La Liberté

Les «pilotes payants» à fond la caisse

Le talent ne suffit plus pour avoir sa place dans une écurie. Amener de l’argent est aussi un argument

Publié le 22.03.2017

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Automobilisme » Dans une F1 en perte de vitesse niveau attractivité, les écuries, et pas seulement les plus modestes, se tournent de plus en plus vers les «pilotes payants» pour boucler leur financement. Avec le risque que ceux-ci prennent quasiment le pouvoir. «Nous devrions avoir les 20 meilleurs pilotes du monde mais la réalité c’est qu’en bas de la grille, les considérations commerciales liées aux budgets apportés par les pilotes sont devenues trop importantes», a récemment déploré Ross Brawn, directeur sportif de la F1, dont la saison commence dimanche à Melbourne.

Début 2016, l’Etat indonésien, par l’intermédiaire de la société pétrolière nationale Pertamina, a injecté 15 millions d’euros dans l’écurie Manor, disparue depuis, pour que Rio Haryanto devienne le premier pilote indonésien de l’histoire de la F1. Cela lui a permis de disputer 12 courses pour aucun point marqué avant d’être remplacé, faute d’être repassé à la caisse.

Pas un foudre de guerre

Le Britannique Jolyon Palmer, qui déboursait plus de 300 000 euros pour chacune de ses séances d’essais en 2015, a été choisi par Renault pour des motifs pécuniaires plutôt que sportifs. «Ils attendent de produire une monoplace plus rapide pour réserver leur deuxième baquet à un meilleur pilote et ne crachent pas d’ici là sur l’argent de Palmer», résumait un cadre de Force India début mars lors des essais de Barcelone.

Un montant de 16 millions d’euros versé pour 2016 a été évoqué à propos de Marcus Ericsson, pas un foudre de guerre lui non plus. Mais la situation du pilote de Sauber est plus complexe encore. En effet, malgré la manne financière apportée par les généreux donateurs du Suédois, les géants de l’emballage Tetra Pak et du prêt-à-porter H & M, l’écurie helvétique ne parvenait plus à joindre les deux bouts l’an passé. Cette mauvaise passe a conduit à un changement de propriétaire, avec la prise de contrôle de Longbow Finance. Or cette société suisse serait en réalité détenue par les investisseurs suédois qui soutiennent la carrière d’Ericsson… Restée patronne de l’équipe, Monisha Kaltenborn aura du mal à se débarrasser de celui qui a inscrit 9 petits points en 56 Grands Prix.

Le cas Lance Stroll

Certes, la pratique n’est pas nouvelle puisque chez Ferrari et McLaren, le salaire des pilotes a longtemps été payé intégralement par le sponsor titre de l’écurie. Ainsi pendant près de dix ans, c’est Philip Morris International, propriétaire de Marlboro, qui prenait en charge celui de Michael Schumacher. Actuellement sur les dizaines de millions d’euros touchés par Lewis Hamilton et Fernando Alonso, une bonne part provient de sponsors privés, mais leur coup de volant n’est plus à démontrer.

Le cas de Lance Stroll est emblématique tout en étant différent. Le «rookie» de Williams, dont l’ascension est notamment critiquée par Jacques Villeneuve, est le fils d’un milliardaire canadien, qui a financé à prix d’or sa carrière depuis ses débuts en karting. «Qui l’empêchera de racheter tout ou partie de Williams si la place de son fiston est menacée?» s’interroge un ingénieur britannique de Red Bull.

«Atteindre les sommets ne devrait pas dépendre de qui peut se le permettre, mais plutôt de qui peut travailler dur», avait averti en septembre dernier Anthony Hamilton, le père du triple champion du monde. «Au niveau juniors, il y a de nombreux pilotes qui gagnent des titres mais qui n’ont ni les financements ni le soutien pour arriver en F1», regrettait-il.

Quand même du talent

Bien sûr, être soutenu par un sponsor n’est pas forcément synonyme d’absence de talent. Si Valtteri Bottas a été titularisé par Williams en 2013, c’est grâce à l’apport de ses deux sponsors finlandais Wihuri et Kemppi. Mais il a amplement prouvé depuis qu’il méritait sa place en F1, ce qui lui a valu sa promotion chez Mercedes. Idem pour le Mexicain Sergio Pérez, soutenu par son compatriote Carlos Slim, l’un des hommes les plus riches du monde, qui a porté Force India à la 4e place des constructeurs en 2016.

Les plus petites structures ont aussi la possibilité de recourir à des jeunes éléments appartenant aux filières de Mercedes, Renault ou Ferrari. A l’image d’Esteban Ocon (Force India) et de Pascal Wehrlein (Sauber), deux protégés de la marque à l’étoile. ats

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