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Un néo-nazi acquitté après avoir effectué un salut hitlérien au Grütli

Justice • Un salut hitlérien n'est pas punissable en Suisse s'il n'a d'autre but que d'afficher des convictions personnelles. Le Tribunal fédéral (TF) a acquitté un néo-nazi, qui avait tendu son bras devant lui lors des manifestations d'extrême droite au Grütli en 2010.

Il avait été condamné par la justice uranaise à 300 francs d'amende et 10 jours-amende avec sursis pour discrimination raciale. Le Tribunal fédéral a annulé cette condamnation. © Keystone (photo prétexte)
Il avait été condamné par la justice uranaise à 300 francs d'amende et 10 jours-amende avec sursis pour discrimination raciale. Le Tribunal fédéral a annulé cette condamnation. © Keystone (photo prétexte)

ATS/LIB

Publié le 22.05.2014

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Le 28 mai 2013, il avait été condamné par la justice uranaise à 300 francs d'amende et 10 jours-amende avec sursis pour discrimination raciale. Le 8 août 2010, pendant le récit du serment du Grütli, extrait du «Guillaume Tell» de Schiller, le néo-nazi avait fait le salut hitlérien pendant une vingtaine de secondes.

En dernière instance, le Tribunal fédéral annule cette condamnation. Il rappelle qu'une discrimination raciale punissable implique la propagation d'une idéologie raciste, comme des nazis. «Faire le salut hitlérien en public ne constitue pas une discrimination raciale punissable pénalement si l'intention est uniquement d'afficher les convictions nationales-socialistes personnelles» écrit la Cour dans l'arrêt rendu public mercredi (arrêt 6B_697/2013 du 28 avril 2014, texte en allemand).

Viser à influencer d'autres personnes

Le simple fait d'oser le salut hitlérien pour montrer sa position d'extrême droite en présence d'autres personnes ne tombe pas sous le coup du Code pénal. Pour être punissable, il faut que le geste vise à influencer d'autres personnes.

Dans le cas d'espèce, le TF juge que l'homme n'avait pas pour but de faire de la propagande auprès de tiers. Lorsqu'il a tendu son bras devant lui, il n'avait pas pour objectif de rallier à l'idéologie nationale-socialiste d'autres participants à la manifestation.

La décision du TF est conforme sur ce point à la position du Conseil fédéral, qui s'était exprimé dans ce sens dans un rapport du 30 juin 2010 concernant le classement d'une motion demandant l'interdiction de l'utilisation publique de symboles racistes.

Martine Brunschwig Graf déplore ce jugement

Pour la présidente de la Commission fédérale contre le racisme (CFR) Martine Brunschwig Graf, le salut hitlérien «reste inacceptable». Et le jugement du Tribunal fédéral (TF) montre que les juges n'abusent pas de la norme pénale antiraciste.

Le geste, effectué sur le Grütli le 8 août 2010 dans le cadre d'une réunion de membres du Parti des Suisses nationalistes (PSN), était également visible des policiers présents, ainsi que des promeneurs. Mais le TF a jugé qu'en l'espèce, il ne visait pas à propager le national-socialisme.

Il faut par contre s'attendre à ce que le salut hitlérien soit exécuté plus fréquemment lors de manifestations d'extrémistes de droite, estime le journaliste Hans Stutz, expert de la scène d'extrême-droite suisse, interrogé par l'ats.

«Propagation», une notion imprécise

«Les juges ont tellement restreint la notion de «propagation» dans la norme pénale antiraciste, que ni un salut nazi ou un «Heil Hitler» ne peuvent passer pour de la «propagation d'une idéologie raciste», avance encore M. Stutz. Il est ainsi difficile d'aboutir à une condamnation.

Le terme «propagation» est d'ailleurs délibérément imprécis, remarque Marcel Niggli, professeur de droit à l'Université de Fribourg. Arborer un symbole nazi par exemple n'est pas considéré comme une propagation de l'idéologie. Il faut pour cela utiliser le symbole dans un acte de prosélytisme, estime-t-il.

C'est le caractère public de l'éventuelle infraction qui est au centre de la norme pénale contre le racisme, analyse pour sa part Mme Brunschwig Graf. Ce jugement est la preuve que la liberté d'expression a un poids et que la loi est appliquée de manière réfléchie.

Du point de vue de la CFR, cette preuve est certes désagréable et décevante, mais pas surprenante. Le TF s'est déjà prononcé de manière restrictive par le passé.

Symboles nazis pas interdits

En outre, la présidente ne croit pas que les Suisses seraient d'accord d'étendre la norme antiraciste au domaine non-public. Bien au contraire, les efforts au parlement vont plutôt dans l'autre sens: le Conseil national a rejeté lors de la session de printemps une motion d'Oskar Freysinger (UDC/VS) visant à l'affaiblir.

Les tentatives pour la renforcer ne sont pas plus couronnées de succès: le Conseil fédéral et le parlement ont renoncé il y a trois ans à interdire les symboles nazis. Dans ce contexte, «la première priorité de la CFR est que la norme pénale antiracisme continue d'exister», conclut la présidente. Le peuple l'avait adoptée en 1994 avec 54,6% des suffrages.

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