je voyage beaucoup et je fais beaucoup de recherches. Mais mon ambition est de tout oublier. Je démarre de zéro, comme toujours, avec une guitare, un enregistreur, en créant des mélodies. Je ne pars jamais de l’idée que je vais composer quelque chose de très traditionnel. Je pense que je suis un musicien pop standard. Mais d’une manière ou d’une autre cette combinaison marche très bien. J’ai un double disque de platine en Turquie, j’ai été dans le Top 10 en Grèce, en Bulgarie, en Roumanie. Bregovic m’a demandé de lui écrire des chansons. Je me sens très bien avec cette situation mais mon idée n’est pas de me dire «je veux être plus authentique que les authentiques groupes tziganes».

- Vos textes et clips sont très amusants et décalés…

J’ai un humour juif, un vrai sens ironique. Si on écoute les chansons grecques, elles sont toujours très lourdes. Elles disent «je veux mourir», «je veux couper mes bras pour saigner». A la fin de la chanson, vous avez toujours un mot qui dit «C’est la vie». C’est peut-être un point commun de l’âme de cette région d’Europe, qui a toujours cette partie sombre mélancolique. Vous devez survivre, toujours rire de vous. Je prends mon travail très au sérieux mais cela ne veut pas dire que je me prenne pour un artiste si sérieux. Ce que je fais est la résurrection du non-cool. Quand j’ai créé le Bucovina Club Orkestar, mes collègues musiciens me disaient que c’était nul, que ça ne marcherait jamais. Et j’ai dit «c’est le but». Je veux ramener le sens de l’humour, l’ironie en musique. Regardez la scène musicale: il n’y a plus d’âme, plus d’épice.

- Travaillez-vous sur un nouvel album?

En général, je sors tous les deux ans un nouvel album. Je suis en train de finir «Viva Diaspora», qui sortira à la fin mai.

- Un disque dans la même veine musicale…

J’aimerais ne jamais me répéter. Il faut toujours se défaire de la formule du succès. Le disque a été enregistré à Athènes. C’est un «road movie» de 24 heures dans une grande ville, qui pourrait être Istanbul ou Berlin. «Viva Diaspora» est un disque très dansant. C’est très drôle, très urbain.

> Samedi, 21h Bulle, Ebullition.

Shantel & Areti Ketime // EastWest - Dysi Ki Anatoli from guilty76 on Vimeo.

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