La Liberté

Michel Roggo, sous le signe de l’eau

Publication • Le photographe fribourgeois signe «eau.suisse», un nouveau livre magnifiquement illustré, qui nous entraîne dans l’univers subaquatique secret de certaines étendues d’eau en Suisse. Il y a des poissons, mais pas seulement. Images à découvrir sur notre site

Un sandre mâle défend vigoureusement les œufs reposant sur le fond de la rivière.
Un sandre mâle défend vigoureusement les œufs reposant sur le fond de la rivière.

Kessava Packiry

Publié le 23.10.2014

Temps de lecture estimé : 7 minutes

Une sélection de belles photos prises par Michel Roggo à voir ici
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C’est une image qui semble avoir été prise dans le Rio Negro, en Amazonie. Mais c’est bien dans une tourbière helvétique que l’objectif de Michel Roggo s’est plongé. Avec cette volonté de montrer l’autre réalité: «De l’extérieur, l’eau d’une tourbière paraît noire. Sous la surface, elle est en fait rouge. Il y a de nombreux livres sur les océans, mais très peu sur l’eau douce. J’avais envie de faire découvrir aux gens ce qui se trouve sous la surface de ces cours d’eau qui coulent devant nos portes.»

Après «Eau douce», sorti en 2008, le photographe fribourgeois retrouve son thème favori en publiant «eau.suisse», aux Editions Werd Verlag. «Il était important pour moi de faire quelque chose uniquement sur la Suisse. Dans le précédent bouquin, il y avait un mélange d’images prises ici et ailleurs dans le monde. Il n’y avait pas de fil rouge.»

La Singine, cette rivière sauvage

Superbe ouvrage de 288 pages, commenté en trois langues (allemand, anglais et français), «eau.suisse» est décomposé en de nombreux chapitres, qui sont autant de portes d’entrée vers la diversité des paysages aquatiques de la Suisse. Quatre régions sont principalement mises en valeur: le glacier du Gorner, près de Zermatt, le val Verzasca, la Gruyère près de Charmey et, évidemment, la Singine, pour ses marais et la rivière qui a donné son nom au district. «C’est la seule rivière au nord des Alpes à être restée sauvage, sans aucune infrastructure hydroélectrique sur son cours», rappelle fièrement le Singinois.

Dans «eau.suisse», il y a des images de poissons. Mais pas seulement. Auteur de la préface, Thomas Vellacott, directeur général du WWF Suisse, décrit: «Michel Roggo montre la fascination de l’eau sous toutes ses facettes. Paysages, plantes et animaux. Des couleurs intenses visibles dans des profondeurs sans fin. Et des formes qui flottent dans des courants invisibles. Une diversité infinie se dévoile.»

Et il y a ces photos de paysages, qui invitent irrésistiblement à la balade. «Il ne s’agit surtout pas d’un guide, mais bien d’un livre photographique», insiste Michel Roggo, qui a accompagné les quelque 200 images de légendes sobres. Les lecteurs avides de plus longs textes pourront toujours se jeter sur la passionnante interview qu’accorde l’auteur, en fin de bouquin.

On y découvre au passage que cet homme de 63 ans, spécialisé dans la photographie subaquatique, craint l’eau, et qu’il s’est mis à la plongée il y a trois ans seulement. Notamment pour photographier, lui qui avait essentiellement axé sa technique sur un système de déclenchement à distance, depuis le bord. Une technique qui a fait de Michel Roggo, qui a monté plus de trente expositions dans le monde entier, le spécialiste international de la photographie d’eau douce.

Pas de quoi laisser le Fribourgeois se contenter de l’acquis. «J’ai beaucoup appris depuis la sortie de mon ancien livre. J’ai pu investir dans du bon matériel, et acquérir une plus grande expérience.» Aujourd’hui poursuit-il, il a aussi davantage confiance en lui: «J’ai la conviction que j’arriverai à réaliser de belles photos, tel un musicien expérimenté qui improvise.» Michel Roggo confie toutefois avoir repris pour son livre une petite dizaine de clichés qui figuraient déjà dans «Eau douce». A l’instar de cette carpe nageant dans une forêt subaquatique presque surréaliste.

Enfin, petite entorse à la ligne rouge d’«eau.suisse»: la présence de saumons… Michel Roggo s’en explique: «J’ai pris ces photos au Canada. Si elles figurent dans le livre, c’est parce que j’estime que le saumon fait partie de notre patrimoine. Autrefois, ils traversaient Fribourg pour aller frayer en Gruyère! Je veux lutter contre l’oubli. Et rappeler aussi que depuis des années, des œufs sont incubés en Alsace et les jeunes saumons lâchés en Suisse, près de Bâle, dans l’espoir qu’ils rejoindront la mer. Et qu’un jour ils reviendront.» I

= > «eau.suisse», 288 pages, Editions Werd Verlag, 27x30 cm, 59 francs. Le livre sera officiellement verni le vendredi 31 octobre, dès 18 h, au Musée Gutenberg, à Fribourg. Un diaporama du «making of» de l’ouvrage sera notamment projeté. > http://www.roggo.ch

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Un projet autour du monde

L’idée de réaliser ce livre découle du «Freshwater project», un projet personnel, lié à l’eau douce, dans lequel s’est lancé Michel Roggo il y a quatre ans. «Je me suis donné pour mission de photographier une trentaine d’endroits autour de la planète. Dans ce cadre, j’avais photographié plusieurs lieux en Suisse. J’avais donc suffisamment de matériel pour réaliser ce livre.»

Le «Freshwater project» est né à la suite d’un voyage en Islande: «Je voulais photographier des saumons. Mais il pleuvait et la rivière était trouble. Un de mes amis m’avait dit que non loin de là se trouvait une faille étroite d’où jaillissait une eau très cristalline. J’y suis allé. J’ai fait des photos pendant deux heures. Et j’ai eu vraiment l’impression d’avoir capté l’esprit de cet endroit. C’est en rentrant que j’ai eu cette idée d’aller saisir d’autres lieux autour du monde. Toujours en travaillant très rapidement, et en m’aidant parfois de guides sur place. L’été prochain, j’en aurai terminé avec ce projet.»

Un projet dont les photos - en partie visibles sur son site internet - devraient faire l’objet d’une expo lors de l’ouverture en 2016 d’Aquatis, à Lausanne, le centre de compétence dédié à l’eau douce.

En attendant, «Freshwater project» suscite l’intérêt des organisations de défense de l’environnement et des agences gouvernementales des pays où Michel Roggo a posé sa caméra. «Elles souhaitent pouvoir utiliser mes images. Ce que j’accorde volontiers. Mon projet est photographique avant tout. Je ne peux pas sauver la planète. Mais si on peut se servir de mes images pour sensibiliser les gens, je suis content.»

Financièrement, le projet de Michel Rogo ne reçoit aucun appui. «Je dois me débrouiller seul. Et vendre mes images pour pouvoir financer le prochain voyage. Celles du Kamtchatka ont bien marché. Mais ce n’est pas toujours le cas. Dernièrement j’étais au Groenland, où j’ai dû louer un hélicoptère: ça m’a coûté à peu près le double que ce que j’ai payé pour ma dernière voiture. Une occasion, certes, mais quand même…» 

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