La dernière saison de «Succession» est lancée
Il est déjà l’heure de regarder la dernière saison de Succession, qui taille toujours dans le vif. La géniale et impitoyable série est à suivre sur RTS
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Aurélie Lebreau
31 mars 2023 à 15:14
Empire » Sur le papier, ils ont eu une enfance parfaite. Ils ont habité de vastes demeures, ont participé à des fêtes grandioses et ont voyagé. Ils ont toujours été bien habillés et ont commencé à fumer le cigare sans encore avoir de poil au menton. Ils ont eu des chevaux et fait du ski à Aspen. C’est ce que dit le génial générique de Succession (HBO), dont la diffusion de la quatrième et dernière saison vient de débuter sur RTS. La vie devrait donc être douce pour les quatre enfants devenus adultes du milliardaire et magnat des médias Logan Roy (Brian Cox, absolument prodigieux). Mais bien sûr, sous la plume au vitriol du Britannique Jesse Armstrong, le créateur de la série, il en va tout autrement. Les héritiers sont ratés, instables, drogués ou émotionnellement inadaptés.
Le quatrième acte s’ouvre sur l’anniversaire du patriarche. Dans son immense appartement new-yorkais, sa cour est réunie. Ses prétendus amis aux sourires trop blancs, ses collaborateurs dévoués mais craintifs de ses débordements colériques. «Bienvenue au bal des monstres, des putain de monstres», peste-t-il en début d’épisode en toisant ses invités. Le ton est donné. De ses enfants, seul l’aîné, Connor (Alan Ruck), le faible de la fratrie qui s’est lancé dans la course à la Maison Blanche et ne récolte même pas 1% des intentions de vote, est présent pour fêter son père. Les trois «petits», Kendall (Jeremy Strong), Roman (Kieran Culkin) et Shiv (Sarah Snook), à l’autre bout du pays, sont en train d’ourdir pour faire capoter les affaires de leur géniteur. «Tu as eu des nouvelles des rats?», demande Logan à son gendre, en parlant de ses trois rejetons. Le vieil homme s’emmerde ferme dans cette mondanité hypocrite. Mais ça ne va pas durer…
Et voilà comment Jesse Armonstrong fait d’un événement anodin et si commun – une fête d’anniversaire – une séquence qui envoie tout le monde dans les cordes et au cours de laquelle chaque personnage montre le pire de lui-même, comme c’est souvent le cas dans Succession.
Ne nous méprenons pas
Car la famille Roy n’a rien de banal. Elle dysfonctionne avec talent et régularité. Ça, c’est assez courant, sauf qu’elle, elle défaille avec le spectre de milliards de dollars à se partager. Et là, ça change tout. Pour quelques millions de plus, tous les coups sont permis. Après avoir cherché, sans succès et avec de nombreux dommages en prime, à être celui qui allait succéder à son père, les trois cadets ont cessé de s’écharper et se retrouvent enfin unis dans cette quatrième saison. Mais que personne ne se méprenne sur la nature de cette nouvelle harmonie fraternelle. Elle ne repose que sur une seule volonté commune: déboulonner le paternel.
Succession ne dit rien d’autre que cette terrible dualité condamnant le père et ses enfants à des souffrances sans fin
On a souvent, et à juste titre, comparé cette excellente série – l’une des meilleures de ces dernières années dans son écriture, dans le jeu des acteurs et dans ce qu’elle décortique – à une œuvre de Shakespeare. Car derrière les hélicoptères et les jets privés, les cohortes de petit personnel dévoué et les immenses baies vitrées, que dit cette série qui puise son inspiration dans la trajectoire de Rupert Murdoch? Elle dit un magnat ultra-puissant, en connexion directe avec la Maison-Blanche, doublé d’un patriarche rude et souvent cruel qui, tel un monarque, prépare ses descendants depuis leur naissance à lui succéder. Logan Roy est tout cela à la fois, mais il est aussi cet homme qui, dans le tréfonds de ses tripes, ne peut se résoudre à transmettre son royaume qu’il a entièrement bâti de sa cervelle et de ses mains, car cela équivaudrait à accepter son entrée dans l’ombre, son effacement, sa lente descente vers la mort. Succession ne dit rien d’autre que cette terrible dualité condamnant le père et ses enfants à des souffrances sans fin.
Remercions-le
«Nous avons joué différents scénarios: nous aurions pu faire quelques courtes saisons, ou deux saisons supplémentaires. Ou nous aurions pu continuer pendant des heures et transformer la série en quelque chose d’assez différent, et être un genre de spectacle amusant plus long et plus libre, où il y aurait de bonnes semaines et de mauvaises semaines», expliquait récemment Jesse Armonstrong au New Yorker, en justifiant sa décision de ne pas remplier pour une saison de plus. Remercions-le, ainsi qu’HBO qui l’a soutenu dans sa décision, de n’avoir pas voulu inutilement délayer son propos. Succession restera ainsi un objet pur et violent. Un diamant brut flirtant avec la perfection.
Le lundi sur RTS Un à 22h45 ou sur PlayRTS.
Petits portraits à l’acide
En plus d’un épisode (60 minutes) par semaine, le premier est déjà disponible, la RTS propose sur son site d’exquis petits portraits de Logan Roy (Brian Cox) et de ses quatre enfants, Connor (Alan Ruck) et de ses cadets Kendall (Jeremy Strong), Roman (Kieran Culkin) et Siobhan, Shiv, (Sarah Snook), les protagonistes de Succession. Durant chacun deux minutes (et c’est fou tout ce que l’on peut dire dans un laps de temps aussi concis), ces petits bijoux reprennent des extraits et des répliques des trois premières saisons pour dresser une image assez précise, et jamais flatteuse, de ces personnages géniaux, tout à la fois abjects et attachants.
Ces cinq concentrés de Succession mettent en valeur la qualité éblouissante des dialogues, souvent corrosifs, piquants, voire méchants, qui traduisent la vivacité des esprits en présence, mais surtout les immenses douleurs que trimballent ces héros, surtout les quatre héritiers de Logan Roy. Car sous leurs dehors de milliardaires décontractés, ils sont lacérés par des failles profondes. AL
Dans Succession ou Yellowstone, le poids d’un patriarche
Parallèlement à la dernière saison de Succession, la RTS vient d’entamer la diffusion de la cinquième saison de Yellowstone. Là encore, pas facile d’être l’enfant de son père…
Il y a le patriarche urbain, qui fait de l’information et de l’ultraconnexion son fonds de commerce. D’un côté des Etats-Unis d’Amérique, on trouve donc Logan Roy (Succession), passant du jet au building new-yorkais avec la morgue du puissant, la casquette de baseball vissée sur le crâne pour ne pas être reconnu. Et de l’autre évolue un patriarche rural au cœur du Montana. John Dutton (Kevin Costner) règne sur le ranch familial Yellowstone (qui donne son nom à la série), le plus grand des Etats-Unis. Où l’on observe que tenir un territoire sauvage de milliers d’hectares n’est pas plus simple que diriger un empire médiatique.
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