Courrier des lecteurs. Gare au poulet dit «suisse» et au nationalisme de l’assiette
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Alaric Kohler, Eco Transition La Broye, Saint-Aubin
2 septembre 2024 à 00:00
Pierre-André Page (29.8) interpelle les opposants à l’abattoir de Saint-Aubin au vu de la pénurie de poulet suisse. Ne devrait-on pas se réjouir d’augmenter les prix et la valeur ajoutée de ce produit si la demande excède l’offre? De fait, non, car cette consommation est dopée par des prix cassés – le poulet suisse souvent moins cher que le fromage – et une publicité massive, payée notamment par nos impôts.
Si M. Page s’était un tant soit peu intéressé aux oppositions, il aurait vu qu’on reproche le choix d’un lieu inadéquat – apport en eau non garanti, risques de crues et de pollution dans une région touristique et agricole – et la manière dont les procédures sont conduites pour une entreprise qui s’y prend trop tard pour rénover son industrie, outre les enjeux écologiques et éthiques. Si certains opposants sont domiciliés loin du village, c’est qu’il s’agit de l’abattoir de la Suisse, par sa taille. Mais c’est aussi parce que ces opposants visitent les campings environnants, où l’eau usée de l’abattoir arrivera à côté des plages après épuration.
Tous ces problèmes devraient disparaître avec l’étiquetage «suisse» du poulet? Ce nationalisme de l’assiette est de l’ordre de la pensée magique: en substance, tout ce qui est suisse est bon, et tout ce qui est étranger… Vous aurez compris. Et peu importe si le poulet «suisse» est nourri au fourrage importé, la main-d’œuvre des abattoirs surtout étrangère et les militants issus du terroir. Avec une telle superficialité de raisonnement, on est au moins sûr de rater la transition écologique et de se prendre la crise de plein fouet dans notre belle Suisse.