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«Les jeunes utilisent les médias sociaux de manière très créative»

Multimédia • Les adolescents n’oublient pas la vraie vie! C’est l’une des conclusions d’une étude sur le comportement des 12-19 ans face aux outils digitaux et aux médias sociaux.

Aujourd’hui, ce sont les jeunes qui testent les nouveautés et qui les transmettent aux adultes. © Julien ChavailLaz/Photo prétexte
Aujourd’hui, ce sont les jeunes qui testent les nouveautés et qui les transmettent aux adultes. © Julien ChavailLaz/Photo prétexte

Ariane Gigon, Bâle

Publié le 01.11.2014

Temps de lecture estimé : 7 minutes

Il faut bien les chercher, dans la masse des adolescents suisses, celles ou ceux qui n’auraient pas de téléphone portable: leur proportion est passée de 21% en 2010 à 2% en 2014. La troisième étude «JAMES», pour «jeunes, activités, médias: enquête suisse», mandatée par Swisscom et réalisée par la Haute école zurichoise en sciences appliquées (ZHAW), a été présentée hier à Bâle. On y apprend notamment qu’un jeune sur cinq a déjà été sollicité pour des expériences sexuelles non souhaitées.

Selon le sondage réalisé en mai et juin auprès de quelque 1000 jeunes de 12 à 19 ans de toute la Suisse, les adolescents sont aujourd’hui presque tous équipés d’un smartphone (97% d’entre eux) leur permettant non seulement de surfer sur internet, mais aussi de faire des photos, des vidéos, de regarder la télévision ou de lire des journaux en ligne. Toutefois, s’ils passent en moyenne deux heures par jour en semaine et trois heures par jour le week-end à tapoter sur leurs claviers, ils continuent à voir leurs amis et à aimer ne rien faire.

Plus d’un jeune sur deux a déjà regardé des scènes brutales et 19% ont déjà subi des avances sexuelles. Le directeur de l’étude, le psychologue Daniel Süss, évite de peindre le diable sur la muraille.

- Qu’est-ce qui vous a surpris dans les réponses des jeunes?

Daniel Süss: La forte progression du smartphone chez les jeunes m’a surpris, d’une part, et, avec elle, l’utilisation de toutes les fonctions que les smartphones permettent. D’un autre côté, de façon surprenante, pour la lecture de journaux et de magazines, l’imprimé continue à avoir la préférence. Le papier est apprécié par une grande partie des jeunes. En moyenne, la lecture sur papier est plus pratiquée que les plateformes en ligne correspondantes.

- Le digital serait alors réservé à l’image, aux photos et aux vidéos?

Pas seulement, mais aussi. Si un portail d’actualités d’un journal propose aussi des photos et des vidéos, les jeunes utilisent alors aussi ces portails. Ils utilisent l’internet de façon très variée, y cherchant des informations pour l’école ou pour leur vie quotidienne. Les images, les films ou les jeux, pour les garçons, sont très importants durant les loisirs.

- Pratiquement tous les jeunes ont un smartphone, dites-vous, mais n’y a-t-il pas de différence entre les 12-13 ans et les 17-18 ans?

La différence est faible. Aujourd’hui, les enfants ont leur premier téléphone vers 9-10 ans. Il devient presque difficile d’avoir un téléphone qui n’est pas un smartphone, dont le prix a considérablement baissé. Autrefois, les jeunes recevaient le vieil appareil des parents. Aujourd’hui, c’est plutôt l’inverse: les jeunes testent les nouveautés, et les transmettent aussi à leurs parents!

Votre étude montre un tableau presque idyllique qui tranche avec certaines campagnes de prévention plutôt alarmistes sur les dangers d’internet et des médias sociaux…

Je ne veux pas opposer les deux visions l’une contre l’autre. La campagne de Pro Juventute est absolument justifiée. De nombreux jeunes utilisent les médias sociaux de manière raisonnable, appliquant par exemple les fonctions de protection de leur sphère privée. Mais nombre d’entre eux sont aussi désécurisés, ou ils souffrent d’une certaine pression, à cause de la comparaison avec les autres.

Mais ce n’est pas un problème qui concerne seulement les médias sociaux: il touche la société dans son ensemble. Ce qui est spécial avec les médias sociaux, c’est la comparaison directe avec les gens du même âge, et cela à large échelle. Les jeunes ont toujours cherché à se comparer à leurs contemporains, mais ils n’ont jamais disposé d’une telle base de comparaison.

- Les dangers pour les jeunes sont-ils donc très limités, selon vous?

Peindre les choses en noir ou en blanc n’aide pas. Il faut analyser les conditions à un bon fonctionnement des choses, voir que les médias sociaux sont aussi un outil de développement des jeunes dans la société. Les jeunes les utilisent souvent de manière très créative, les jeunes filles en photographie par exemple.

Mais il y a aussi des domaines problématiques, c’est vrai. Nous devons faire preuve d’optimisme critique: nous devons dire à quelles conditions cela se passe bien, et mettre le doigt où il faut rester vigilants, sans paniquer, mais avec des mesures de prévention et d’éducation.

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Ils sont 97% à avoir un smartphone

Ces deux dernières années, la proportion de jeunes détenteurs de smartphone est passée de 79 à 97%, révèlent les chercheurs. En 2010, ils étaient encore à peine une moitié à en posséder un.

De plus en plus illimité, l’accès à internet compris dans les forfaits des opérateurs n’est pas sans influence: l’utilisation du smartphone par les adolescents pour surfer en ligne a augmenté de manière exponentielle. Ils n’étaient que 16% à aller sur internet avec leur téléphone portable en 2010, contre 87% aujourd’hui. A titre de comparaison, son utilisation pour téléphoner a reculé à 71% (80% en 2010).

La communication sur les réseaux sociaux fait partie des activités en ligne principales des jeunes. Trois adolescents sur quatre échangent régulièrement de cette manière. Et 89% d’entre eux possèdent un compte sur au moins un réseau social. Facebook reste le plus populaire, suivi de près par la plate-forme de photos et vidéos Instagram, Google+ et Twitter.

«La diminution supposée du nombre de membres de Facebook dans divers pays n’est pas constatée chez les jeunes Suisses», observe Daniel Süss, codirecteur de l’étude. Chez les plus jeunes (12 à 13 ans) toutefois, Instagram (82%) est nettement plus prisé que Facebook (59%).

Autre constat, les jeunes surfent de manière particulièrement sécurisée sur les réseaux sociaux. Ainsi, 81% d’entre eux affirment avoir activé le paramètre de confidentialité sur leur profil et 56% l’actualisent régulièrement. Pourtant, leurs expériences négatives sur les réseaux ont augmenté: 22% d’entre eux y sont victimes d’une personne voulant leur régler leur compte (17% en 2012), 12% s’y font harceler (3% en 2012) et un(e) jeune sur cinq a reçu des invitations indésirables à caractère sexuel.

Plus de la moitié des élèves interrogés, garçons en tête, ont indiqué avoir regardé des vidéos violentes. Et 6% des élèves ont affirmé avoir filmé une bagarre réelle. Les vidéos pornographiques ou érotiques recueillent 43% d’amateurs parmi les élèves - des garçons avant tout. Enfin, 8% des jeunes interrogés ont indiqué avoir déjà envoyé des photos ou vidéos aguichantes d’eux-mêmes. Une pratique qui trouve également plus d’adeptes parmi les garçons. ATS

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