Règles strictes, souplesse et élégance
A Saint-Aubin, la gymnastique rythmique (GR) a trouvé ses adeptes. La discipline est exigeante
Nouveauté » Les paroles de la monitrice sont claires et autoritaires. «On tire ses épaules», dit-elle. «On reste bien droite», rappelle-t-elle un peu plus tard. Le groupe de GR (gymnastique rythmique) de Saint-Aubin, nouvellement créé, s’entraîne. La séance commence par une interminable partie d’échauffement. Ce jour-là, en plein camp durant les vacances, 15 grandes gymnastes et huit plus petites occupent la salle broyarde. «1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8», répète à chaque exercice l’une des fillettes chargées de dicter le rythme. «A gauche. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8!» La monitrice intervient: «Les jambes tendues, le bassin travaille!»
Les grandes ont commencé leurs séries de battements. Les plus jeunes poursuivent les étirements. La petite boule, le sphinx, le dos rond, le dos cambré: les figures se succèdent. «1, 2, 3, 4, 6, 7, 8». La petite a sauté un temps. Gagné un mouvement, peut-être. «Les talons ensemble», corrige la monitrice. «Bravo, Alexia! C’est super. On fait le pont…» Un éclat de rire. Une jambe est mal tendue. «Vos talons doivent toucher le sol!» Une petite a son chignon défait. La monitrice recoiffe sans manquer une miette de ce qui se passe à côté. «C’est bien Coralie, Anaïs…»
De cinq à treize ans
La discipline est exigeante, la pratique répétitive. Le lancement de ce premier groupe de GR fribourgeois a pourtant été bien accueilli. «Le groupe fonctionne, assure la responsable Yasmina Humbert. Nous avons 26 gymnastes assidues réparties en trois catégories: débutante, régionale et performance. La charge d’entraînements hebdomadaires (de deux fois 2 h + un samedi par mois à trois séances de 2 h ou plus, couplées à deux samedis, ndlr) dépend du niveau.» La plus jeune a cinq ans, la plus âgée treize.
Yasmina Humbert a vingt ans d’expérience dans la GR, comme monitrice ou juge de 1999 à 2016. Elle a distillé son savoir sur Neuchâtel avant de le faire depuis le début de l’année à Saint-Aubin (voir ci-dessous). «Si je parais sèche dans mes paroles, c’est lié à la discipline. Une monitrice doit être cadrante dès le début. Les gymnastes apprennent la persévérance et l’application.» Educatrice de la petite enfance, la responsable de 41 ans réside à Gletterens. La plupart de ses collaboratrices viennent de Neuchâtel. «Dans le canton de Fribourg, à l’exception de l’artistique, il n’y avait pas de gymnastique d’élite.» La Vulliéraine Julie Pantillon, membre des cadres nationaux jusqu’en 2016, a la responsabilité de la danse, sa spécialité, et des aspects chorégraphiques. Elle enseigne les bases du ballet.
Gracieuse et élégante
Avides d’apprendre, les jeunes filles ne rechignent pas à la besogne. «Elles sont motivées, reconnaît Yasmina Humbert. Nous avons bien expliqué qu’il s’agissait d’un sport difficile. Il faut de l’abnégation, de la discipline et de l’attention. Les filles se présentent coiffées et en justaucorps. Celles qui n’apprécient pas arrêtent.»
Féminine, la discipline est aussi discriminatoire. «Il faut être gracieuse et élégante, avoir de la motricité, de la souplesse, une bonne tenue et surtout l’envie. Cela ne doit pas être une obligation, mais une passion.» La cotisation, de 500 à 1000 francs, n’est pas donnée. «C’est plus cher que la normale dans une société de gym, mais il n’y a pas qu’une heure de cours par semaine.» Il arrive aussi qu’une fille ne soit pas acceptée. «Tous les types de morphologies ne permettent pas de pratiquer la GR. C’est comme au foot: si un enfant n’assimile pas la technique, on le laisse sur le banc.»
L’échauffement paraît interminable. Les petites comme les grandes sont à plat ventre et se cabrent afin de passer leurs pieds au-dessus de leurs têtes. Acrobatique. «Les exercices sont répétés très souvent. L’intention est de créer des automatismes», explique Yasmina Humbert. Les filles travaillent peu avec cordes, rubans, massues, ballons ou cerceaux. «On fait beaucoup de mouvements, aussi des sauts. Nous travaillons l’équilibre, sans engin.»
Toutes s’entraînent et répètent les gestes, précis, à la maison. «La preuve qu’elles sont passionnées. Et elles sont fières de montrer ce qu’elles ont travaillé lorsqu’elles reviennent à l’entraînement.» Le groupe GR de Saint-Aubin prépare la soirée de la société. Les premières compétitions, régionales et en catégorie «ensembles», sont agendées en 2019.
Une société dynamique qui a décidé de tenter l’expérience
Grégory Dessibourg, président de Gym Saint-Aubin pour la dixième année, raconte la naissance du groupe de GR.
«Notre société a fêté son 75e anniversaire l’année dernière, rappelle Grégory Dessibourg. A cette occasion, un parent de gymnaste engagé dans notre section athlétisme m’avait mis en contact avec Yasmina Humbert.» En décembre, Saint-Aubin annonçait la création d’un groupe de GR. «A la suite d’un froid survenu à Neuchâtel, Yasmina Humbert, qui avait d’ailleurs déménagé à Gletterens et qu’une dizaine de gymnastes avaient décidé de suivre, m’a proposé de monter ce groupe sur Fribourg. Nous sommes une société dynamique et, après discussion au comité, nous avons décidé de tenter l’expérience.»
«Notre société n’a pas la renommée de Bulle, Cugy ou Courtepin, en termes de performance», rappelle le président. «Nous avions rencontré Yasmina Humbert et constaté que le projet était déjà monté, clés en main. Le groupe devait seulement faire partie d’une société pour se développer. Nous avons relevé le défi. Une vingtaine de jeunes filles ont participé au premier cours, le 20 janvier.» Les entraînements ont lieu à Saint-Aubin ou Gletterens.
La société broyarde est passée de 300 membres (12 groupes, 25 moniteurs) à 380 membres (14 groupes, 39 moniteurs) pour cet exercice 2018-2019. «Nous avons passablement grandi, notamment avec la GR qui concerne 32 filles et occupe dix monitrices. La renommée va bien plus loin que la Broye. Nous n’avons pris aucun risque en proposant ces cours. Si cela fonctionne, tant mieux. Nous sommes sur la bonne voie» se réjouit Grégory Dessibourg. PAM
«Mieux que les agrès»
Léane a découvert la GR avec le groupe broyard. «J’aime la souplesse, mais pas les sauts périlleux. C’est donc mieux que les agrès ou l’artistique, moins dangereux, assure-t-elle. Je m’entraîne souvent à la maison. Je fais des roues et plein d’exercices. Les souplesses avant ou arrière, ce n’est pas donné. Mais c’est sympa.» PAM