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Opinion. Ne pas jouer avec le feu


Paul Dembinski, directeur de l'Observatoire de la finance, professeur à l'Université de Fribourg

Paul Dembinski, directeur de l'Observatoire de la finance, professeur à l'Université de Fribourg

29 août 2024 à 00:00

Temps de lecture : 3 min

L’imposition individuelle des couples et familles fait débat au parlement. Les arguments mis en avant par le gouvernement sont d’une part l’égalité de traitement entre contribuables, indépendamment de l’état civil, d’autre part le souci de faire baisser la charge fiscale sur le conjoint au revenu le plus bas, en le dissociant du revenu le plus haut. La baisse de la charge fiscale subséquente devrait inciter le conjoint au revenu le plus faible – majoritairement les femmes – à augmenter sa participation au marché du travail. Ces arguments – égalité et croissance – font mouche auprès des sensibilités politiques et sociétales différentes, ce qui permet d’entrevoir des alliances inattendues au moment du vote.

Toutefois, le débat ainsi circonscrit fait l’impasse sur un aspect dont dépend l’avenir de nos sociétés à moyen terme – la pérennité de la famille en tant qu’institution sociale et économique, sans parler de sa dimension morale. Le message du Conseil fédéral rappelle que dans le droit en vigueur, «la famille est considérée comme une unité économique et constitue donc aussi une unité au regard du droit fiscal (…) Les partenariats enregistrés entre deux personnes de même sexe sont assimilés au mariage». Or, l’acceptation du principe de l’imposition individuelle entraînerait automatiquement la «dissolution» de la famille, en tout cas au sens du droit fiscal.

La famille est à terme un bonus pour l’économie

Quelle que soit la définition qu’on en donne, la famille est – ou aspire à être – une union, une communauté pérenne, bien plus qu’une collectivité d’individus liés contractuellement. Là, les relations, y compris économiques, poursuivent une logique spécifique. Elle est le lieu de toutes les solidarités entre fragiles et ceux qui, temporairement, ne le sont pas, entre actifs sur le marché du travail et ceux qui font tourner l’économie domestique. Avant de démanteler en droit la famille en tant qu’institution, il convient de réfléchir à deux fois et de ne pas jouer inutilement avec le feu, d’autant plus que deux études récentes montrent qu’elle est un bonus pour l’économie à moyen terme.

La 1re émane de l’OCDE et porte sur les taux de fertilité. Elle part du constat de leur effondrement en deux ou trois décennies. Pourquoi cette baisse alors que le revenu par tête ne cesse de croître? Les experts concluent que le revenu joue un rôle marginal et qu’une part importante de l’explication est à chercher dans le sentiment d’insécurité. Ce dernier a divers visages, dont la fragilité (aussi juridique) de la famille. L’avenir démographique des sociétés passe donc par la famille, qu’il faut consolider et non affaiblir. Parole de démographes. La 2e étude constate, du fait de la baisse de natalité, que les parentés de sang se sont réduites et verticalisées. Les auteurs y voient un réservoir privilégié de bonnes volontés (proches aidants). La parenté – à condition qu’elle existe – deviendra un complément indispensable du système de sécurité sociale de demain. Une raison de plus pour protéger la famille: elle atténue à moyen terme la charge fiscale.

Paul Dembinski directeur de l’Observatoire de la finance, professeur à l’Université de Fribourg

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