La Liberté

Une inspection se termine en bastonnade

Broye • La récente inspection d’une étable par le Service vétérinaire s’est mal terminée. Estimant que cette visite était une violation de domicile, l’exploitante a menacé les agents. Des coups ont volé et le sang a coulé.

Anne-Marie Schwab s’est défendue avec une fourche. © McFreddy
Anne-Marie Schwab s’est défendue avec une fourche. © McFreddy
L'inspecteur du service vétérinaire a été blessé à la main. © DR
L'inspecteur du service vétérinaire a été blessé à la main. © DR
L'agricultrice a été blessée au cou. © DR
L'agricultrice a été blessée au cou. © DR

Claude-Alain Gaillet

Publié le 18.10.2014

Temps de lecture estimé : 7 minutes

C’est une scène digne du Far West qui s’est déroulée il y a une dizaine de jours dans une ferme de Chandon. L’inspection de l’étable par deux agents du Service de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (SAAV) a tourné au vinaigre à l’arrivée d’Anne-Marie Schwab, qui exploite le domaine avec sa mère.

Selon ses dires, l’agricultrice de 40 ans, absente de son domicile au début de l’inspection, a été alertée, par un téléphone de son fils, de la présence des deux contrôleurs du SAAV, un homme et une femme. Les deux inspecteurs étaient accompagnés du frère de l’exploitante.

Lorsqu’elle rapplique, vers 17h, Anne-Marie Schwab monte les tours. «Je n’ai pas été avertie de cette visite. Depuis quatorze ans que je travaille sur cette exploitation, on nous a toujours annoncé ces inspections à l’avance. Pour moi, il s’agit d’une violation de domicile. Sans mon accord, ils n’ont pas le droit d’être là! C’est ce que je leur ai dit. C’est vrai, je me suis énervée et j’ai tutoyé cet inspecteur, que je ne connaissais pas. Il m’avait présenté sa carte mais je n’ai pas retenu son nom. A son tour, il m’a insultée», raconte-t-elle.

Toujours selon l’exploitante, c’est à partir de ce moment que la situation a dégénéré. «L’inspecteur a empoigné un manche de fourche qui avait encore un bout de ferraille à son extrémité. Il m’a frappée et blessée à l’arcade sourcillière, dans le cou et sur la main gauche. Pour me défendre, j’ai, par après, pris une fourche et je les ai menacés, en leur ordonnant de partir. Je n’ai touché personne», affirme Anne-Marie Schwab.

Une autre version des faits

Cette version des faits, reprise par le «Schweizer Bauer» dans son édition de mercredi, diffère sur plusieurs points de celle exposée hier à «La Liberté» par Samuel Russier, secrétaire général à la Direction de l’agriculture, et Grégoire Seitert, le vétérinaire cantonal, sur la base du témoignage des deux inspecteurs.

Il faut d’abord savoir que l’exploitation broyarde est actuellement dans une phase de succession, son ancienne responsable, la sœur d’Anne-Marie Schwab, étant décédée il y a trois mois. L’annonce de cette visite a ainsi été faite par écrit dix jours avant au frère de l’agricultrice, domicilié en Sarine et qui ne travaille pas le domaine. «C’est l’adresse officielle de la succession. Il n’appartient pas à l’autorité de surveillance vétérinaire de prendre parti pour l’un ou l’autre héritier. Du moment que le frère était informé de la visite et accompagnait les inspecteurs, les choses étaient en ordre», indique Samuel Russier.

Quant à l’altercation entre Anne-Marie Schwab et les deux inspecteurs, elle aurait commencé dès l’arrivée de l’exploitante énervée, alors que le contrôle était terminé. Après leur avoir dit de partir, l’agricultrice serait allée chercher ses trois chiens, menaçant de les lâcher contre les deux agents et proférant des menaces. C’est pour éloigner les canidés que l’inspecteur se serait saisi du manche en bois. Sur quoi, les contrôleurs ont voulu regagner leur voiture. Et c’est là qu’Anne-Marie Schwab les aurait pourchassés avec sa fourche. Pour protéger sa collègue agrippée par l’agricultrice, le contrôleur se serait interposé entre les deux femmes. Ensuite l’agent se serait fait blesser à la main par une pointe de la fourche et sa collègue se serait aussi fait molester. L’agricultrice aurait également tenté de crever les pneus de leur véhicule.

Hélée par les contrôleurs, une automobiliste de passage a appelé la police, qui s’est rendue sur les lieux. Le rapport des policiers n’a pas encore été communiqué aux parties.

Première plainte déposée

Vu la gravité des faits, Grégoire Seitert a dénoncé pénalement l’agricultrice pour menaces, contrainte, lésions corporelles simples, voies de fait et violence à l’égard des fonctionnaires. «Nos procédures de contrôle sont très claires. Nos inspecteurs ne sont pas là pour taper sur les gens ni pour se faire violenter! Ils sont là pour constater les conditions de détention. Dans le cas particulier, ils n’ont fait que défendre leur intégrité corporelle», indique le vétérinaire cantonal.

Anne-Marie Schwab veut également déposer plainte, pour violation de domicile, lésions corporelles, voies de fait et menaces. En outre, l’agricultrice en veut à son frère, qu’elle accuse d’être à la source de «toute cette histoire». Saisi du dossier, le procureur Raphaël Bourquin indique qu’il ouvrira son enquête une fois toutes les plaintes annoncées reçues.

***

L’exploitation ne répond pas aux normes

La visite des inspecteurs du SAAV fait suite à des dénonciations de tiers. Mais l’exploitation de Chandon, qui détient actuellement dix-huit vaches laitières, est dans le collimateur du service depuis quelques années. Ce que les inspecteurs ont constaté il y a dix jours devrait également faire l’objet d’une dénonciation pour non respect des dispositions sur la détention des bovins. «Il y a de grosses lacunes. Cette exploitation fait partie des 3% d’exploitations dans le canton qui ne sont pas aux normes», indique Grégoire Seitert. En cause, selon le vétérinaire cantonal: le manque de lumière à l’étable, le manque d’eau, des litières insuffisantes, une forte souillure des animaux, un manque de fourrage grossier, un manque de soins. «Il va falloir corriger tout ça.»

«L’agriculture est un métier difficile, qu’il faut exercer avec doigté. Des contrôles sont nécessaires pour la crédibilité de l’agriculture», commente pour sa part Marie Garnier. La directrice de l’Agriculture a entendu séparément les deux inspecteurs. «Ils sont encore sous le choc. Je leur exprime mon soutien.»

Anne-Marie Schwab se défend d’être à l’origine de tous ces problèmes de normes: «Cette exploitation appartenait à ma sœur. Je ne suis au courant de rien. Ma sœur me disait que cela ne me regardait pas. Moi, je suis juste une employée, qui bosse bénévolement. Je me dépatouille comme je peux pour ne pas laisser les bêtes aller en vrille. Ces vaches sont actuellement portantes. Ma maman, qui a 72 ans, veut gentiment arrêter.»

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