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Hockey sur glace: «Ce 2e jour de repos change tout» pour les joueurs

Les vainqueurs des deux plus longs matches de l’histoire sont devenus champions ensuite. Pur hasard?

Si Lausanne a pris un ascendant mental en remportant une victoire (3-2 ap) au bout de la nuit, les joueurs de Fribourg-Gottéron ont encore leur destin entre les mains. © Keystone
Si Lausanne a pris un ascendant mental en remportant une victoire (3-2 ap) au bout de la nuit, les joueurs de Fribourg-Gottéron ont encore leur destin entre les mains. © Keystone

Jonas Ruffieux

Publié le 04.04.2024

Temps de lecture estimé : 9 minutes

Deux fois seulement, dans l’histoire de la National League, un match avait duré plus longtemps que l’acte II des demi-finales des play-off entre Lausanne et Fribourg, dans la nuit de mercredi à jeudi (106’44). En 2019, Berne avait éliminé Genève au premier tour en remportant l’acte 6 après 117’43, avant de… décrocher le titre de champion de Suisse, quelques semaines plus tard. En 2023, Genève a remporté l’acte 3 de son quart de finale face à Lugano en trouvant la faille après 114’06 de glace. Ensuite? Les Aigles ont atteint le Graal.

75

en%, 3 équipes sur 4 ont remporté la série après avoir gagné un match au bout de la nuit

De là à transposer ce fait amusant en vérité générale, il y a un pas que l’on ne franchira pas. Le LHC, victorieux 3-2 au bout du suspense à 0 h 39 pour égaliser à 1-1 dans la série, devra franchir quelques étapes encore avant de soulever le trophée suprême. N’empêche, l’ascendant mental pris par une formation vainqueure d’un marathon semble indéniable. «On récupère beaucoup plus vite quand on gagne», lâche l’ancien défenseur des Dragons Philippe Furrer, dont les propos correspondent aux statistiques.

«On récupère beaucoup plus vite quand on gagne»
Philippe Furrer

Depuis l’introduction en 2017/2018, en Suisse, des prolongations à l’infinie dans les séries décisives, seuls cinq matches se sont décidés en troisième prolongation – y compris l’acte II de mercredi. A trois reprises, la formation qui avait exulté au bout de la nuit remportait ensuite la série. De quoi dessiner une tendance plus qu’un lien de causalité. Et poser cette question: à quel point l’ascendant mental pris par les Lions va-t-il décider de la suite du derby romand?

Moins qu’un match 7

Le premier à en minimiser l’aspect se nomme Jason Fuchs: «Cette victoire nous enlève peut-être un peu de fatigue mentale pour le prochain match, mais c’est une série tellement tendue, où les deux parties se sont jouées sur un but, que c’est dur à estimer», confiait l’attaquant du LHC à l’ATS, après avoir inscrit le but décisif. «Le passé, c’est le passé!» tonne de son côté Philippe Furrer, qui invite ses anciens coéquipiers à ne surtout pas ressasser l’amère fin de match. «Gottéron doit jouer avec confiance. Celle qui l’a conduit à remporter un match 7, quelques jours avant. Pour moi, ce genre de succès compte bien plus pour le mental qu’une victoire acquise au bout de l’effort, dans une situation où la pièce peut tomber d’un côté comme de l’autre au prix d’un exploit individuel.»

Le héros du dernier marathon que s’étaient disputé les deux formations voilà deux ans (lire ci-dessous) poursuit: «S’il n’y avait eu qu’un jour de répit avant l’acte III, j’aurais donné un net avantage aux Lausannois pour la suite. Mais là, ce 2e jour de repos change tout. Samedi, les deux équipes se présenteront avec le même niveau d’énergie.» Un hasard du calendrier qui fait l’unanimité: «Je ne sais pas pourquoi nous avons droit à ce jour supplémentaire, mais ça tombe très, très bien», souffle Jason Fuchs.

Gottéron a un plan

Le repos sera-t-il suffisant pour soigner tous les bobos? Fribourg-Gottéron se refuse à tout commentaire concernant l’état de santé de ses joueurs – Dufner, Mottet et surtout Jecker ont été touchés, mercredi soir – durant les play-off, afin de ne donner aucune indication à l’adversaire.

Même topo concernant la stratégie mise en place pour contrer le pressing invasif – et décisif – imposé par les Lions sur les deux premières parties. «Nous avons un plan, qui restera secret. Désormais, la balle est au centre, c’est 1-1 dans la série», rappelle le directeur sportif Gerd Zenhäusern, qui attend «plus de concentration en début de match». Et une application à succès du plan? «Les équipes de gagnants trouvent toujours un moyen de l’emporter, rappelle Philippe Furrer. A Gottéron de montrer qu’il appartient à cette catégorie.»

 

L’adrénaline contre la souffrance

Feinte de slap, avant de contourner un Genazzi abusé, au sol, et de tromper Boltshauser entre les jambes: le souvenir d’un Philippe Furrer héroïque, ce 29 mars 2022, après 105 minutes dans l’acte III des quarts de finale des play-off restera assurément plus ancré dans les mémoires fribourgeoises que la défaite 3-2, mercredi soir à Lausanne après 107’ d’effort. «Ce but, c’est l’un des plus beaux de ma vie», se souvient l’ancien Dragon, dont la carrière avait pris fin quelques jours après son exploit, à 36 ans. «J’y repense souvent», sourit l’ex-défenseur international, à fond derrière Fribourg-Gottéron, «ma seule équipe de cœur encore en lice» – après l’élimination de Berne et de Lugano.

«Il faut un soutien plus proche vers le défenseur porteur du puck»
Philippe Furrer

Derrière sa télévision, il aura vibré jusqu’au bout. Mais sans l’adrénaline de son ancienne position d’acteur, celle «qui fait oublier toute fatigue mentale». «Le corps souffre, bien sûr. Mais l’excitation est telle que tous les efforts ne se ressentent que le lendemain. Et puis, les shifts deviennent plus courts et la vitesse du jeu ralentit au fur et à mesure.» Aussi parce que les deux équipes prennent moins de risques, de peur de commettre l’irréparable.

«De toute manière, ça se joue à rien», ajoute-t-il avant de souligner la supériorité actuelle du LHC, du moins à cinq contre cinq. «C’était pareil il y a deux ans et nous nous étions tirés d’affaire grâce au power-play.» Le pressing invasif de Lausanne? «Il faut le gérer avec un soutien plus proche vers le défenseur porteur du puck. Et améliorer la qualité de la relance. J’estime que ces deux matches auront permis à Gottéron de s’adapter à ce style de jeu: tout repart de zéro, désormais», conclut-il.

 

«Dormir le plus possible et ne rien faire»

Comment récupérer après un tel marathon et des temps de jeu, pour certains, supérieurs à 40 minutes? L’effort intense fourni par les joueurs vaudois et fribourgeois mercredi soir va laisser des traces. Traces égales, certes, puisque les deux formations ont dû disputer sept rencontres pour rejoindre les demi-finales, mais conséquentes. «Pour la sécurité des joueurs, ce format n’est vraiment pas bon», lâche d’emblée Simon Holdener, le préparateur physique de Fribourg-Gottéron. «Le hockey sur glace actuel est devenu très rapide et intense. Si un joueur n’y va pas à 100% sur chaque shift, s’il n’est pas absolument attentif à tout ce qui l’entoure, ses risques de blessure augmentent drastiquement.» Le Bernois exemplifie: «Dans une 3e prolongation de 20 minutes, la fatigue mène à commettre des erreurs bêtes, les gars n’ont plus vraiment le bon timing, ils manquent de concentration. Et la tension est telle que les arbitres ne sifflent plus vraiment les fautes, ceci augmente encore le danger.»

«Certains joueurs seront prêts, d’autres assurément pas à 100%, mais la donne est la même du côté lausannois»
Simon Holdener

Peu satisfait du format proposé en play-off – «comme le public, d’ailleurs, il n’y a qu’à observer la patinoire, qui s’est vidée d’un tiers avant l’issue» –, Simon Holdener a proposé à ses protégés de choisir leur soin de régénération, en arrivant à la BCF Arena au milieu de la nuit. «Les bains d’eau glacée, les massages ou autres électrostimulateurs constituent de bonnes alternatives, mais rien ne compense le manque de sommeil. Les gars ont une consigne simple, pour récupérer: dormir le plus possible et ne rien faire du tout. Quand on dispute quasiment deux matches en une soirée, le temps de récupération est aussi doublé. Et trouver un rythme en se couchant à 4 h du matin n’est pas vraiment idéal», grince-t-il encore.

«Vendredi, la fatigue sera encore intense. Samedi soir, certains joueurs seront prêts, d’autres assurément pas à 100%, mais la donne est la même du côté lausannois.» Puis encore: «Chacun réagit différemment. Jeudi, certains se sont plaints de très grosses crampes. D’autres n’avaient rien. Et cela dépend surtout du nombre de coups et de charges reçus durant la partie.»

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