Paul Grossrieder
4 décembre 2023 à 15:40
Voilà déjà six ans qu’un million de Rohingyas vivent dans des conditions extrêmement précaires au Bangladesh. Cette ethnie musulmane, établie au Myanmar (Birmanie) dans l’Etat à majorité bouddhiste de Rakhine, a été violemment chassée du pays par l’armée le 25 août 2017. Pour la plupart, les Rohingyas ont trouvé refuge dans le golfe du Bengale, où ils sont installés dans des habitations de fortune, sans soins médicaux suffisants ni structures scolaires, et avec une alimentation déficiente. Les Nations Unies ont qualifié cette opération de «purification ethnique». En mai 2023, le terrible cyclone Mocha, qui a frappé le Bangladesh et le Myanmar, a encore aggravé le désastre humanitaire qui les touche.
Ce groupe minoritaire musulman a vécu pendant des siècles au Myanmar, pays à prédominante bouddhiste. Mais l’Etat, malgré la longue durée de leur présence, n’a jamais reconnu officiellement leur existence, et les bouddhistes ont régulièrement exercé des violences contre les musulmans. Depuis le coup d’Etat militaire de 2021 qui a chassé du pouvoir Aung San Suu Kyi, l’attitude gouvernementale s’est encore durcie. Dans l’Etat du Rakhine, tout s’est complexifié, car l’armée Arakan, un groupe militaire qui se bat pour une plus grande autonomie de la majorité bouddhiste, est en désaccord avec le gouvernement central.
Par ailleurs, le conflit existant entre différents groupes de Rohingyas constitue un défi majeur. Il faut ici mentionner que la région où sont installés leurs camps au Bangladesh se situe au cœur d’un des plus grands marchés de drogue au monde. Une tension croissante se développe entre le pays hôte et les réfugiés, et cette xénophobie se répand sur les réseaux sociaux où fleurissent des discours haineux de plus en plus violents.
La géopolitique de la région exacerbe aussi la crise des Rohingyas. La Chine et l’Inde, voisines du Myanmar, y sont des acteurs majeurs. La Chine ne cesse de protéger la junte birmane et a mis son veto – avec la Russie – à la résolution du Conseil de sécurité en 2018, qui proposait un plan d’action pour résoudre cette crise. L’Inde a aussi une attitude critique et n’a pas adopté la Déclaration de Bali de solidarité avec le peuple rohingya. De son côté, le Bangladesh développe des efforts pour faciliter le retour des réfugiés au Myanmar, mais ceux-ci s’y refusent en raison de la mauvaise volonté du Myanmar, qui ne leur accorde pas de garantie de sécurité et leur refuse la citoyenneté.
Sur le plan humanitaire, le Haut-Commissariat aux réfugiés se plaint de la diminution constante des contributions des Etats. En quatre mois, le budget de l’ONU d’aide aux Rohingyas a diminué de 33,3%. Selon l’International Crisis Group, c’est en priorité l’Union européenne qui devrait accroître son aide aux Rohingyas. Pour l’instant, ce million de réfugiés continue de vivre dans des conditions indignes d’êtres humains, et comme personne ne veut leur accorder de nationalité, ils restent apatrides. De surcroît, la quasi-guerre civile qui frappe le Myanmar empêche d’entrevoir une solution dans l’immédiat.
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