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Des requérants d’asile pour travailler aux champs à la place des saisonniers

Agriculture Pour combler le manque de main-d’œuvre étrangère après le vote du 9 février, l’Union suisse des paysans suggère de faire appel à des demandeurs d’asile.

En 2006, des demandeurs d’asile avaient épaulé la voirie à Moudon. L’Union suisse des paysans propose aujourd’hui de faire travailler des requérants dans l’agriculture. © Alain Wicht/La Liberté
En 2006, des demandeurs d’asile avaient épaulé la voirie à Moudon. L’Union suisse des paysans propose aujourd’hui de faire travailler des requérants dans l’agriculture. © Alain Wicht/La Liberté

Gérald Hammel et Nicolas Hehl

Publié le 10.08.2014

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Des requérants d’asile pourraient à l’avenir combler l’absence des saisonniers étrangers dans l’agriculture. Cette idée qui a surgi à la suite de la votation du 9 février sera analysée plus profondément mercredi. Si les conclusions sont positives, un projet pilote pourrait déjà être lancé l’an prochain.

Avec la réintroduction d’un système de contingents, l’agriculture craint de manquer de main-d’œuvre. Les permis seront d’abord donnés au personnel qualifié. Ainsi, pour combler l’absence d’une partie des 25 000 à 30 000 saisonniers, Polonais et Portugais avant tout, qui viennent travailler dans les exploitations helvétiques, surtout maraîchères, l’idée est de mieux mettre à profit les forces de travail existant dans le pays.

Rencontre avec l’ODM

Il y a par exemple dans ce potentiel les personnes à l’aide sociale ou les requérants d’asile, indique Jacques Bourgeois, directeur de l’Union suisse des paysans (USP). Selon les projections de l’Office fédéral des migrations (ODM), quelque 14 000 personnes relevant du domaine de l’asile pourraient être prises en considération.

Le Fribourgeois a déjà discuté de l’idée avec le directeur de l’ODM, Mario Gattiker, en marge du groupe d’experts chargé d’étudier les conséquences de l’acceptation de l’initiative contre l’immigration de masse du 9 février. Les deux hommes doivent se retrouver avec leurs experts respectifs mercredi.

L’ODM confirme la rencontre mais n’en dit pas plus, en attendant que le Conseil fédéral présente vers la fin de l’année l’application de l’initiative sur l’immigration de masse. Des mesures sont à l’étude dans la construction, la gastronomie et d’autres branches afin d’épuiser le potentiel de main-d’œuvre indigène, explique-t-il par écrit.

Jacques Bourgeois précise que l’objectif de la réunion à venir est d’approfondir le sujet, d’étudier si l’idée est applicable et dans quelles conditions. Si les conclusions sont positives, on pourra aller de l’avant avec un projet pilote dès 2015.

Encore faudra-t-il trouver l’un ou l’autre agriculteur prêt à jouer le jeu, ajoute-t-il. Pour eux, il est important que cette main-d’œuvre soit fidèle et stable une fois formée. Ce qui est le cas avec les saisonniers polonais ou portugais sur lesquels ils peuvent compter d’année en année.

Gare à l’appel d’air

Avec les requérants d’asile, une fois ceux-ci formés, on doit aussi pouvoir compter à terme. C’est là une des conditions relevées par les paysans. Outre la disponibilité à fournir un travail rude, une forte et solide constitution et un minimum de connaissances de la langue, il faut aussi que le requérant appelé à travailler dispose d’un statut juridique clair et adéquat, a relevé Markus Ritter, président de l’USP.

Ces aspects, de même que les conditions de travail et de salaire, sont autant d’éléments à régler s’il apparaît, mercredi, que l’idée mérite d’être appliquée. En plus des considérations techniques, il faut aussi tenir compte de la politique et veiller à ne pas provoquer un appel d’air vis-à-vis de l’étranger, avertissent les conseillers nationaux Jacques Bourgeois (plr/FR) et Markus Ritter (pdc/SG).

En Valais, canton pionnier dans la mise en place de programmes d’occupation, il y a plus de dix ans que l’agriculture recourt à des requérants d’asile. En 2000, le Valais proposait des activités lucratives à 421 d’entre eux, en particulier dans les branches des services, de l’agriculture et de l’hôtellerie.

Aujourd’hui, en raison des bonnes expériences, les programmes d’occupation se poursuivent, suivis par quelque 450 requérants, a indiqué Roger Fontannaz, chef du service de l’asile à l’Etat du Valais. Accessibles à tous les requérants, ils reposent sur trois centres de formation.

Tous les requérants ne peuvent en revanche pas prétendre à un emploi rétribué. Seuls ceux en attente de réponse ou admis provisoirement et en Suisse depuis trois mois - mais pas ceux qui ont été déboutés - peuvent demander un permis de travail, qui dépend des cantons, a-t-il ajouté. Ils sont aujourd’hui 340 en Valais, sur 1800 requérants en tout dans le canton, selon Roger Fontannaz. ATS

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