La Liberté

Un report qui fâche les maîtres

Ecole • L’Instruction publique du canton de Fribourg a décidé de prolonger d’une année l’actuelle procédure de préorientation, la redoutée PPO, avant de la remplacer. Les enseignants sont remontés.

Les élèves du primaire soumis à l’examen de passage vers le CO vont devoir suer une année de plus. © Alain Wicht-a
Les élèves du primaire soumis à l’examen de passage vers le CO vont devoir suer une année de plus. © Alain Wicht-a

Claude-Alain Gaillet

Publié le 25.03.2015

Temps de lecture estimé : 6 minutes

«Une fois de plus, on nous prend pour des pigeons. Là, c’est la goutte qui fait déborder le vase!» C’est peu dire que Gaétan Emonet est remonté. Le courroux du président des enseignants primaires fribourgeois francophones (SPFF) est dû au courrier récemment reçu de la Direction de l’instruction publique. Dans sa missive, la DICS indique qu’elle reporte d’une année, en 2017, l’introduction de la nouvelle procédure de préorientation (PPO). Ce nouvel examen de passage entre l’école primaire et le cycle d’orientation aurait dû être introduit l’année prochaine déjà («La Liberté» du 13 janvier). Soit dans l’année d’introduction de la nouvelle loi scolaire, qui entrera en vigueur le 1er août prochain.

En cours ces jours, la PPO est redoutée autant par les élèves que par leurs parents et les maîtres primaires. Ce stress général est dû au poids que revêt cet examen de passage vers une des filières du CO. «Avec les notes de l’élève, l’avis du maître et l’avis des parents, la PPO est l’un des quatre critères qui fondent la décision d’orientation», éclaire Gaétan Emonet.

Faire baisser la pression

La nouvelle loi scolaire donne l’occasion de revoir les modalités de ces épreuves si redoutées, d’en réévaluer l’importance et d’harmoniser les pratiques entre parties francophone et alémanique. Un groupe de travail paritaire, représentant les instituteurs des deux communautés linguistiques, les inspecteurs et les responsables du secondaire 1, soit quatorze personnes, a proposé une variante, dans des délais très courts pour permettre l’introduction de la nouvelle PPO l’année prochaine. Ce groupe a remis son rapport de trente pages à la DICS à la fin janvier.

«Le rapport comporte un calendrier qui aborde les questions à régler pour tenir le délai de 2016», indique Gaétan Emonet. Les poids des quatre critères évoqués plus haut ont été réexaminés et rééquilibrés pour faire baisser la pression sur les élèves, les parents et les enseignants. «Notre rapport propose de redonner plus d’importance aux avis du maître et des parents. La PPO serait aussi soumise aux élèves plus tard, vers la fin de l’année scolaire», explique l’instituteur de Remaufens.

Des discussions complexes

Selon le communiqué diffusé hier par la SPFF, la DICS justifie son report d’un an pour deux raisons. D’une part, la mise en consultation du règlement d’application de la loi scolaire. D’autre part, les discussions «complexes» qui doivent être menées avec le secondaire 2 afin d’assurer le suivi du cursus d’un élève qui veut entreprendre des études gymnasiales.

«Cet argument de la consultation me fait bien rigoler», raille Gaétan Emonet. «Ce n’est pas une excuse. Car il est tout à fait possible d’introduire cette nouvelle PPO en 2016», assure-t-il. «Quand il s’agit d’introduire des mesures d’économie dans l’enseignement, il n’y a pas de problème!», ironise celui qui est aussi député socialiste.

L’argument des discussions difficiles avec le secondaire 2 le fait également sourire. «Pourquoi faudrait-il plus de temps et de discussions au secondaire 2? A nous, au primaire, on impose tout. C’est ça qui m’énerve.» Devant cette décision «surprenante et incompréhensible» de la DICS, la SPFF demande donc «avec insistance» de la reconsidérer, «pour le bien des enseignants, des élèves et de leurs parents».

Jean-Pierre Siggen critiqué

Ce report d’un an de la nouvelle PPO illustre les difficultés liées à l’introduction de la nouvelle loi scolaire. Et là, Gaétan Emonet n’est pas tendre à l’égard de Jean-Pierre Siggen, le patron de la DICS. «Il n’a pas pris les bonnes décisions. L’entrée en vigueur de cette loi au 1er août s’est faite précipitamment, sans une réelle analyse des incidences et des besoins en personnel et des besoins financiers. Il n’y a pas de réflexion de fond sur l’évolution de l’école, sur les cinq ans à venir», fait-il remarquer.

«Beaucoup de questions restent en suspens et de nombreux point cruciaux sont encore en chantier, en particulier la direction des établissements par les responsables (les RE), qui naviguent dans une incertitude pesante», expose le communiqué de la SPFF. «On est en train de pondre seulement maintenant le cahier des charges des RE. Ça va pas aller du tout! Ce qui inquiète les enseignants primaires, c’est que rien n’est prêt, il n’y a pas d’information. Par exemple, on ne sait encore rien sur la nouvelle organisation de l’inspectorat. Ça commence à faire vraiment beaucoup!», lâche le président de la SPFF.

Avoir une vue cohérente

Sollicitée pour un éclaircissement, la DICS a répondu hier à «La Liberté» par courriel. La proposition du groupe de travail PPO a été intégrée dans le projet de règlement qui sera mis prochainement en consultation. «Comme convenu, la DICS souhaite attendre les résultats de cette consultation et connaître le point de vue de tous les partenaires au projet avant de se déterminer», écrit Marianne Meyer Genilloud, conseillère scientifique. «La mise en œuvre de la loi scolaire comporte un grand nombre de chantiers qui doivent être menés de façon cohérente et être fondés sur des règles légales dûment adoptées», précise-t-elle. Et de renvoyer à la conférence de presse, prévue après Pâques, qui sera consacrée à cette mise en consultation.

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