La Liberté

Français enseigné aux enfants alémaniques: Alain Berset se montre très ferme

Scolarité • Les menaces d’intervention fédérales ont eu de l’effet: les directrices et directeurs de l’instruction publique ont confirmé le maintien du français à l’école primaire. Ils acceptent aussi de soutenir écoles et enseignants.

Ariane Gigon, Bâle

Publié le 31.10.2014

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Après les coups de boutoir, les appels au calme: l’enseignement du français au degré primaire alémanique a reçu ce vendredi à Bâle un soutien de poids, sous la forme d’un vote de confirmation de la Conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP).

Le modèle de deux langues étrangères au primaire, commençant au plus tard en 3e et en 5e année (dit «modèle 3/5») est également plébiscité par les associations d’enseignants et par près de 160 enseignants et spécialistes des HEP, qui ont publié un appel commun.

Alain Berset, ferme voire menaçant.

Devant les médias, le conseiller fédéral Alain Berset, s’est montré extrêmement ferme – voire menaçant. Si l’instruction publique est une compétence cantonale, la Confédération doit veiller à la réalisation de l’objectif de compréhension mutuelle inscrit dans la Constitution fédérale et au respect de la loi sur les langues, a-t-il rappelé.

«L’absence d’une langue nationale au degré primaire serait inadmissible, a insisté le chef du Département fédéral de l’intérieur (DFI). Le Conseil fédéral soutient les travaux d’harmonisation des cantons, mais nous attendons que tous les cantons suivent le calendrier fixé par la CDIP. Sinon, une intervention de la Confédération est possible. S’il faut agir, nous le ferons, avec calme et détermination.»

Anne-Catherie Lyon «heureuse et soulagée»

Le contraste était saisissant avec les comptes-rendus de la conseillère d’Etat vaudoise Anne-Catherie Lyon et son collègue de Bâle-Ville Christoph Eymann, président de la CDIP. La première s’est dite «heureuse et soulagée» du soutien apporté au modèle 3/5, tandis que le deuxième soulignait le bon climat de discussion.

Au vote, l’enseignement de deux langues étrangères au primaire a été confirmé par 22 cantons, contre deux voix négatives, une abstention et une absence. Actuellement le modèle 3/5 est appliqué dans 23 cantons. «Un conseiller d’Etat a voté non car il est opposé au principe même, mais son canton l’a mis en œuvre», a expliqué Christoph Eymann. En 2004, lors de l’adoption du modèle par la CDIP, il avait obtenu 24 voix.  Deux cantons Lucerne et Appenzell Rhodes-Intérieures, s’étaient abstenus.

Il «suffira qu’un seul canton franchisse la ligne rouge»,

«Alain Berset a raison d’être ferme», ont commenté Anne-Catherine Lyon et Christoph Eymann. Avec ses déclarations fortes durant l’été et les débats des commissions parlementaires, la menace d’intervention fédérale dans une compétence cantonale a provoqué une prise de conscience chez certains, ont-ils ajouté.

D’autant plus qu’il «suffira qu’un seul canton franchisse la ligne rouge», a encore dit Alain Berset. Or c’est déjà le cas, puisqu’à Appenzell  Rhodes Intérieures, l’enseignement du français commence en 7e année. «Cette solution date d’avant le compromis de la CDIP de 2004, précise Christoph Eymann. Le canton doit revoir son système.»

La décision de la CDIP ne change rien aux programmes en cours. Une évaluation de tout le processus d’harmonisation, accepté en votation populaire en 2006, doit être présentée d’ici août 2015. D’ici là, la CDIP veut mettre un place un programme national d’échanges d’enseignants et élaborer des recommandations pour soutenir écoles et enseignants dans le domaine des langues étrangères. Certains cantons sont encore en train de se doter de nouveaux livres d’enseignement. C’est le cas de la Suisse orientale pour le français.

Des enseignants satisfaits

L’annonce de mesures de soutien ravit les enseignants, dont les deux associations, l’alémanique LCH et le SER romand, ont publié un communiqué commun. Pour la première fois, le LCH, dont certaines organisations cantonales étaient montées au front, ces dernières années, pour exiger l’abandon du français, a adopté officiellement le principe d’une langue nationale au primaire, tout en demandant des aménagements tels qu’enseignement dans des demi-classes, promotion des échanges, manuels scolaires de qualité, etc. Le vent a-t-il tourné? «Oui, je crois, grâce aux mises en garde de nos collègues romands», se réjouit Beat Zemp, président du LCH.

La polémique sur l’enseignement des langues étrangères a aussi poussé les professeurs de didactique des langues étrangères à sortir du bois. Une prise de position commune exigeant «le maintien coordonné du modèle 3/5 avec deux langues étrangères au primaire et de l’ordre actuel dans lequel les langues sont introduites» a été signée par 158 enseignants et spécialistes provenant de toutes les Hautes écoles pédagogiques et centres de formation du pays.

Le débat n’est toutefois de loin pas terminé: la question des langues ressurgira avec le plan d’études alémaniques, en préparation et dont la version finale devrait être présentée prochainement. 

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