Festival international du film de Fribourg 2023
FIFF. une page blanche à écrire pour le cinéma moldave
Ion Gnatiuc évoque les enjeux de l’industrie naissante du cinéma moldave
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Olivier Wyser
20 mars 2023 à 13:39
Festival du film » Petit pays de 2,5 millions d’âmes coincé entre l’Ukraine et la Roumanie, la République de Moldavie vole bien en dessous des radars de l’industrie cinématographique européenne. A l’époque soviétique, cette région sauvage était pourtant prospère grâce notamment aux studios Moldova-Film et aux centres culturels organisant des projections jusque dans les petits villages éloignés de la capitale Chisinau. Même si la liberté d’expression était muselée par Moscou, le cinéma moldave avait le mérite d’exister. Mais avec l’indépendance, en 1991, tout s’est arrêté. Aujourd’hui, la Moldavie se reconstruit une identité à travers des films de fiction et des documentaires, mais le chemin est sinueux et semé d’embûches pour les réalisateurs et les producteurs qui œuvrent sans réel soutien institutionnel.
Ion Gnatiuc est l’un d’entre eux. Le producteur moldave a accepté l’invitation du Festival international de Fribourg (FIFF) et a officié en tant que curateur de la section Nouveau Territoire, consacrée au cinéma moldave. Il a choisi sept films, quatre documentaires et trois fictions, qui témoignent de la passion et de l’envie de la nouvelle génération. Ce panorama cinématographique est même le premier à prendre forme dans un festival international. Une lueur d’espoir pour les activistes de la pellicule de ce pays qui se sont déplacés en nombre à Fribourg. Rencontre.
Le FIFF vous a demandé de créer le premier panorama consacré au cinéma de Moldavie. Quel impact cela peut-il avoir?
«Fribourg nous offre pour la possibilité de montrer ce que nous faisons à large échelle»
Ion Gnatiuc
Ion Gnatiuc: Nous avons déjà eu des projections occasionnelles dans certains festivals ces dernières années mais en effet, Fribourg nous offre pour la première fois la possibilité de montrer ce que nous faisons à large échelle. Au-delà de nous offrir une visibilité dont nous avons cruellement besoin cela nous inspire et nous donne l’envie d’entreprendre d’autres démarches ailleurs pour nous faire connaître. Peut-être est-ce le début de quelque chose de plus grand.
A votre avis pourquoi le cinéma de Moldavie est-il si méconnu?
J’ai étudié en Roumanie et j’y ai vécu durant 9 ans. Lorsque je suis rentré au pays je me suis rendu compte que les tournages qui ont lieu chez nous viennent presque tous de l’extérieur. Ce qu’il manque c’est une vision propre. A ce stade les cinéastes moldaves sont déconnectés de l’industrie globale. Nous formons une communauté de passionnés mais nous n’avons pas encore ce qu’on pourrait appeler une industrie.
Y a-t-il des écoles de cinéma?
Il y a une académie pour la musique, les arts, le théâtre et le cinéma. Je dirais qu’il y a de bons professeurs mais l’institution reste déconnectée de ce que le marché attend. Il est difficile de se défaire de cette approche poétique et nostalgique héritée de l’époque soviétique. Le premier travail à faire lorsqu’on travaille avec des jeunes qui sortent de cette école est de les confronter à la réalité. La première chose à faire est d’apprendre à parler anglais. C’est indispensable si vous voulez créer des liens avec les autres pays européens.
De nouvelles institutions ont été créées ces dernières années…
Il y a une loi sur le cinéma depuis 2016 et en 2017 un centre national de cinéma a été créé. Nous en sommes encore aux balbutiements.
Les films que vous avez choisis pour la section Nouveau Territoire sont-ils représentatifs de ce qui se fait aujourd’hui en Moldavie?
«Ce qu’il manque c’est une vision propre»
Ion Gnatiuc
Je l’espère. Je pars du principe que si une histoire est bonne et qu’elle est bien racontée, alors elle peut parler à tout le monde. Au départ je voulais faire un panorama chronologique mais compte tenu de l’actualité en Ukraine j’ai préféré montrer là où nous en sommes aujourd’hui, à travers le travail de jeunes réalisatrices et réalisateurs. Cette nouvelle génération bosse dur et ne craint pas d’aborder des sujets tabous.
Cette nouvelle génération tente-t-elle d’exploser les codes?
Je ne dirais pas qu’elle est forcément révolutionnaire mais elle a envie d’amener des regards nouveaux. La plupart des cinéastes se forment dans d’autres pays mais ils reviennent car ils veulent se défaire de cette approche colonialiste où des productions étrangères viennent tourner chez nous pour montrer des beaux paysages et puis c’est tout…
Quels sont les traits de caractère de ce nouveau cinéma moldave?
Il y a plusieurs choses mais je dirais que les Moldaves ont appris à ne pas trop se prendre au sérieux. Nous avons tellement de problèmes que si nous n’apprenons pas à rire de nous-mêmes c’est la dépression assurée (rires). L’humour noir et l’autodérision sont des marqueurs. Mais d’une certaine manière notre cinématographie est encore une page blanche. Il nous reste à l’écrire. Je dirais aussi que depuis la guerre en Ukraine il devient de plus en plus clair pour nous que notre avenir est en Europe de l’Ouest même si géographiquement nous appartenons à la sphère d’influence de la Russie.
Compétition internationale
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